Ichthus N°26 – Septembre / Octobre 1972 -Pages 16 à 17
Dieu l’est, n’est-ce pas ? Les chrétiens et les juifs le savent et sûrement aussi les musulmans. Mais il y a bien souvent un large fossé entre cette science-là et notre comportement de tous les jours. C’est à s’y méprendre tant nous avons l’air ignorant.
Propos pessimistes ? Ce n’est pas sûr. J’ai la conviction que nous avons rudement besoin de faire le point à ce sujet. Le début d’une année d’activité est un moment propice. Ce point de départ conventionnel implique un renouveau en tous domaines. Et les chrétiens, depuis tantôt deux mille ans, inlassablement, élaborent des stratégies et fignolent des tactiques avec plus ou moins de bonheur, il est vrai. Mais le changement des idées et des usages l’exige : les disciples du Christ, tout à la fois levain dans la pâte et lumière sur le chandelier, sont toujours pleinement participants de leur temps.
Inquiétudes
Or, notre temps est dur. Dur parce que tout est embrouillé et que, trop fréquemment, comme le dit l’apôtre, « la vérité de Dieu a été changée en mensonge » 1. Dur aussi parce que finalement c’est le service de la créature, avec toutes ses déceptions, qui prime celui de Dieu 1. Dur, enfin, en raison du caractère aussi implacable que rapide des mutations diverses dans lesquelles nos contemporains et nous-mêmes sommes impliqués. Où allons-nous, en vérité ? Pas facile à discerner… mais, selon la formule familière, « nous y allons tout droit » !
Comment, en effet, ne pas frémir lorsque nous essayons de réfléchir ? Les causes de soucis sont multiples, amplifiées bien souvent par le malaise qu’engendre le vacillement général de toutes « les valeurs ». Comment distinguer la direction vraie et dégager l’essentiel ?
Satan se surpasse…
Robert Escarpit, dans un livre récent, dit au diable : « au fond, tu me fais pitié… je te trouve plus lamentable que vraiment mauvais… tu n’es pas si intelligent que cela en fin de compte… tu as de vastes ambitions politiques, mais tu manques d’envergure… La vérité, c’est que tu ne sers à rien qu’à jouer les utilités dans un drame qui n’est pas le tien » 2. Cet aveuglement est assez
ahurissant ! Car ce que pense ce chroniqueur du journal « Le Monde » qui écrit au diable dans un style bien plaisant, reconnaissons-le, mais qui, au fond, ne croit pas davantage à l’existence de son correspondant qu’à celle de Dieu est tout l’inverse de la réalité. Comment ne pas être émerveillé par l’intense activité, la finesse des interventions, l’astuce, en un mot, de Satan… et encore, il est impossible de prétendre avoir pu contempler toute son œuvre : tant s’en faut ! Invisible sur le plateau, il est cependant omniprésent : à ses yeux, rien n’est faux et rien n’est vrai, chrétien et non-chrétien… où est la différence ? ce qui est second prend valeur d’essentiel, ce qui est conséquence devient cause première, etc. Pour lui, « l’amour » rend tout licite et mérite bien l’adulation dont il est l’objet. Tant d’art n’est-il pas admirable (au sens étymologique) ? Il y faut des aptitudes aussi larges que variées. « Pauvre diable », dit-on. Rien n’est moins vrai. Déjà, l’interlocuteur d’Eve en Eden n’était pas de cette trempe ; aujourd’hui, il se surpasse chaque jour un peu plus ! Notre monde est comme un théâtre où se joue un ballet en folie : spectateurs et acteurs, tous ont la tête qui tourne et « Satan conduit le bal ».
Cependant, si nous nous appliquions à bien considérer toutes choses, nous saurions mieux que l’espérance n’est pas absente de notre univers. Oh que non pas ! Certitude de foi, bien sûr, mais aussi réalités quotidiennes. Dieu accorde de petits signes, trop discrets ou mal venus au gré de ceux qui ne veulent pas voir et pourtant tellement concrets et encourageants.
… mais Dieu est toujours à l’œuvre
Autrefois, j’ai lu avec passion les récits missionnaires des grands pionniers de l’évangélisation outre-mer. De nos jours, dans bien des milieux chrétiens, on relègue aux rayons du folklore de tels ouvrages. Le monde qu’ils décrivent n’est plus celui de maintenant, sans doute. Mais savez-vous bien que ce genre de littérature existe encore avec des descriptions bien de notre temps ? Dans certains milieux « évangéliques » catholiques ou protestants, on ne l’ignore pas tandis que, dans d’autres, ces livres font l’objet d’un black-out complet. Pardonnez-moi une anecdote personnelle : j’ai donné à lire à deux de mes amis le livre de Paul Freed, le toujours vivant auteur de « Radioguidage vers l’éternité » (1971) [NDE : Paul Freed est le fondateur de Trans World Radio (TWR), radio créée en 1952, diffusant le message de l’Evangile dans 190 pays. Paul Freed est décédé en 1996]. Cette histoire toute récente et vécue de l’évangélisation par les ondes, ce récit assez incroyable de l’émetteur de Trans World Radio où sagesse et folie selon les normes humaines ont permis à cette entreprise de se développer de façon spectaculaire a suscité deux réactions bien typiques : attendrissement chez l’un ou, en d’autres termes, « cet ouvrage est aussi anachronique que ma jeunesse est révolue », réserve sceptique chez l’autre qui, en dépit de sa foi profonde, ne peut se résoudre à admettre que la sagesse ou l’habileté humaines puissent être amplifiées ou déjouées par celles de Dieu.
Cet ouvrage est parmi les plus passionnants parus depuis peu. Il n’est pas assez lu à mon avis car il expose de façon saisissante que Dieu est toujours puissamment à l’œuvre de nos jours. De façon évidente et manifeste en bien des lieux, mais aussi et cela relève de l’observation personnelle dans le cadre intime de notre vie, la vôtre, la mienne, n’est-il pas vrai ?
Croyons à la toute-puissance de Dieu
Soyons-en pleinement convaincus… et hauts les cœurs ! L’embrouillamini théologique qui sévit un peu partout et le doute généralisé qui angoisse tant de cœurs ne sont que des incidents pénibles et déprimants, certes. Ils ne devraient pourtant en aucun cas nous faire oublier que Dieu est tout-puissant. Il a tout en main et c’est Son plan qui réussira. Le diable joue son jeu d’autant plus activement qu’il sait bien, lui, qu’il y a urgence et que le temps de la patience de Dieu aura un terme.
La toute-puissance de Dieu : les enfants très jeunes y croient tout simplement. Pourquoi nous, les adultes, paraissons-nous en douter si souvent ?
La toute-puissance de Dieu : les enfants très jeunes y croient tout simplement. Pourquoi nous, les adultes, paraissons-nous en douter si souvent ? Aussi ai-je une grande reconnaissance à ce pasteur entendu, cet été, dans un petit village de Vendée, qui a su dire si bien que, loin de perdre courage, nous devions nous réconforter les uns les autres en nous rappelant que Dieu n’a rien perdu de Son pouvoir et que les délivrances qu’il a accordées autrefois, Il peut les opérer encore maintenant. Sa Parole le dit ; aussi ne doutons pas… ce sera déjà une manifestation de Sa toute-puissance.
1. Romains 1, V. 25 et 26.
2. « Lettre ouverte au diable » (dernier chapitre), Ed. Albin Michel.