Je suis régulièrement confronté par une réalité de la vie que je n’apprécie pas du tout : s’exposer à de bonnes idées ne suffit pas pour changer de manière conséquente et durable sa manière de penser et d’agir. Lire des articles et des livres, écouter des podcasts, regarder des webinaires, participer à des séminaires, suivre des cours ; j’aime bien ce genre d’investissement, coûte que coûte, qui me laisse avec une certaine satisfaction intérieure peu importe son résultat ou son fruit tangible dans ma vie quotidienne.
S’exposer à de bonnes idées ne suffit pas pour changer de manière conséquente et durable sa manière de penser et d’agir.
Mais une série récente de prédications sur l’épître de Tite dans mon église locale a mis sur mon radar une implication de l’évangile qui s’avère provocatrice pour des personnes comme moi qui peuvent se contenter d’une écoute passive : l’évangile fait de nous des personnes réfléchies (cf. 1.8 ; 2.2, 5, 6 et selon la traduction 2.12).
Le mot réfléchi dans ce contexte est intimement lié à la maîtrise de soi (cf 1.8). Selon un commentateur[1], il s’agit du point culminant des disciplines chrétiennes, un « fruit » visible de la nouvelle naissance et du renouvellement du Saint-Esprit dont il est question en chapitre 3 (cf. vv 3-7). C’est le contraire du fait d’être esclaves de toutes sortes de passions et de plaisirs(3.3). Il n’est pas question ici d’être un « penseur » ou un intellectuel, mais plutôt d’agir de manière intentionnelle, en conformité avec sa nouvelle identité en Christ, afin d’honorer pleinement la doctrine de Dieu notre Sauveur (2.10) ; et ceci dans trois contextes précis : l’église (ch. 1), le foyer (ch. 2), et le monde (ch.3). Ce sera le deuxième de ces trois contextes qui nous préoccupera particulièrement ci-dessous.
Ma maison et la mission de Dieu
Effectivement, c’est la maison chrétienne qui se trouve sous les feux des projecteurs en Tite chapitre 2, et le fardeau de Paul pour les églises crétoises est celui-ci : que les foyers chrétiens rendent attrayant[2] l’évangile de Jésus-Christ aux yeux de ceux qui ne le connaissent pas encore. Paul sait très bien que ce but missionnel ne sera pas atteint si les chefs de famille continuent à fonctionner en mode « pilote automatique » ; c’est-à-dire, si leur appartenance à Jésus-Christ ne transforme pas leur manière d’agir en famille.
La parentalité en mode « pilote automatique », c’est une parentalité irréfléchie. Dans les prises de décisions ainsi que dans les moments de tension ou de friction relationnelle, c’est réagir de manière « naturelle » ou instinctive plutôt que de se laisser conduire par le Saint-Esprit qui nous renouvelle en Jésus-Christ.
La parentalité en mode « pilote automatique », c’est une parentalité irréfléchie. Dans les prises de décisions ainsi que dans les moments de tension ou de friction relationnelle, c’est réagir de manière « naturelle » ou instinctive plutôt que de se laisser conduire par le Saint-Esprit qui nous renouvelle en Jésus-Christ. Pour beaucoup d’entre nous, les réactions « naturelles » auront tendance à décrédibiliser Christ aux yeux de ceux qui nous observent (en premier lieu notre époux et nos enfants), alors qu’une réponse « spirituelle » (guidée par l’Esprit) leur donnera envie de mieux connaître Christ et son enseignement.
Comment est-ce que ça marche ?
Prenons Tite 2.11-14 comme guide : 11 En effet, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été révélée. 12 Elle nous enseigne à renoncer à un mode de vie impie et aux convoitises de ce monde et à vivre dans le temps présent conformément à la sagesse, la justice et la piété 13 en attendant notre bienheureuse espérance, la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus-Christ. 14 Il s’est donné lui-même pour nous afin de nous racheter de toute faute et de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié et zélé pour de belles œuvres.
Quel programme formidable de formation familiale !
Selon Paul, c’est la grâce de Dieu qui se révèle en Jésus-Christ (remarquez la synthèse du contenu de cette révélation en verset 14) et qui nous apprend à vivre d’une manière qui rendra attrayant l’enseignement de Dieu notre Sauveur dans nos lieux de vie respectifs. Comme on voit dans les versets 12 et 13, cette grâce veut nous instruire en rapport avec notre vie passée, notre vie présente, et notre vie à venir. Pour cet article initial à ce sujet, on se focalisera sur le premier de ces trois domaines d’apprentissage en lien avec notre vie familiale.
Professeur Grâce et le rappel de mon passé
Si j’étais capable d’influencer le programme de professeur Grâce, je l’encouragerais à nous aider à oublier notre passé. J’aime bien la pensée que Dieu exprime par la bouche de Jérémie (31.34) : En effet, je pardonnerai leur faute et je ne me souviendrai plus de leur péché. Moi non plus, je n’ai pas envie de me souvenir de mon péché. Mais l’apôtre Paul, un élève exceptionnel de Dr. Grâce, nous montre l’importance de rappels réguliers de ce que nous étions avant de connaître Christ, comme si c’était un composant fondamental d’une vie réfléchie. On en trouve un exemple en Tite 3.3 quand Paul parle sans mâcher ses mots de ce que nous étions « autrefois », avant la révélation de la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour nous.
Dans leur livre, Changer vraiment, Comment ?, Tim Lane et Paul Tripp présentent l’image d’un arbre qui représente notre fonctionnement en mode « pilote automatique » (une manière de parler de ce que l’apôtre Paul appelle « la chair »). Sous l’influence de la chaleur (les circonstances de la vie qui provoquent une réaction), l’arbre « naturel » produit du mauvais fruit(des comportements malsains qui n’honorent pas Christ et qui portent atteinte à nos relations). Ce mauvais fruit révèle une mauvaise racine (des fausses croyances qui tordent nos perspectives et nos désirs) qui est nourrie par la terre (les diverses influences qui ont contribué au développement de notre vie « naturelle » sans Christ) où pousse l’arbre.
Si le programme de professeur Grâce inclut des rappels concernant notre passé, aussi douloureux que puissent être ces souvenirs, ce n’est pas pour nous faire mal inutilement. C’est parce que notre salut, alors qu’étant un fait accompli grâce au sacrifice de Jésus Christ (2.14), est aussi un apprentissage qui est littéralement « en cours ». Il est question d’un processus de « renouvellement » (3.5) par le Saint-Esprit qui commence au moment de notre nouvelle naissance. Et ce processus, comme la croissance d’un enfant ou d’un arbre, prend du temps.
Les tendances et les influences
Sous l’influence de sa grâce, Dieu nous apprend à remplacer les tendances et les influences « naturelles » (…) avec une nouvelle manière de penser et d’agir qui révèle sa bonté et son amour pour nous en Christ à ceux qui nous entourent.
Quel est le but de ce processus, alors ? Sous l’influence de sa grâce, Dieu nous apprend à remplacer les tendances et les influences « naturelles », qui portent souvent du mauvais fruit dans nos relations en générale et nos familles en particulier, avec une nouvelle manière de penser et d’agir qui révèle sa bonté et son amour pour nous en Christ à ceux qui nous entourent. Plus je suis conscient des tendances et des influences qui sont visées dans ce processus d’apprentissage, plus je serai capable de collaborer avec le Saint-Esprit dans son œuvre de renouvellement.
Personnellement, ma prise de conscience de l’influence de mon passé sur ma parentalité a été facilitée par mon incapacité de maîtriser ma colère dans certains moments de tension familiale. Certains comportements, propos, attitudes de la part des membres de ma famille provoquaient une réaction d’irritation quasi immédiate tellement elle était instinctive. Je ne prenais pas le temps pour prendre du recul, pour me mettre à l’écoute, pour prier (des composants essentiels d’une réponse réfléchie que l’on examinera de plus près dans un article futur). Mais la souffrance de ma famille en conséquence de réactions irréfléchiesm’a mis face à mon besoin urgent, non pas d’une écoute passive d’un nouveau livre ou article ou podcast, mais du renouvellement du Saint-Esprit par l’apprentissage de la grâce de Dieu en Christ.
Un point de départ pour cet apprentissage impliquait l’analyse des racines de mes réactions naturelles aussi bien que de la terre où pousse l’arbre de ma chair. Voici une manière de formuler la question fondamentale : quelles TENDANCES et quelles INFLUENCES contribuent au mode « pilote automatique » dans mes rapports familiaux, notamment dans des situations tendues ?
Les TENDANCES
La maîtrise de soi sous l’influence de la grâce de Dieu en Christ est facilitée par la connaissance de soi à la lumière de sa sagesse. Ci-dessous quelques catégories de « câblage » intérieur qui sont bénéfiques à prendre en compte même si elles ne sont pas toutes d’origine biblique :
- Mes croyances : Qu’est-ce que je crois vraiment concernant nos origines, le sens de l’existence, la justice/la moralité, l’épanouissement, la vie après la mort, etc. ?
- Mes émotions : Quelle émotion a le plus tendance à m’envahir en situation de tension ou de friction relationnelle ? Pourquoi ? À quel point suis-je conscient de mes émotions et capable de me laisser informer plutôt que dominer par elles ?
- Mon tempérament : Est-ce que je suis plutôt sanguin, colérique, flegmatique, ou mélancolique ? Et quelles sont les caractéristiques de ces tempéraments ?
- Mon style de communication : Est-ce que je suis plutôt passif, agressif, passif agressif, ou affirmatif quand je communique ? Est-ce que mon style change avec des changements de contexte ou de relation ?
- Ma stratégie dans la gestion de conflit : Est-ce que je suis plutôt accommodant, évitant, compromettant, compétitif, ou collaboratif en situation de conflit ? Est-ce que je change de stratégie selon le contexte ou la relation ?
- Mes peurs : Laquelle ou lesquelles des peurs suivantes se manifeste(nt)-t-elle(s) le plus souvent dans mon être intérieur : l’abandon, l’échec, l’humiliation, la maladie, la mort, la pauvreté, le rejet, la solitude, la trahison ?
- Mes aspirations et projets : Quels sont mes projets (que ce soit court terme ou long terme ; que ce soit dans le domaine de la santé, des relations, des convictions, des passions, du service, de la carrière, du logement, etc.) ? Et quel impact a/ont ce/ces aspirations sur mes rapports familiaux ?
- Mes péchés habituels : Il est important de prendre en compte mes tendances pécheresses qui auront sans doute un impact conséquent sur mon expérience des autres catégories, que ce soit dans le domaine de l’incrédulité[3], ou de la désobéissance[4], ou de l’idolâtrie[5].
Les INFLUENCES
La Bible soutient explicitement l’idée que notre fonctionnement en famille est le fruit non pas simplement de notre « nature », mais aussi de notre « culture ». Une diversité de voix nous parle, qu’on en soit conscient ou pas. Et ces voix exercent, pour le bien ou pour le mal, une influence sur nos choix et sur le fruit que portent nos vies (cf. Psaume 1). Ci-dessous quelques catégories de voix ou d’influences « culturelles » à prendre en compte :
- Ma famille : parents, grands-parents, frères/sœurs, cousins, belle famille, etc.
- Mes formateurs : enseignants (maître/maîtresse/professeur) ; clergé (prêtre/pasteur/imam) ; entraîneurs (sport/musique/autre expression artistique) ; mentors (formels ou informels)
- Mes employeurs : les attentes, les exigences, la pression le stress ; la réussite et la reconnaissance ; l’échec et l’expérience de rejet
- Des artistes : les beaux-arts, le cinéma, la littérature, le théâtre, etc.
- Les médias : les actualités, les émissions, les publications, etc.
- La technologie et le web : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft et tout l’univers virtuel des vidéos Youtube, des réseaux sociaux, du gaming, du streaming, de l’e-commerce, etc.
Conclusion
Un des objectifs du Saint-Esprit dans son travail de renouvellement, c’est de mettre hors de service le mode « pilote automatique » dans nos rapports familiaux. Pour que Christ soit honoré et pour que son enseignement soit rendu attrayant dans nos maisons et à travers nos familles, ce sera nécessaire que sa grâce nous apprenne à être des parents réfléchis, maîtres de nous, libérés de notre esclavage aux tendances et influences qui nous dominaient avant de connaître Christ. Est-ce que ces tendances et influences sont toutes mauvaises en soi ? Bien sûr que non ! Mais sous la puissance du péché, ce que Dieu avait prévu comme bénédiction pour nous est devenu malédiction, et donc porteur de mauvais fruit dans nos vies et dans nos relations.
Mais lorsque la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes ont été révélés, il nous a sauvés (3.4). Saisissons, alors, ce salut et tout ce qu’il implique pour nos vies familiales ! Laissons-nous instruire par la grâce qui se révèle en Christ, en commençant peut-être par une prise de conscience de l’impact actuel des tendances naturelles et des influences culturelles sur notre comportement à la maison. Comme on verra dans l’article suivant, cette prise de conscience aura un rôle important à jouer dans les pensées d’un parent réfléchi dont le comportement (particulièrement dans les moments tendus) révèle Christ et rend attrayant son enseignement.