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Définition

Une Église équilibrée ou une Église en bonne santé est une Église qui incarne pleinement son identité, ce qu’elle est en Jésus-Christ. L’ontologie de l’Église (sa raison d’être, sa vocation) est décrite par Jésus et les apôtres dans le Nouveau Testament (NT) et notamment au travers des nombreuses images (métaphores, comparaisons) qu’ils utilisent tantôt pour décrire l’Église rassemblée, tantôt pour décrire l’Église dispersée.

La pertinence d’une image est « qu’elle frappe, choque même parfois pour secouer notre indifférence. Elle a toujours une charge émotionnelle plus grande, qui nous pousse davantage à l’action [1].

Résumé

Il n’est pas nécessaire d’avoir vécu 20 ans dans une Église évangélique pour découvrir, en son sein, l’immense variété des compréhensions de ce qu’est l’Église, de sa mission et du rôle qu’elle est censée jouer dans et en dehors de ses murs.

Certains pensent que l’Église devrait être un hôpital qui passe l’essentiel de son temps à soigner les blessés de la vie, d’autres la voient au contraire comme une armée victorieuse formée de soldats déterminés et disciplinés, d’autres enfin l’imaginent comme un bistrot de quartier, un lieu où chacun peut venir déverser ses états d’âmes et recevoir sans jugement une écoute compatissante.

Ces métaphores contemporaines de l’Église possèdent toutes une part de vérité. Mais reflètent-elles le désir profond de Dieu ? Sont-elles suffisantes pour définir son rôle et ses priorités ?

Ayant été amené à étudier les images de l’Église dans le NT, j’ai trouvé utile de les rassembler et de les classifier pour une question pédagogique.

Ce travail m’a aidé à mieux comprendre l’identité profonde de l’Église de Jésus-Christ, mais également son rôle et ses priorités.

Un double mouvement [2]

Un survol du NT nous permet d’identifier au moins 18 images concernant l’identité de l’Église ou des croyants. Parmi ces images, on distingue deux mouvements :

  1. Un mouvement « centripète » de l’Église (qui attire vers son centre)
  2. Un mouvement « centrifuge » de l’Église (qui expulse vers l’extérieur)

Le terme « centripète » évoque l’idée d’un mouvement qui attire les gens en son centre, vers Jésus. Ces images illustrent l’Église lorsqu’elle est rassemblée. Il s’agit de communautés attrayantes, qui donnent envie, qui vivent des relations fraternelles fortes et authentiques. Ce sont des communautés qui prennent soin des croyants à l’intérieur de la communauté en enracinant leur foi, en soignant leurs blessures, en accompagnant les plus fragiles, en développant une vision biblique du monde, en cherchant l’unité et la sainteté, en équipant chaque croyant pour être disciple et témoin dans le monde, en responsabilisant chaque disciple pour qu’il mette ses dons au service de la communauté, en structurant la vie pour développer et pérenniser l’œuvre de Dieu.

Le terme « centrifuge » évoque l’idée d’un mouvement qui envoie les gens vers l’extérieur, dans le monde. Ces images illustrent l’Église lorsqu’elle est dispersée. Il s’agit de communautés qui sont sensibles au monde qui les entoure, aux gens « du dehors », aux non-chrétiens. Elles mettent une emphase particulière sur l’être avant le faire. Ce sont des communautés centrées sur l’Évangile qui savent le rendre lisible et accessible à tous les niveaux. Elles prennent le soin d’équiper leurs membres et les envoient intentionnellement dans le monde pour l’influencer par l’Évangile. Elles encouragent et soutiennent leurs initiatives pour qu’ils incarnent l’Évangile en s’investissant dans la cité et en rayonnant dans leur cercle naturel (familial, professionnel, amical, social).

Une Eglise en bonne santé est une Eglise qui arrive à jongler de manière équilibrée entre ces deux mouvements.

Analyse des 8 images centripètes = les chrétiens rassemblés

Schéma des images centripètes de l’Église
  • La fiancée de Christ, son épouse(Éphésiens 5.22-33), c’est-à-dire une communauté imparfaite mais précieuse, aimée et protégée par Jésus. Elle entretient une relation d’amour, de pureté, de soumission, d’estime, de fidélité à l’égard de son époux, le Christ. Elle est appelée à devenir de plus en plus belle, c’est-à-dire toujours plus ressemblante à son époux (caractère).

 

  • Une vigne fructueuse (Jean 15.1-17) dont Jésus est le cep et les croyants les sarments. Pour porter du fruit, les sarments doivent être organiquement attachés au cep et laisser la sève de l’Esprit couler en eux.

 

  • Une famille spirituelle (Éphésiens 2.19) c’est-à-dire un lieu où l’on cultive des relations fraternelles authentiques, où chacun a la possibilité de cheminer et d’exercer ses dons pour le bien des autres. C’est une famille unie autour d’un même Père, d’un même Seigneur (Jésus-Christ) et animée par un même Esprit.

 

  • Un édifice solide composé de pierres vivantes (Éphésiens 2.20-21 ; 1 Pierre 2.4-10), ayant Jésus comme socle et pierre angulaire (sur laquelle s’aligne les autres pierres). Les murs de cet édifice sont constitués de pierres vivantes (les croyants) liées par le ciment de l’amour. L’Église n’est donc pas un tas de pierres mais un rassemblement de croyants établi sur Christ et sa parole, qui ont choisi de s’aimer les uns les autres, se servir, se supporter, se pardonner…

 

  • La colonne de la vérité (1 Timothée 3.15), c’est-à-dire un appui solide où l’on proclame et honore la vérité (Jésus).

 

  • Un corps (Éphésiens 4.11-16 ; Romains 12.4-9 ; 1 Corinthiens 12.13-27 ; 1 Pierre 4.9-10), c’est-à-dire un organisme vivant et structuré ou chaque membre joue un rôle important même s’il n’est pas toujours visible dont Jésus est la tête.

 

  • Un temple (Éphésiens 2.19-22 ; 1 Corinthiens 3.10-16), c’est-à-dire un lieu où Dieu (la trinité) manifeste sa présence. L’Église n’est donc pas un bâtiment mais un rassemblement de croyants unis par l’Esprit Saint, un lieu saint où l’on gère le péché et ses conséquences (discipline).

 

  • Un troupeau (Jean 10.1-16 ; Actes 20.28 ; 1 Pierre 5.1-5), une assemblée de disciples dont Christ est le berger. Les croyants sont appelés à suivre l’exemple de Christ (imiter son caractère, sa manière d’être) et à se soumettre à son autorité et sa parole. Jésus a délégué son autorité à des sous-bergers (les anciens) qui doivent servir et prendre soin de son troupeau.

Il existe également d’autres images liées aux rôles des chrétiens lorsqu’ils sont dispersés dans le monde (l’orientation centrifuge). Je précise qu’il s’agit de l’identité des chrétiens et pas forcément de l’Église en tant qu’institution.

Analyse des 10 images CENTRIFUGES = les chrétiens dispersés

Schéma des images centrifuges de l’Église
  • Le sel de la terre (Matthieu 5.13-14 ; Colossiens 4.2-6). Les chrétiens ne doivent pas restés dans leur salière, mais apporter de la saveur aux gens qu’ils côtoient. Ils doivent garder leur salinité (rester purs), apporter de la justice (rôle de conservation du sel) et refuser la corruption (compromis, mélange). Un sel impur (qui perd sa salinité) est inutile au Royaume.

 

  • La lumière du monde, des flambeaux (Matthieu 5.13-14 ; Philippiens 2.15).
    Les chrétiens doivent éclairer apporter la lumière de la vérité, de Jésus, de sa parole dans le monde. Elle doit se distinguer des œuvres ténébreuses.

 

  • Des témoins (Actes 1.8). Les chrétiens doivent témoigner de ce que Christ a fait pour eux et le monde.

 

  • Une lettre de Christ écrite (2 Corinthiens 3.2-3). Les chrétiens doivent être « lisibles » par leur comportement et leurs paroles. Ont doit comprendre ce qui motivent leurs actes.

 

  • Le parfum de Christ (2 Corinthiens 2.15-16). Les chrétiens doivent sentir le parfum de Christ. En proclamant l’Évangile ils seront une odeur de vie pour les futurs croyants, et une odeur de mort pour les incrédules.

 

  • Les ministres de la nouvelle Alliance et des ambassadeurs du Roi des rois, Jésus (2 Corinthiens 3.6 ; 2 Corinthiens 5.20). Les chrétiens doivent incarner leur message (cohérent) et représenter dignement leur Roi et le Royaume de Dieu.

 

  • Une semence (Matthieu 13.38). Les chrétiens et la parole de Dieu sont des semences dans le champ du monde. Ils doivent mourir à eux-mêmes, proclamer la parole et porter des fruits.

 

  • Un peuple choisi, une nation sainte, un sacerdoce royal, des prêtres (Éphésiens 2.12-18 ; 1Pierre 2.4-12).
    L’Église n’est pas une entreprise avec un clergé et des laïcs mais un peuple mis à part pour servir Dieu en exerçant le sacerdoce universel. C’est un peuple de « prêtres » qui sert d’intermédiaire entre Dieu et l’humanité. Les chrétiens doivent donc jouer le rôle de passerelle pour les non-croyants.

 

  • Des réconciliateurs (2 Corinthiens 5.19). Les chrétiens doivent tout faire pour réconcilier les hommes perdus auprès de leur créateur.

 

  • Des co-ouvriers de Christ (1 Corinthiens 3.9). Les chrétiens sont des ouvriers dans la moisson que Dieu prépare. Ils doivent travailler avec lui à l’expansion et l’édification de son Royaume.

Sept avantages à enseigner à partir des 18 images

1. Cela permet d’avoir une vision biblique de l’ADN de l’Église

Prises dans leur globalité, les 18 images couvrent les caractéristiques essentielles de l’Église de Jésus, son ADN. En comparant l’enseignement des 18 images avec les définitions de la théologie systématique, on constate qu’aucun aspect fondamental de l’Église n’est laissé de côté.

2. Cela permet de dépolariser certains ministères

Les leaders tels que les apôtres [3] et les évangélistes (des gens sensibles aux besoins des non-croyants et à la croissance quantitative de l’Église) ont une tendance naturelle à insister sur l’aspect centrifuge de l’Église en négligeant parfois son côté centripète. Les pasteurs et docteurs (des gens sensibles aux besoins internes de l’Église, à sa croissance qualitative, sa structuration et sa pérennisation) ont une tendance naturelle à prendre soin du troupeau et insister sur l’aspect centripète de l’Église en négligeant parfois son côté centrifuge. L’Église a autant besoin des apôtres et des évangélistes que des pasteurs et docteurs. La prise en compte de l’ensemble des images permet aux uns et aux autres de mieux comprendre leur rôle et la nécessaire complémentarité des autres ministères.

3. Cela permet de mieux répartir les rôles dans l’Église

Dans sa souveraineté, Dieu a choisi de nous donner des dons particuliers et donc des sensibilités différentes. Si nous voulons implanter des Églises missionnelles, il faut impérativement tenir compte de ses sensibilités. Chacun peut exercer un ministère en fonction de ses dons, ce qui permet à chaque membre de s’épanouir dans son rôle dans et/ou en dehors de l’Église. Tous les chrétiens sont appelés à être des témoins, mais tous ne sont pas appelés à avoir le même ministère ni à s’y investir avec la même intensité. De même que tous les chrétiens sont appelés à aimer et servir leurs frères et sœurs dans l’Église mais pas forcément à s’y investir de manière similaire et avec la même intensité.

4. Cela permet de mieux enraciner l’ADN biblique de l’Église

La pédagogie des images a fait ses preuves. Elles sont faciles à mémoriser et faciles à enseigner. Personnellement, je rappelle régulièrement les deux schémas pour maintenir la vision de ce que nous sommes en tant qu’Église de Jésus-Christ. Aujourd’hui, je pense que la plupart des membres de notre Église sont capables d’énumérer ces images et par conséquent de décliner son identité fondamentale. Cela m’évite de répéter inlassablement que « l’Église n’est pas un bâtiment » ou que « l’on ne va pas à l’église le dimanche ».

5. Cela permet de responsabiliser les membres de l’Église

En voulant motiver les chrétiens à œuvrer dans l’Église et dans le monde, les pasteurs/prédicateurs utilisent parfois le levier de la culpabilité, ce qui produit rarement des fruits durables. En rappelant régulièrement l’aspect identitaire de l’Église, nous laissons le soin au Saint-Esprit de convaincre la communauté de sa responsabilité à l’égard des frères et sœurs au sein de l’Église et de leur rôle dans le monde.

6. Cela permet d’interroger nos motivations profondes

En nous rappelant ce que nous sommes, ces images orientent notre attention sur l’être avant le faire. Une Église qui sait ce qu’elle est en Christ est beaucoup plus sereine devant son rôle et sa mission car elle agit sous la grâce. Elle n’agit pas sous la culpabilité (en se fixant des objectifs et en mettant en place des programmes et des activités pour répondre à des standards évangéliques) mais essaye d’incarner du mieux qu’elle peut, ce qu’elle est en Dieu.

7. Cela permet de clarifier le modèle d’Églises à implanter

Inconsciemment, les implanteurs d’Églises importent parfois leur propre culture dans les Églises qu’ils bâtissent. Ce faisant, ils transplantent leur Église au lieu d’implanter l’Église que le Seigneur est en train de constituer. Ils reproduisent l’Église qu’ils ont connue ou qu’ils ont imaginée mais qui ne correspond pas forcément aux standards de Dieu. Si l’adaptation culturelle est nécessaire elle ne doit cependant pas s’écarter des standards bibliques mais exprimer prioritairement l’identité définie par le grand architecte. La forme doit découler de l’identité et non l’identité découler de la forme.

Conclusion

Les 18 images bibliques ne remplacent pas la précision de la théologique systématique mais donnent chair aux formulations théologiques qui demeurent souvent trop statiques.
Comme les images communiquent mieux que de longs discours, qu’elles font davantage appel à nos émotions, qu’elles nous poussent à l’action, qu’elles sont aisément mémorisables et faciles à transmettre… Pourquoi s’en priver ?

Notes de pied de page

1Alfred KUEN, Comment interpréter la Bible, Emmaüs, Saint-Légier, 1991, p. 82.
2Ce double mouvement a été identifié par certains missiologues depuis une quinzaine d’années et porte aujourd’hui le nom « d’Églises missionnelles ».
3 Le terme « apôtre » est pris dans son sens restreint, apostolos = envoyé, missionnaire, implanteur.

Lectures complémentaires

Sur l’Église locale


Cet essai fait partie de la série « Courts traités de théologie ». Toutes les opinions exprimées dans cet essai sont celles de l’auteur. Cet essai est disponible gratuitement sous licence Creative Commons : Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions, permettant aux utilisateurs de le partager sur d’autres supports/formats et d’adapter/traduire le contenu à condition qu’un lien d’attribution, l’indication des changements, et la même licence Creative Commons s’appliquent à ce matériel.
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Cet essai est sous licence CC BY-SA 4.0