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Résumé

Le « dieu Marvel », façonné par notre culture, est une vision utilitariste et individualiste qui réduit Dieu à un simple répondant à nos désirs. En contraste, le Dieu biblique est souverain, omnipotent et transformateur, nous appelant à une vie enracinée dans Sa justice et Son royaume. Face à ce défi, retournons à l’essentiel : une foi authentique, centrée sur la Parole et une relation véritable avec le Créateur.


La société moderne semble reléguer Dieu sur le banc de touche, au Canada la proportion d’habitants qui s’identifient comme chrétiens est en diminution, 67,3% en 2011 à 53,3% en 2021. De plus, la proportion de Canadiens se déclarant sans affiliation religieuse a grimpé à 34,6 %,[1] reflétant une tendance croissante vers la sécularisation. C’est un effet temporaire selon plusieurs experts en raison des projections mondiales prévoyant une progression des croyances religieuses avec le recul futur de l’athéisme et de l’agnosticisme[2] —, ces chiffres révèlent une déconnexion avec une vision de Dieu émanant de la Bible dans notre société.

Ce phénomène ne laisse pas le chrétien hors d’atteinte. L’environnement ambiant influence notre vision du monde et notre compréhension de Dieu. Cependant il y a des bonnes nouvelles, selon le rapport Still Christian? (Cardus, 2024), les évangéliques sont en bonne posture pour ne pas perdre de vue le Dieu de la Bible, on assiste à un plus grand engagement de la part des jeunes que de leurs aînés concernant les croyances et la pratique religieuse.[3]

Cette bonne nouvelle mérite d’être célébrée, et il est vrai que nous pouvons observer un renouveau au sein de la jeunesse. Toutefois, ne soyons pas dupes : bien que les jeunes dans nos églises semblent plus engagés envers la Bible qu’auparavant, et qu’en général les jeunes manifestent une certaine ouverture à son égard, seulement 5 % peuvent être considérés comme véritablement engagés envers les Écritures.[4]

Ces données révèlent une tendance préoccupante : une déconnexion progressive entre les croyants et la Parole de Dieu. Or, la compréhension des Écritures influence inévitablement notre vision de Dieu, notre devoir de chrétien et nous aide à naviguer les doctrines primaires, secondaires et tertiaires concernant notre foi. Dans ce contexte, un affrontement entre deux perceptions de Dieu jaillit. D’un côté, le Dieu biblique, souverain et transformateur ; de l’autre, un « dieu Marvel », individualiste et moraliste, créé par notre culture contemporaine. Cette dichotomie, parfois même présente dans nos prédications, constitue un défi majeur pour la transmission de la foi et le développement d’une vision et action chrétienne authentique ancrée dans l’Évangile.

Qu’est-ce que je veux dire par «dieu Marvel»?

Les chercheurs appellent ce phénomène le déisme thérapeutique moraliste. Pour rendre ce concept accessible, je l’ai nommé le « dieu Marvel ». Cette vision de Dieu, bien qu’elle puisse parfois sembler biblique, ne l’est nullement. Elle repose sur trois notions clés : le déisme, le thérapeutique, et le moraliste. Prenons le temps de les définir.

    • Déisme: Une croyance en un Dieu qui existe, mais qui est distant et rarement impliqué dans les affaires humaines. Il a créé le monde, mais agit comme un spectateur. Par exemple, Benjamin Franklin, figure des Lumières, illustre bien cette perspective : il voyait Dieu comme un créateur mais non comme un acteur actif dans les affaires humaines, et considérait la religion principalement sous un angle moral et social.[5]
    • Thérapeutique: Une vision où Dieu est centré sur l’individu, dont le rôle principal serait d’assurer notre bien-être, notre bonheur et notre épanouissement personnel. Cette perspective trouve un écho dans les idées de Carl Rogers, psychologue humaniste, qui voyait l’accomplissement personnel comme l’objectif ultime.[6] Dans un contexte religieux, ce paradigme, lorsqu’amalgamé à la foi, produit une sorte de pseudo-religion : un sous-produit de l’idolâtrie du soi, où Dieu est réduit à une entité domestiquée, servant uniquement à faciliter le bonheur individuel.
    • Moraliste: Un Dieu réduit à un code de bonne conduite : être gentil, faire le bien et éviter de faire le mal, sans réelle transformation intérieure ou relation avec lui. Cette vision rappelle les idées d’Immanuel Kant, qui voyait la religion comme un moyen de promouvoir la moralité universelle. Pour Kant, Dieu servait davantage de garant moral que de figure relationnelle et rédemptrice.[7]

Ces trois concepts, additionnés ensemble forment le dieu Marvel:  

Ce « dieu Marvel », comme un super-héros des bandes dessinées, semble accessible et attrayant, mais il n’est en réalité qu’une caricature du Dieu biblique. Il est distant et proche à la fois : on peut l’inviter dans nos vies quand bon nous semble, simplement en lui envoyant un signe, tel un appel à un superhéros. Il est puissant, mais pas assez pour qu’il soit maître de nos vies ; il est notre héros, mais jamais notre roi. Il devient optionnel, un bonus, pour améliorer nos vies, surtout quand ça ne va pas. Il est vu comme celui qui éteint les feux : qu’il s’agisse des crises de société ou des tumultes de nos cœurs. Ce « dieu Marvel » est « notre meilleur ami », celui qui nous aide à nous sentir mieux. Il nous comprend, nous écoute, et semble se soucier avant tout de notre individualité et de notre épanouissement personnel. En tant que guide moral, il nous demande simplement d’aimer : d’être de bonnes personnes, de redonner au suivant, de cultiver l’amour dans nos actions. Et pour développer cela, nous n’avons qu’à passer du temps avec lui. Cette vision simpliste et utilitaire du divin peut sembler juste, mais elle réduit Dieu à un miroir de nos propres besoins et aspirations, au lieu de révéler la grandeur de celui qui est vraiment le Seigneur de l’univers.

L’effet sur nos jeunes et sur nous 

L’effet sur nos jeunes

Nos jeunes grandissent dans une culture de l’attente, où un super-pouvoir, ou un moment décisif, viendrait déclencher leur destinée. Influencés par cette vision, ils façonnent leur perception de Dieu à partir de ces modèles culturels. Ainsi, Dieu perd son D majuscule et devient le « dieu Marvel ». Lorsque ces jeunes atteignent l’âge adulte, beaucoup frappent un mur et ce « dieu Marvel » se révèle insuffisant. Ils peinent à articuler leur foi et se voient confrontés à une société en crise avec des institutions indifférentes, voire hostiles, à la foi chrétienne.

Face à ce vide, certains abandonnent la foi ou construisent leur vision du monde sans Dieu, revenant à lui uniquement comme un héros ponctuel. Leur vision n’est pas profondément chrétienne, les privant d’un cadre solide pour leur chemin de disciple.

Un autre défi majeur pour la jeunesse actuelle est la question du temps. Alors que Jésus passait des heures quotidiennes à enseigner ses disciples, les jeunes d’aujourd’hui sont exposés à des centaines d’heures mensuelles d’influences culturelles séculières, véhiculées par les médias, les institutions éducatives et les plateformes numériques. En revanche, les activités religieuses, incluant la participation à l’église et aux groupes de jeunes, se limitent souvent à quelques heures par semaine. Ce déséquilibre rend difficile l’intégration d’une vision biblique cohérente et enracinée dans leur quotidien.

De plus, plusieurs parents de la dernière génération ont vécu les dommages du moralisme et du légalisme chrétien. En réponse à cette tendance observable par le passé dans nos milieux, les parents ont opté pour une éducation, transmission de la foi, basé plus sur un exemple par les actes que la communication d’un héritage articulé par les mots. Le problème cependant est que les mots ont été donnés par d’autres au lieu de nous.

« Une église qui tient l’Évangile pur acquis perd l’Évangile à la génération suivante » – Mark Dever

L’effet sur nous

Nous ne sommes guère différent de nos jeunes [8], et ce «dieu Marvel» se glisse insidieusement dans nos sermons, nos prières et nos décisions. Il risque de transformer la foi chrétienne en un simple outil de développement personnel. Il est vrai que l’Évangile peut engendrer un développement personnel, mais celui-ci est une conséquence et non le but premier de la Bonne Nouvelle. Le danger réside non pas dans le développement personnel en soi, mais dans la recherche de celui-ci au détriment de l’Évangile, à l’image de ceux qui adorent la création plutôt que le Créateur.

Nous avons troqué le légalisme et le moralisme pour le déisme thérapeutique moraliste, qui paraît moins oppressant et même agréable. Ne nous laissons pas leurrer : ces courants sont néfastes. Nous vivons encore les conséquences du dernier courant sur la génération précédente, les milléniaux. En témoignent cette donnée : seulement environ un millénial canadien sur dix, ayant grandi dans une église, peut être considéré comme un disciple. Cette donnée, terriblement basse, nous interpelle à être plus vigilants dans notre approche de formation de disciples. Ne réagissons pas à un extrême par un autre, mais retournons à la Bible.

Dans ce cas, qui est le Dieu biblique, le Dieu de la Bible?

Le Dieu biblique est radicalement différent du « dieu Marvel ». Il n’est pas créé par nos aspirations culturelles ni limité à nos besoins individuels. Il est tout-puissant (omnipotent), le créateur du ciel et de la terre, l’Alpha et l’Oméga, celui qui tient tout l’univers entre ses mains (Colossiens 1.16-17). Il est également omniscient : il connaît déjà nos besoins avant même que nous les exprimions. Contrairement à un dieu que l’on invoque uniquement sur demande pour combler un vide créé par la société post-séculière, il est toujours présent (omniprésent), un acteur actif dans l’histoire humaine et dans nos vies personnelles. Son plan s’accomplit toujours.

Contrairement au « dieu Marvel », le Dieu de la Bible se révèle à travers son caractère, non à travers son utilité:

  • Omnipotent et omniprésent : Jérémie 32.17 déclare : « Ah! Seigneur Éternel, Voici, tu as fait les cieux et la terre Par ta grande puissance et par ton bras étendu: Rien n’est étonnant de ta part. »
  • Omniscient et immuable : « Notre Seigneur est grand, puissant par sa force, Son intelligence n’a point de limite. » Malachie 3.6 affirme : « Car je suis l’Éternel, je ne change pas. »
  • Saint et juste : « Saint, saint, saint est l’Éternel des armées! toute la terre est pleine de sa gloire! » Deutéronome 32.4 l’appelle « un Dieu fidèle et sans iniquité ».
  • Amour, miséricordieux et plein de grâce : Dieu est amour (1 Jean 4.8), riche en bonté et miséricordieux (Psaume 103.8), offrant gratuitement le salut par grâce (Éphésiens 2.8).
  • Éternel, souverain et fidèle : « D’éternité en éternité tu es Dieu. » Sa fidélité est inaltérable, comme le rappelle 2 Timothée 2.13.

L’histoire biblique reflète ce caractère à travers quatre actes:

  1. La création : Dieu a créé un monde parfait où chaque élément reflétait sa gloire et sa justice (Genèse 1-2).
  2. La chute : Le péché a brisé cette harmonie, déformant notre vision de Dieu et introduisant l’injustice et la souffrance dans le monde (Genèse 3).
  3. La rédemption : Par Jésus-Christ, Dieu satisfait pleinement sa justice. Sa mort et sa résurrection incarne et accomplit la justice parfaite de Dieu, offrant une solution au péché et une espérance pour l’humanité (Romains 3:24-26).
  4. La restauration : Dieu promet un nouveau ciel et une nouvelle terre, où la justice, la paix et la gloire de Dieu seront pleinement révélées et célébrées pour l’éternité (Apocalypse 21:1-5).

Le Dieu de la Bible n’agit pas pour simplement répondre à nos besoins immédiats, mais comme l’artiste créateur qu’il est, il prête attention à chaque détail et vise une transformation en profondeur. Ainsi, il nous appelle à une vie de justice, de paix et d’amour, enracinée dans Son caractère et Son Royaume (Michée 6.8). Contrairement à une vision limitée et utilitariste, il n’est pas là pour combler nos désirs, mais pour amener l’harmonie dans le chaos à travers cette relation qu’il nous offre sous l’étendard de la grâce.

En fin de compte, le Dieu de la Bible n’est pas un héros qu’on invoque sur demande. Il est le Roi des rois, digne de notre adoration, de notre obéissance et de notre confiance. Sa puissance ne s’arrête pas à résoudre nos crises personnelles ; elle agit pour établir un Royaume éternel, où règneront justice, paix et joie par le Saint-Esprit (Romains 14:17). Il ne nous appelle pas à le reléguer en arrière-plan, mais à lui offrir notre vie entière (Luc 9:23).

Pistes de solutions ? Pas besoin de réinventer la roue!

1. La repentance, L’Église doit d’abord reconnaître ses manquements dans la transmission de la foi et appeler à la repentance, tant collective qu’individuelle.

Un renouveau commence par un retour à Dieu dans l’humilité et la prière : « Dieu montre-nous ton visage et éloigne-nous des fausses images que nous avons faites de toi et l’Évangile. »

2. Remettons la Bible au centre, dans son entièreté, de la Genèse à l’Apocalypse. Chaque texte contient une richesse immense, nous racontant l’histoire de Dieu et de l’humanité.

Redécouvrons la lecture inductive, qui demande : « Qu’est-ce que le texte dit ? », et privilégions des prédications textuelles où le message émerge naturellement des Écritures, plutôt que d’imposer des thèmes prédéfinis. Découvrons également une vie de prière enracinée dans les Écritures et nourrie par 2000 ans d’héritage spirituel.

Revisitons aussi les catéchismes et confessions de foi : le catéchisme forme le chrétien en voulant réponse à : « Qu’est-ce qu’un chrétien dans notre église doit être, savoir et faire pour être considéré comme un chrétien mature ?» Tandis que les confessions clarifient ce que nous croyons face aux défis culturels.

3. Les relations, la formation de disciple est relationnelle, que ce soit en binôme ou en groupe. C’est à travers nos échanges et le soutien mutuel que nous grandissons. C’est à travers l’histoire de mon frère et de ma sœur que je peux redécouvrir la grandeur de Dieu.

Pour conclure

Face au « dieu Marvel », retournons à l’essentiel : que la Parole de Christ demeure en nous dans toute sa richesse (Colossiens 3:16). Instruisons-nous, exhortons-nous et grandissons ensemble dans la sagesse et la grâce, afin de refléter pleinement le caractère de Dieu et de transmettre une foi vivante et authentique à tous.

 


1. Statistics Canada, « Ethnocultural and Religious Diversity – 2021 Census Promotional Material, » https://www.statcan.gc.ca/en/census/census-engagement/community-supporter/ethnocultural-and-religious-diversity?utm_source=chatgpt.com.
2. Pew Research Center, « The Future of World Religions: Population Growth Projections, » 2010-2050, 2 avril, 2015, https://www.pewresearch.org/religion/2015/04/02/religious-projections-2010-2050/.
3. Les jeunes évangéliques (18–34 ans) sont plus susceptibles d’être « religieusement engagés » que leurs aînés (39 % contre 20 % pour les 55 ans et plus)​. Cardus, « Still Christian?,» 2024, p.14-15.
4. Barna Group, «A Global Teens Study: The Open Generation, Vol.2 How Teens Around the World View the Bible,» 2022, p.38.
5. Bajou, P. «Franklin croyait à un monde meilleur,» La chaîne d'union 44, no. 2 (2008) : 15–16. https://doi.org/10.3917/cdu.044.0015.
6. Valeria Sabater, «Psychologie humaniste de Carl Rogers.» Nos Pensées, 2021, https://nospensees.fr/psychologie-humaniste-de-carl-rogers/?utm_source.
7. «Kant et la religion.» La Philosophie, https://la-philosophie.com/kant-religion?utm_source.
8. Selon le rapport de Cardus, «The Bible and Us», près des deux tiers des chrétiens qui possèdent une Bible chez eux déclarent ne jamais ou presque jamais la lire. Le temps moyen passé à la lecture individuelle de la Bible s'élève à seulement dix-sept minutes, bien que les évangéliques se distinguent par une meilleure connaissance des Écritures.Cardus, «The Bible and Us» 2024, p.30.
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