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Définition

L’Église universelle, c’est l’assemblée céleste et eschatologique de toute l’humanité – passée, présente et future – qui appartient à la nouvelle alliance et au royaume du Christ. L’Église locale, est constituée de croyants de la nouvelle alliance et de citoyens du Royaume qui s’affermissent mutuellement, et que l’on reconnaît parce qu’ils se réunissent régulièrement au nom de Jésus pour prêcher l’Évangile et célébrer ses ordonnances.

Résumé

Dans le Nouveau Testament, le mot traduit en français par « Église » [ekklesia] signifie « assemblée ». Deux types d’assemblées nous y sont présentés : l’une dans le ciel, et de nombreuses autres sur la terre. Ces deux types d’assemblées sont respectivement l’Église universelle et l’Église locale. Devenir chrétien c’est donc devenir membre de l’Église universelle que Dieu utilise pour nous élever avec le Christ et nous faire asseoir avec lui dans les lieux célestes. Toutefois, l’appartenance à l’assemblée céleste doit être « manifestée » sur la terre. C’est ce que font les chrétiens qui se rassemblent au nom du Christ grâce à la prédication de l’Évangile, se soutenant mutuellement et se rendant dépendant de lui par le biais de ses ordonnances. En d’autres termes, l’Église universelle céleste crée des Églises locales terrestres, qui, à leur tour manifestent l’Église universelle. Les chrétiens, à travers l’histoire, ont parfois favorisé l’une ou l’autre, et parfois négligé l’une ou l’autre. Néanmoins, la Bible accorde autant d’importance aux deux. Ce qui implique, pour chacun, de poursuivre sa vie de disciple dans une Église locale – mais qui s’associe à d’autres.

Deux usages du mot « Église »

Qu’est-ce que l’Église exactement ? Un tout jeune chrétien qui commencerait seulement à lire la Bible pourrait, dans un premier temps, avoir une certaine difficulté à répondre à cette question. En effet, il lit que Jésus bâtirait son Église et que les portes du séjour des morts ne prévaudraient point contre elle (Mt 16.18). En examinant alors l’utilisation du terme « Église » ici, il conclut, à juste titre, que Jésus a l’intention de faire de l’Église une entité gigantesque, composée d’un grand nombre de membres venus du monde entier, et dont l’élaboration durera des siècles. Puis, quelques pages plus tard, ce même jeune croyant tombe sur le passage où Jésus dit aux disciples qu’ils devraient régler une affaire de péché en le disant « à l’Église » (Mt 18.17). À présent, il ou elle se demande si une Église n’est pas, en réalité, un groupe spécifique de personnes rassemblées en un même endroit.

Quand on se penche sur les épîtres de Paul, on observe également deux emplois différents du terme « Église ». Dans un passage, Paul parle de « se réunir en assemblée » (1 Co 11.18) ; et dans un autre, il écrit que « Dieu a établi dans l’Église premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des docteurs », comme s’il s’agissait d’une chose plus complexe (1 Co 12.28).

Bien entendu, le jeune chrétien découvre éventuellement que la Bible décrit l’« Église » à la fois dans un sens universel et dans un sens local.

Au niveau lexical le plus fondamental, le mot grec ekklesia, traduit par « Église » dans les versions françaises de la Bible, signifie « assemblée ». Pourtant, l’Écriture adopte ce seul terme pour désigner deux types d’assemblées : une céleste, et une terrestre. Les croyants les appellent respectivement l’Église universelle et l’Église locale.

L’Église universelle, une assemblée céleste

Dans notre pensée, l’Église universelle devrait surgir la première, car au moment où ils deviennent chrétiens, les gens « rejoignent » l’Église universelle, c’est-à-dire l’assemblée céleste.

Après tout, le salut est lié à l’alliance. En effet, par la nouvelle alliance, Jésus-Christ s’est choisi non seulement des individus, mais aussi un peuple pour lui-même, œuvre qu’il a accomplie tout au long de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. En unissant ce peuple à lui-même, il a également uni tous ses membres les uns aux autres. L’apôtre Pierre l’exprime ainsi :

Vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, et qui maintenant êtes le peuple de Dieu, vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde, et qui maintenant avez obtenu miséricorde (1 Pi 2.10 ; lire également Ép 2.1-21).

Pierre structure la deuxième partie de sa phrase qui parle d’obtenir la miséricorde de Dieu notre Sauveur, en parallèle avec la première partie qui rappelle la manière dont nous sommes devenus le peuple de Dieu. Les deux choses se sont produites simultanément.

Incontestablement, l’adoption est une image vitale de notre salut (Ro 8.15 ; Ga 4.5 ; Ép 1.5). Être adopté par un père et une mère, c’est entrer, de façon dérivée et concomitante, au sein d’une famille de nouveaux frères et sœurs. Et ceci est bien l’Église universelle : de toute l’histoire du monde, et en tous lieux, ce sont tous nos nouveaux frères et sœurs qui appartiennent désormais à ce nouveau peuple de l’alliance.

Dans ce cas, pourquoi dire que l’Église universelle est au ciel ? En fait, explique Paul, en nous sauvant par sa grâce, Dieu « nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ » (Ép 2.6 ; voir aussi Col 3.1,3). Par notre union avec le Christ, nous sommes assis dans les cieux, ce qui signifie que nous possédons un rang et une place dans la salle céleste du trône de Dieu. Nous disposons de toutes les prérogatives et protections liées à cet endroit, parce que nous sommes fils et filles du Roi. Nous sommes là-bas. Néanmoins, Paul poursuit : nous n’avons pas seulement été réconciliés verticalement, ressuscités, faisant en sorte que nous sommes désormais assis dans les lieux célestes ; une réconciliation horizontale s’ensuit : « Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de Christ » d’une manière telle qu’« il est notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un » (2.13,14). Ce qui signifie que si vous êtes assis avec Christ dans le royaume céleste, vous êtes également assis avec tous les autres en ce même lieu. C’est l’assemblée céleste, ou l’Église universelle, que Paul continue de décrire dans les chapitres suivants (3.10,21 ; 5.23-32).

L’auteur de l’épître aux Hébreux rapporte encore plus explicitement, à l’attention de son lectorat chrétien, l’endroit où cette assemblée est réunie :

Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, […] de l’assemblée [ekklesia ou Église] des premiers-nés inscrits dans les cieux, du juge qui est le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, de Jésus qui est le médiateur de la nouvelle alliance (Hé 12.22-24).

Encore une fois, comment est-il possible que les saints sur la terre soient dès maintenant rassemblés dans le ciel ? En vérité, devant le trône de son jugement, Dieu les a déclarés justes et parfaits grâce à la nouvelle alliance en Jésus-Christ. Là, dans le ciel, il les considère tous réunis, vivants et morts, chacun selon son rang.

Par ailleurs, cette assemblée céleste préfigure l’assemblée de tous les saints de l’histoire de l’humanité, qui, à la fin des temps, seront rassemblés autour du trône divin. C’est, selon l’apôtre Jean, « une grande foule, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l’Agneau » (Ap 7.9). Pour cette raison, les théologiens caractérisent l’Église universelle non seulement comme une assemblée céleste, mais aussi comme une assemblée eschatologique (de la fin des temps).

Première définition : L’Église universelle est l’assemblée céleste et eschatologique de toute l’humanité – passée, présente et future – qui appartient à la nouvelle alliance et au royaume du Christ.

C’est l’Église que Jésus, en Matthieu 16, a promis de bâtir. C’est le corps du Christ tout entier, la famille de Dieu et le temple du Saint-Esprit. On en devient membre en étant sauvé.

L’Église locale, une assemblée terrestre

Pourtant, l’appartenance céleste d’un chrétien, membre de l’Église universelle, doit être manifestée sur la terre, tout comme la justice que le Christ a imputée à un chrétien devrait se révéler chez lui au travers d’œuvres de justice (Ja 2.14-26). Être membre de l’Église universelle représente une réalité « positionnelle ». C’est une position – ou un rang – céleste, dans la salle d’audience de Dieu. C’est donc aussi réel que n’importe quelle autre chose dans ou au-delà de l’univers. Il incombe cependant aux chrétiens de revêtir, ou d’incarner, ou de vivre concrètement cette dépendance universelle, tout comme Paul affirme que nous devons « revêtir » notre justice positionnelle d’actes de justice existentiels (Ép 4.24 ; Col 3.10,14).

Autrement dit, en tant que membres, notre appartenance au corps universel et céleste du Christ ne peut demeurer une idée abstraite. Si elle est véritable, elle sera manifestée sur la terre, dans notre quotidien et partout auprès de personnes concrètes dont les noms peuvent être Lili, Saïd ou Djamel ; des gens que l’on n’a pas choisis et qui ne nous laissent aucun répit, qui nous déçoivent, qui nous encouragent ou qui nous aident à suivre Jésus. Si vraiment nous faisons partie intégrante de l’Église universelle, cela doit se voir au travers de nos réunions locales.

Pour résumer cette relation, l’Église universelle crée des Églises locales, tandis que les Églises locales prouvent l’existence et témoignent de l’Église universelle, la rendent visible et la protègent de cette manière :

Analysons ce que cela implique : si une personne se dit membre de l’Église, mais qu’elle ne met jamais les pieds dans uneÉglise, on pourrait, à juste titre, se demander si elle appartient réellement à l’Église, de la même manière que l’on peut s’interroger au sujet de quelqu’un qui a la foi sans les œuvres.

L’Église locale est le lieu où, littéralement, nous voyons, entendons et côtoyons physiquement l’Église universelle ; pas dans son entièreté, mais au moins en partie.

C’est un avant-poste terrestre et visible de l’assemblée céleste. C’est, en somme, une machine à remonter le temps : venue du futur, elle nous offre un aperçu de cette congrégation de la fin des temps.

Les rassemblements, l’affermissement mutuel, la prédication, les ordonnances

Plus précisément, l’Église universelle devient une Église locale – elle devient visible – par (i) un rassemblement ou une réunion régulière de personnes (ii) qui s’affermissent mutuellement en tant que chrétiens (iii) en prêchant l’Évangile (iv) et en prenant part au baptême et à la sainte cène.

Prenons un peu de recul et essayons de clarifier les choses. Chaque nation, chaque royaume connaît, d’une façon ou d’une autre, qui sont ses citoyens. Aujourd’hui, les pays se servent de passeports et de frontières. L’ancien peuple d’Israël recourait à la fois à la circoncision et au sabbat, signes respectifs des alliances abrahamique et mosaïque. L’Église n’est pas, actuellement, un royaume terrestre possédant des terres ; mais ce royaume céleste requiert lui aussi un moyen d’identifier ses propres ressortissants à travers le monde. Comment cela est-il possible ? Comment ces sujets des cieux peuvent-ils savoir qui « ils » sont, vis-à-vis d’eux-mêmes comme vis-à-vis des autres nations ?

Afin de répondre à cette question, Jésus a remis deux signes aux croyants de la nouvelle alliance : le signe d’entrée, le baptême, par lequel les gens sont immergés en son nom (Mt 28.19), et le signe ininterrompu de la sainte cène du Seigneur, par lequel ils s’affermissent les uns les autres en tant que membres de son corps (1 Co 10.17).

En plus de cela, il a conféré aux Églises locales le pouvoir de proclamer publiquement que leurs membres sont citoyens de son royaume et d’apposer ces signes sur les autres, un peu comme un entraîneur qui distribue les maillots aux joueurs de son équipe. Dans cette optique, il a donc donné aux assemblées les clés du Royaume pour lier et délier sur terre ce qui est lié et délié dans le ciel (Mt 16.19 ; 18.18). Qu’est-ce que cela suppose ? Qu’en vérité, les Églises sont habilitées à porter un jugement sur le quoi et le qui de l’Évangile ; sur la confession et le confessant. Par ces privilèges, il a autorisé les assemblées à attester : « Oui, cette confession est conforme à l’Évangile, nous y croyons, et vous devez y croire aussi afin de devenir membre ». De même que : « Oui, cette personne a véritablement confessé l’Évangile. Nous la baptiserons pour qu’elle devienne membre » ou « Nous ne lui permettons plus d’être membre et de s’asseoir à la table du Seigneur, à cause d’un péché pour lequel elle ne s’est pas repentie ». En termes usuels, Jésus a confié à cette assemblée les clés du royaume des cieux pour qu’elle rédige des professions de foi et qu’elle établisse des annuaires de ses participants.

Voici donc la deuxième définition : Une Église locale, c’est un groupe de membres de la nouvelle alliance et de citoyens du Royaume qui s’affermissent mutuellement, et que l’on reconnaît parce qu’ils se réunissent régulièrement au nom de Jésus pour prêcher l’Évangile et célébrer ses ordonnances.

Au chapitre 18 de l’Évangile selon Matthieu, Jésus décrit l’Église locale lorsqu’elle est assemblée. Il s’agit d’une représentation du corps du Christ, de la famille de Dieu et du temple du Saint-Esprit.

L’histoire de l’Église des premiers siècles : une propension à l’Église universelle

Tout au long de l’histoire de l’Église, différents individus de différentes traditions, ont tour à tour mis l’accent soit sur l’Église universelle, soit sur l’Église locale.

Les premières générations de croyants ont accordé, à juste titre, autant d’importance aux deux. C’est du moins ce que l’on peut penser en lisant les premières lettres aux Églises et à leurs responsables, adressées par des pasteurs comme Clément de Rome ou Ignace. Au iie siècle, avec sa manière d’insister à la fois sur le fonctionnement pratique d’une Église locale et, plus généralement, sur la fidélité chrétienne, le document appelé la Didachè laisse croire qu’il en était toujours de même.

Cependant, au cours des iiie, ive et ve siècles, de la même façon qu’il peut, parfois, nous arriver de faire glisser tout notre poids sur un seul de nos deux pieds, les écrits des pères de l’Église se mettent à prêter de plus en plus d’importance à l’Église universelle, quoique sous une apparence institutionnelle. Il y a des raisons à cela. Un certain nombre d’hérésies commencent en effet à paraître à cette époque. Les assemblées sont alors divisées au sujet de chrétiens – particulièrement des évêques – qui ont renié Jésus-Christ au moment de la persécution, et qui ont demandé ensuite à être réintégrés dans l’Église. De tels défis pastoraux ont alors incité tout le monde, de Cyprien à Augustin, à souligner l’importance de l’union à la sainte Église apostolique et catholique (« universelle »). Ils affirment ainsi que l’unité avec la véritable Église universelle nécessite d’être uni au bon évêque. Ils prétendent aussi que ce dernier ne peut être que l’évêque de Rome – le pape. Pour ainsi dire, la catholicité (ou l’universalité) est devenue autant une réalité terrestre qu’une réalité céleste. Elle appartient désormais aux structures institutionnelles, rattachant formellement et autoritairement l’Église mondiale à un épiscopat censé remonter à Pierre et organisé tout autour du pape.

La Réforme protestante est venue briser ce modèle en offrant une conception plus spirituelle de la catholicité. Les réformateurs ont eux aussi soutenu qu’il est impératif que l’Église dispose d’organismes extérieurs. Mais ils ont également entrepris de distinguer l’Église visible de l’Église invisible. Ainsi, ils ont insisté sur le fait qu’une personne puisse très bien appartenir à l’Église visible sans forcément faire partie de l’Église invisible – ou vice-versa – puisque le salut n’est pas un gain reçu automatiquement au moment du baptême ni même en prenant part à la sainte cène, mais seulement par la nouvelle naissance et la foi. Cette dimension soudainement accordée à l’Église invisible a de nouveau transformé la catholicité (l’universalité) de l’Église en un attribut spirituel et non plus institutionnel. Autrement dit, au dernier jour, l’Église universelle s’avérera être l’Église invisible, non-assujettie à l’espace et au temps, et elle ne sera pas d’emblée constituée de tous ceux qui se considèrent comme des membres des Églises visibles.

L’histoire de l’Église des siècles derniers : une tendance vers l’Église locale

Cela dit, les premiers réformateurs, tels que Luther, Calvin ou Cranmer, ont tout de même gardé un peu de place, dans leur pensée, pour y loger une forme institutionnelle d’unité ou de catholicité. Leurs dénominations sont en effet « connexionnelles » : leurs Églises sont connectées les unes aux autres, à la fois formellement et autoritairement. À l’aune de leur croyance, une telle connexion officielle est requise pour atteindre l’unité – et par conséquent la catholicité. Dès lors, ils estiment que l’Église visible n’est pas seulement composée de l’Église locale, c’est-à-dire de l’assemblée de personnes réunies en un seul et même lieu. Cela concerne également des Églises plus hiérarchisées, qu’il s’agisse de presbytères ou d’épiscopats. Ils ont alors nommé leurs assemblées « l’Église d’Angleterre » ou « l’Église luthérienneallemande ». Sans surprise, leurs théologies ont autant appuyé la dichotomie visible-invisible, si ce n’est davantage, que la distinction entre Église locale et Église universelle. La pratique du baptême des petits enfants, et le fait de considérer ces derniers – qui ne sont pas régénérés – comme des membres à part entière des assemblées locales, ont intensifié le besoin de séparer l’Église visible et l’Église invisible. Après tout, les enfants qui ne sont pas régénérés appartiennent à l’Église visible, mais pas à l’Église invisible.

Pourtant, quelques décennies plus tard, toujours pendant la Réforme, les anabaptistes, suivis des baptistes, ont à nouveau jugé, d’une manière plus définitive, que l’unité de l’Église catholique/universelle se situe dans les cieux. Ils ont allégué que chaque assemblée doit rester institutionnellement indépendante, et être uniquement constituée de croyants. Ces protestants ont soutenu que l’Église visible sur terre n’est que l’Église locale – géographiquement localisée ; une congrégation réunie en un lieu topographique précis. Ils attestent que l’Église d’Angleterre n’est pas une Église mais une « paraéglise », c’est-à-dire une simple structure administrative reliant de multiples Églises entre elles.

Malgré tout, parmi ces groupes baptistes, le fameux risque de faire glisser tout le poids du corps sur un seul pied demeure : les chrétiens portent toute leur attention sur l’Église locale, et très peu sur l’Église universelle. Certaines branches des Églises baptistes – comme le « landmarkisme » à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle – sont même allées jusqu’à affirmer que seule l’Église locale existe. Ils refusent ainsi de partager la sainte cène avec quiconque ne faisant pas partie de leur propre assemblée. Soyons reconnaissants que de telles branches soient rares.

Une pratique plutôt commune à la fin du xxe siècle et au début du xxie siècle, est le rejet de l’Église universelle par des responsables d’Églises très portés sur le marketing et les pratiques commerciales. De telles congrégations déclarent ouvertement qu’il existe bien une Église universelle ; dans leurs sermons, elles louent le Seigneur pour la présence de chrétiens partout dans le monde ; mais, au final, par leurs pratiques religieuses égocentrées, elles ignorent trop souvent cette Église universelle. Il ne s’agit, au fond, que d’un état d’esprit mercantile qui emploie le langage du ministère et des méthodes favorisant, en réalité, l’identité d’une Église – sa marque de commerce – tel un restaurant faisant la promotion de son propre savoir-faire en matière de hamburgers… L’effet produit, sans doute involontaire, est l’opposition entre les différentes assemblées. Voyez, entre autres, les statuts missionnaires de l’Église qui ont été assez populaires dans les dernières décennies : ils mettent en exergue et particularisent un mandat évangélique spécifique à laquelle telle assemblée accorde de l’importance, comme si Jésus n’avait pas donné à toutes les assemblées exactement le même commandement quant à la mission (Mt 28.18-20). Et ce primat concédé à ce qui est propre à chacune, au lieu d’accentuer ce qui relève du partenariat commun, équivaut, en fin de compte, à travailler indépendamment des autres, et non avec les autres. Aussi, lorsqu’une salle est remplie, le premier réflexe d’une Église n’est pas d’implanter une autre Église ; elle propose plutôt un deuxième rassemblement ou ouvre un autre local. Ces communautés invitent parfois des pasteurs d’autres pays pour partager des sujets de prière, mais elles ne le font plus avec des pasteurs dont les assemblées sont pourtant sur la même rue.

Dans l’ensemble, il faut dire que la mentalité marchande et ses grandes stratégies n’induisent pas qu’il faille s’opposer à d’autres Églises, comme ce peut être le cas dans le milieu de la restauration rapide. Pourtant, dans ces circonstances, les Églises voisines s’ignorent. Pire encore, elles sont, sans s’en rendre compte, bel et bien rentrées en concurrence : les orateurs les plus charismatiques, avec la meilleure présentation, la meilleure programmation, attirent un grand nombre de personnes loin de leurs assemblées de proximité. Le partenariat entre Églises du même quartier, de la même ville, est donc rare.

Accorder autant d’importance à l’Église locale qu’à l’Église universelle

Or, en vertu de l’image biblique, tout le poids du corps repose sur les deux pieds : l’Église repose donc sur le local comme sur l’universel. Comme je l’écrivais au début de cet article, l’Église universelle est manifestée par les congrégations locales. Néanmoins, elle devrait être aussi manifestée par les motivations de toutes les Églises à établir des partenariats entre elles, comme nous pouvons l’observer dans les assemblées néotestamentaires. Celles-ci s’échangeaient régulièrement des nouvelles, et se communiquaient un amour mutuel (Ro 16.16 ; 1 Co 16.19 ; 2 Co 13.13 ; etc.). Elles s’envoyaient aussi des prédicateurs et des missionnaires (2 Co 8.18 ; 3 Jn 5-8), se soutenaient financièrement les unes les autres avec joie et reconnaissance (Ro 15.25,26 ; 2 Co 8.1,2), s’imitaient réciproquement quant aux respect des commandements de Dieu (1 Th 1.7 ; 2.14 ; 2 Th 1.4), prenaient soin de chacune dans tous les domaines (1 Co 16.1-3 ; 2 Co 8.24), priaient les unes pour les autres (Ép 6.18), et bien plus encore.

Aujourd’hui, certains chrétiens peuvent être en désaccord sur cette question ecclésiologique : la Bible nous incite-t-elle à établir ou non une unité officielle ou des connexions entre Églises ? (Je ne crois pas que ce soit le cas.) Toutefois, chaque communauté locale devrait servir la communauté universelle par l’amour, le partenariat et le soutien aux autres, y compris celles qui sont à proximité. Lorsque des membres baptisés venant d’autres Églises nous rendent visite, nous devrions être disposés à partager la sainte cène avec eux.

Précisons en outre que chaque dénomination traditionnelle devrait affirmer la nécessité pour les croyants d’être membres d’une Église locale puisque ces dernières sont des manifestations de l’Église universelle. Notre patrie est le Paradis, et nous en sommes des représentants envoyés, ici et maintenant, pour bâtir des ambassades. Ces congrégations réunies sont un avant-poste, un avant-goût, une colonie, une symbolisation du rassemblement ultime. Si vous appartenez à l’Église, alors vous voudrez faire partie d’une Église. C’est de cette manière que nous incarnons notre proclamation, notre foi, notre communion fraternelle et notre appartenance au corps de Jésus-Christ.

Lectures complémentaires

  • CLOWNEY, Edmund, « The Church as a Heavenly and Eschatological Entity », dans The Church in the Bible and the World, D. A. Carson, éd., 1987, réimpr., Eugene, Oreg., Wipf & Stock, 2002.
  • DEVER, Mark, « A Catholic Church », dans The Church: One, Holy, Catholic, Apostolic, de Richard D. Phillips, Philip G. Ryken, et Mark E. Dever, Phillipsburg, N. J., P&R, 2004.
  • SCHROCK, David, « An Ecclesiology of Churches: Why the Universal Church Is Best Regarded as a Myriad of Local Churches», 10 novembre 2016.
  • WELLUM, Stephen. J., « Beyond Mere Ecclesiology: The Church as God’s New Covenant Community », dans The Community of Jesus: A Theology of the Church, Kendell H. Easley et Christopher W. Morgan, éd., Nashville, Tenns., B&H, 2013.
  • DAGG, J. L., « The Local Churches » et « The Church Universal », dans Manual of Church Order, 1858, réimpr., Harrisonburg, Virg., Gano Books, 1990.
  • LEEMAN, Jonathan, « What Is a Local Church» (8/22/14).
  • LEEMAN, Jonathan, « A Church and Churches: Integration» (5/10/13).
  • LEEMAN, Jonathan, « A You a Universal Church-er or a Local Church-er?» (7/27/16).

Cet essai fait partie de la série « Concise Theology ». Tous les points de vue exprimés dans cet essai sont ceux de l’auteur. Cet essai est gratuitement disponible sous licence Creative Commons avec Attribution Partage dans les mêmes conditions (CC BY-SA 3.0 US), ce qui permet aux utilisateurs de le partager sur d’autres supports/formats et d’en adapter/traduire le contenu à condition que figurent un lien d’attribution, les indications de changements et que la même licence Creative Commons s’applique à ce contenu. Si vous souhaitez traduire notre contenu ou rejoindre notre communauté de traducteurs, n’hésitez pas à nous contacter.