Dieu existe, c’est certain. Il est le Maître du monde, assurément. Il est digne de notre confiance, cela va sans dire. Bien. Mais viennent alors des questions qui, peu ou prou, remettent en cause les affirmations précédentes.
Au hasard d’entretiens, j’ai de nouveau perçu il y a peu de temps combien nous avions de la peine à accepter tout simplement ce qu’enseigne la Bible, sans vouloir tout comprendre. Ce n’est pas plaider pour la paresse intellectuelle que d’admettre que Dieu déborde nos schémas humains. S’il s’est mis à notre portée, cela n’implique pas qu’il soit comme nous. Il est l’infini en tout sauf le péché. Nous, au contraire, nous sommes limités en tout et le mal est à l’œuvre dans notre cœur. Quel contraste !
Les objections les plus courantes, les expressions les plus souvent entendues de notre incompréhension tournent autour des deux axes suivants :
– Dieu ne s’intéresse qu’aux événements importants de la vie des hommes. Il est choquant de l’entretenir des autres.
– Les chrétiens sont-ils vraiment libres puisqu’ils se heurtent constamment à des règles de conduite impératives ?
Ces deux problèmes sont graves ! I ls me déroutent toujours un peu lorsque tel ou tel ami les formule devant moi. Non pas que je n’y reconnaisse pas de vraies questions, mais parce que je comprends mal qu’il puisse y avoir là une difficulté réelle. Or, elle existe bel et bien. Comment répondre ?
1) Les petits et les grands événements
Les uns et les autres, nous avons sûrement eu l’occasion de méditer en considérant une fourmilière. Assez ahurissant, n’est-ce-pas ? Tout ce petit monde sait où il va et assume sa fonction. Impossible de distinguer une fourmi d’une autre. Il faut être très malin pour en suivre une pendant plus de quelques secondes. Les savants ont dû y arriver mais, nous, simples observateurs en promenade, nous devons y renoncer rapidement.
L’image de la fourmilière est significative. Petite fourmi vous êtes, je suis, nous sommes, pour Dieu. Depuis la création de l’homme. Dieu considère notre grouillement croissant. Comme son attribut est d’être l’infini en tout, Il nous distingue aisément les uns des autres : Son télescope et Son ordinateur sont plus que géants. Là où nous sommes pris de vertige, Lui n’a aucune peine à maîtriser la situation. Il nous considère chacun dans notre totalité. Quoi d’étonnant à cela, en vérité ? Il est vraiment tout autre que nous. Il peut, nous pas.
Si nous en convenons et en général, on en convient volontiers pourquoi, alors, n’en pas tirer les conséquences logiques en s’appuyant sur les promesses de l’Évangile ? Pourquoi considérer comme choquant que Dieu s’intéresse aux petits événements de notre vie ? L’évangéliste Matthieu dit deux choses très claires à cet égard : aucun passereau, oiseau de très faible valeur, ne tombe à terre sans la volonté de Dieu et nos cheveux sont tous comptés (Mat. 10 :29 et 30). Vrai ou faux ? Dieu sait aussi que nous avons besoin de vêtements et de nourriture et II s’en préoccupe (Luc 12 :28 à 30).
Pourquoi alors faire des compartiments dans notre vie : les rayons importants qui relèvent de la compétence de Dieu et les autres qui ne mériteraient pas qu’on Le dérange. Si Dieu était limité comme nous dans Sa puissance de concentration et d’attention, d’accord ! Mais II ne l’est pas du tout et nos distinguos plus ou moins subtils sont insignifiants à Ses yeux. Dans notre totalité, nous sommes bien peu de chose : comment une fraction de notre insignifiance pourrait-elle retenir l’intérêt de Dieu ? Or, il n’est pas douteux que nous « intéressons » Dieu, notre Créateur. En Jésus-Christ, il est impossible d’en douter. Alors, allons-y sans réserve et admettons sans restriction ou humilité apparente que Dieu nous suive dans tous les aspects de notre vie. Et écoutons le conseil de l’apôtre « ne vous inquiétez de rien » or, nous nous inquiétons pour un tas de choses plus ou moins importantes : notre travail, notre réussite, l’éducation de nos enfants, notre santé … les grandes choses à nos yeux, mais aussi pour tel projet de détente, pour la couleur d’une robe, … les petites choses à nos yeux « mais en toutes choses, faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications avec des actions de grâce » (Phil. 4 :6). Comment dire les choses plus clairement ?
Il vaut d’ailleurs la peine d’essayer. On perçoit très vite combien Dieu tient bien Ses promesses. Ce qui est difficile, en définitive, ce n’est pas tant de parler à Dieu de nos « petits » problèmes que de reconnaître que nous ne sommes pas plus capables de les régler « correctement » que les grands. En vérité, voilà le vrai problème : celui de notre MOI. Dans toutes ses manifestations, il a besoin de la grâce de Dieu ; il ne nous est pas naturel de l’admettre. Et pourtant !
2) Notre liberté
Le chrétien est-il vraiment libre ? Quelqu’un me faisait remarquer qu’il se comportait comme s’il avait constamment un code à la main. Est-ce cela la liberté chrétienne ?
Cette question est compliquée, en effet. Mais il ne faudrait pas confondre licence au sens étymologique tout est permis et liberté. L’affranchissement que nous apporte le Christ est celui qui nous délivre de l’emprise du Diable, du mal. En Christ, nous pouvons triompher du Père du mensonge. Sans Lui, nous restons soumis au Malin.
Vivre en chrétien ne signifie pas du tout vivre sans règle, en faisant tout ce qui nous passe par la tête. Cela pourrait être si nous étions dociles entre les mains de Dieu. En fait, même lorsque nous en avons la volonté, nous n’y réussissons qu’assez mal. Instinctivement, nous sommes portés vers ce qui est mal et qui nous nuit ; la liberté dont nous avons l’air de jouir alors n’est, en fait, qu’une façon d’être un peu plus asservi à celui qui nous souffle : « si la liberté chrétienne existe, tu peux faire ce qui te plaît ».
Or, le chrétien est celui qui peut, à vues humaines, avoir à « perdre sa vie » en se chargeant du joug léger du Christ.
Nous devons aller contre notre nature qui est encline au mal. La Bible, heureusement, nous donne un certain nombre de grandes lignes directrices à observer. Nous ne sommes pas abandonnés à nous-mêmes. En effet, Dieu, dont la volonté est bonne, nous indique le chemin à suivre ; et il s’agit toujours d’un itinéraire qui remet notre MOI à sa juste place. Notre plaisir, notre intérêt, notre bonheur, selon nos normes, ne sont pas forcément ce qu’il y a de meilleur pour nous. Être chrétien, c’est être convaincu, par la grâce de Dieu, de notre incapacité à vouloir ce qui est bon et bien ; c’est savoir, et avoir expérimenté, par grâce, que Dieu seul peut nous guider sur la bonne route, c’est-à-dire celle où on se sent libéré vraiment.
Tout ceci justifie-t-il que nous affichions de mines d’individus « bridés » et complexés ? Non, bien sûr. Notre cœur est souvent un vrai champ de bataille sur lequel, cependant, nous apprenons assez vite que chacune de nos « défaites », à vues humaines, est, en fait, une victoire selon Dieu … une victoire qui nous apporte la preuve de notre libération du mal. Paix et joie nous inondent et cette satisfaction, même si elle coûte parfois beaucoup de larmes, vaut son pesant d’or. Les larmes sèchent car la merveille, c’est que Dieu donne ce qu’il ordonne.
Et notre responsabilité, où est-elle ? Est-ce une fable ? Non, bien sûr. Nous sommes effectivement invités à choisir le bien ou le mal. Mais, dans Sa grâce, Dieu nous aide à choisir le bien, c’est-à-dire Sa volonté. Paradoxe ? Oui, paradoxe de Dieu devant lequel notre intelligence humaine doit s’incliner. Nous sommes libres … et, cependant, sans Dieu, nous ne pouvons user correctement de notre liberté ! Pourquoi vouloir tout comprendre comme si notre intelligence pouvait expliquer Dieu ?
Expliquer Dieu est bien impossible. Comment, en effet, pourrions-nous comprendre le mystère de la croix et le miracle de Pâques ? La victoire du Christ sur la mort est le signe de notre propre libération. Voilà l’Évangile ! Nous avons été délivrés à un prix indicible… Il nous appartient seulement de rendre grâce en toutes choses, les grandes et les petites, avec l’aide du Saint-Esprit.
Ichtus N°32 – Avril 1973 -Page 16 à 17
QUESTIONS D ’ACTUALITE
DIEU ET MOI
Par Marie de Védrines