Le déconfinement a commencé. Mais si la période stressante de confinement est terminée, d’autres choses demeurent. Parmi celles-ci, il y en a une essentielle : notre prière d’intercession. Durant les derniers mois, nous avons tous eu plus de sujets de prières à apporter devant le trône de grâce. Des personnes isolées, anxieuses, malades. Des personnes en difficulté familiale, victimes de violences, ou simplement perdues dans un contexte radicalement nouveau. Nos « listes » de sujets d’intercession se sont allongées jours après jours. Nous avons peut-être prié de plus en plus. Peut-être que nous nous sommes sentis dépassés par le nombre de personnes pour lesquelles nous devions prier. Dans tous les cas, cette période a peut-être remis en évidence que nous sommes appelés à l’intercession. Et pourtant nous pouvons parfois avoir du mal à intercéder, à prier pour les autres.
La prière d’intercession, une œuvre humaine ?
Une des tentations de la prière d’intercession, c’est de croire que nos prières, en elles-mêmes, ont le pouvoir de changer le monde. Puisque Dieu nous appelle à prier, constamment prier, à venir vers lui avec l’offrande de nos plaidoiries, cela ne veut-il pas dire que notre prière est par elle-même puissante ? Comme souvent avec de telles questions, nous devons faire attention de bien naviguer entre deux extrêmes.
Le premier extrême est de faire de la prière une œuvre purement humaine. Ce serait alors la force de notre piété, la ferveur de notre louange, la perfection de notre foi, ou la régularité (ou longueur !) de nos prières qui serait la cause immédiate de la réponse que Dieu donnerait. Le Dieu créateur et sauveur, ne serait alors qu’un « répondant ». Il réagirait simplement en fonction d’une religion des œuvres bien pratiquées. Au lieu de voir la prière comme une communion entre Dieu et son peuple, nous en ferions un « menu » fait pour commander des actions à Dieu.
Le deuxième extrême est de ne voir la prière que comme une discussion abstraite avec Dieu. Comme Dieu sait toutes choses, nous n’avons vraiment rien à lui demander. Nous pouvons à la rigueur le remercier pour sa bonté et sa fidélité, pour sa grâce et son amour. Mais lui demander avec insistance quelque chose ? C’est encore à voir.
La prière d’intercession est une dimension cruciale de notre vie de piété. Calvin disait que la prière était l’exercice principal de la foi, une pratique nécessaire à la foi. Prier Dieu, c’est chercher en lui notre secours et notre aide. Cette prière n’est cependant pas une œuvre humaine. Ou plutôt, elle ne se résume pas à une œuvre humaine. Car c’est Dieu lui-même qui intercède pour nous. Christ porte nos prières devant le Père, accomplissant son ministère de médiateur. L’Esprit soutient, et même nourrit nos prières. Quelle merveilleuse grâce de Dieu ! Sachant nos faiblesses, Dieu n’attend pas simplement que nous sachions comment bien le prier. Il prie avec nous par l’Esprit, et devant le Père par Jésus-Christ.
La prière : un combat spirituel
Dieu prie avec nous. Ce n’est pas pour autant que nous devrions sous-estimer le danger de faire de la prière d’intercession une œuvre humaine. C’est un effet l’une des nombreuses manières dont l’ennemi tente d’attaquer notre foi. S’il lui est impossible d’arracher aux mains de Dieu ceux que Christ a uni à lui, il chercher par tous les moyens à affecter leur attachement visible à Dieu, à les arrêter dans leur croissance spirituelle, et même à rendre quasi nulle le dynamisme de leur foi. Il a beaucoup d’expérience dans ce domaine, ennemi qu’il est depuis la nuit des temps.
Il sait que ce n’est pas simplement à travers des « péchés » évidents qu’il peut nous tendre des pièges. Satan est un ennemi subtil et vicieux. Il utilise tout ce que nous faisons, disons, ou pensons. Il peut même utiliser la prière d’intercession, ce grand témoignage d’amour envers nos frères et sœurs, et envers le monde. Il peut tordre et pervertir cette prière. Au lieu d’être une confession de la présence bienveillante de Dieu qui nous écoute et nous répond comme un Père, elle se transforme en un concours de piété.
Et Satan peut venir nous accuser. Si nous ne prions pas tous les jours pour la même personne, nous ne sommes pas persévérants. Si nous prions tous les jours pour les mêmes sujets, nous en laissons d’autres de côté, et nous manquons d’amour pour eux. Si nos prières sont trop courtes, nous manquons de ferveur. Si elles sont trop longues, nous seront répétitifs. Si nous prions spontanément, nous suivons nos propres pensées. Si nous prions avec des prières liturgiques, notre foi n’est pas vivante. Dans tous les cas nous ne prions pas bien, et notre foi n’est clairement pas ce qu’elle devrait être. Le résultat est souvent la paralysie. Nous n’intercédons plus. Ou plus vraiment.
Lorsque nous sommes ainsi tentés, rappelons-nous que Dieu est avec nous dans cette pratique de la foi. La prière n’est pas une religion des œuvres, c’est un dialogue de confiance et de grâce.
Quelques indications pratiques
En pratique, qu’est-ce que cela change ? Laissez-moi proposer deux ou trois choses qui pourraient nous aider.
- Rappelons-nous que nous sommes appelés à prier, et pas nécessairement à parfaitement faire mémoire de tous les « sujets de prière » tous les jours. La persévérance n’est pas synonyme de la perfection.
- Rappelons-nous aussi que le « Notre Père », la prière que Jésus lui-même nous a confiée, est une prière d’intercession. Prier le « Notre Père » avec foi, c’est intercéder ! C’est particulièrement encourageant si dans des circonstances troublantes et stressantes, nous ne savons pas quels mots utiliser.
- Appuyons-nous les uns sur les autres : partageons avec la communauté du Ressuscité nos reconnaissances et nos demandes.
- Essayons de trouver les moyens concrets qui nous aident à prier. Pour certains, ce sera des listes de sujets d’intercession. Pour d’autres, ce sera d’identifier les moments de la journée les plus propices à la prière.