Avant de voir comment la crainte de l’Éternel peut se développer en nous, réfléchissons encore aux différents types de craintes dont parle la Bible. En effet, il y a non seulement la « crainte pécheresse » et la « crainte juste » dont nous avons parlé dans le premier article, mais il y a aussi différents types de craintes justes : la crainte de Dieu notre Créateur, et la crainte de Dieu notre Rédempteur en Christ.
Éblouis par le Créateur
La première des deux survient lorsque nous regardons un magnifique coucher de soleil, que nous entendons le grondement du tonnerre, ou que nous pensons à l’immensité de l’espace intersidéral. Face à la puissance et à la gloire du Créateur révélées dans toutes ses œuvres, nous ne pouvons qu’être remplis de stupéfaction, comme David, qui demandait : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? » (Psaumes 8.5). Cette crainte nous fait sentir à quel point les êtres humains que nous sommes sont de petites choses impermanentes et fragiles – un sentiment plus ou moins agréable selon le rapport que l’on entretient avec le dit Créateur !
Le grand théologien Jonathan Edwards explique, par exemple, que lorsqu’il était enfant et qu’il avait la connaissance de Dieu comme Créateur sans celle de Dieu comme Rédempteur, il n’aimait pas être confronté à la puissance de Dieu révélée dans la nature : « J’étais autrefois une personne inhabituellement terrifiée par le tonnerre : quand je voyais un orage s’approcher, cela me frappait de terreur. » Mais tout a changé lorsque le jeune Edwards a commencé à comprendre que le Dieu de la nature est aussi le Dieu de Jésus : « Maintenant, cela me réjouit : fixer mon regard sur les nuages, voir les éclairs jouer, et entendre la voix majestueuse et terrible du tonnerre de Dieu. »
Le fait de connaître Dieu comme Rédempteur en Christ a entièrement changé sa façon de voir le Dieu Créateur, et l’a conduit à expérimenter encore plus la gloire de Dieu dans la création.
Émerveillés par le Rédempteur
La chose la plus exacte et la plus profonde que nous puissions dire au sujet de l’« être » de Dieu, n’est pas qu’il est Créateur (ce qu’il n’est que depuis la création du monde), mais qu’il est Père (ce qu’il est de toute éternité).
Il se trouve que la chose la plus exacte et la plus profonde que nous puissions dire au sujet de l’« être » de Dieu, n’est pas qu’il est Créateur (ce qu’il n’est que depuis la création du monde), mais qu’il est Père (ce qu’il est de toute éternité). Lorsque nous regardons Dieu à travers son Fils, Jésus, plutôt qu’à travers ses œuvres, nous avons un aperçu de son identité éternelle et essentielle. C’est comme si, par le Christ, nous franchissions la porte d’entrée de la maison de Dieu pour voir qui il est derrière ce qu’il fait – à savoir, le Père céleste de Jésus, notre Rédempteur : « C’est toi, Éternel, qui es notre Père ; qui, dès l’éternité, t’appelles notre Rédempteur » (Ésaïe 63.16).
Sans cette connaissance du Fils comme notre Rédempteur et du Père comme notre Père en Christ, nous ne connaissons tout simplement pas Dieu correctement, ni ne pouvons le craindre correctement. En ouvrant nos yeux pour connaître Dieu comme Père, l’Esprit transforme notre cœur pour qu’il le craigne d’une crainte douce et filiale. Selon Michael Reeves : « Voilà la crainte ‘évangélique’ qui convient aux chrétiens, à ceux qui savent qu’en Christ ils ne sont pas juste des créatures acceptées par le grand Juge, mais surtout des enfants bien-aimés, adoptés et émerveillés par leur Père céleste » (p. 96). Grâce à la rédemption du Christ, notre crainte de l’Éternel passe d’une terreur servile à un émerveillement filial.
La crainte de Jésus lui-même
Pour bien saisir la nature de cette crainte filiale, nous devons comprendre que c’est la propre crainte filiale de Jésus que nous sommes amenés à partager. Luc nous dit, dans son Évangile, qu’à mesure que le petit Jésus grandissait en âge, il « progressait [aussi] en sagesse » (Luc 2.52). Or, la crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse (Proverbes 9.10). Jésus n’aurait pas pu grandir en sagesse sans avoir la crainte de l’Éternel. De plus, il est le Christ, dont Ésaïe prophétisait qu’il serait oint d’un Esprit de crainte de l’Éternel : « Puis un rameau sortira du tronc d’Isaï, et le rejeton de ses racines fructifiera. L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui : Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de vaillance, Esprit de connaissance et de crainte de l’Éternel. Il prendra plaisir dans la crainte de l’Éternel » (Ésaïe 11.1-3).
Lorsque l’Esprit nous unit à Christ par la foi, il nous amène à partager le plaisir qu’éprouve Jésus à craindre son bon Père. Cette crainte « n’est pas la terreur de pécheurs devant le saint Juge. Ce n’est pas la stupeur de créatures devant leur grand Créateur. C’est le débordement de ferveur d’enfants émerveillés par la bonté et la justice, la gloire et la magnificence absolue du Père » (p. 101). Voilà le genre de crainte qui est le commencement de la sagesse ! Voilà le genre de crainte que nous devrions avoir envie de voir se développer en nous !
Mais comment ? Comment pouvons-nous grandir dans la crainte de l’Éternel ?
Une affaire de cœur
La crainte de l’Éternel n’est pas quelque chose que nous pouvons obtenir par nos propres efforts ni produire en nous-mêmes. Tout comme la sagesse, dont elle est le commencement, « on ne peut l’obtenir contre de l’or pur, ni l’acheter pour un poids d’argent… elle est soustraite au regard de tout être vivant… C’est Dieu qui en comprend le chemin, c’est lui qui en connaît le lieu » (Job 28.15-23). La crainte de l’Éternel est une orientation profonde du cœur induite par Dieu, et non un état d’esprit que nous pourrions atteindre facilement, en suivant un programme en cinq étapes.
Puisqu’elle est une orientation du cœur, le simple fait de changer nos habitudes, d’essayer de cultiver des habitudes vertueuses, ne suffira pas. C’est là ce que Luther a compris, en s’appuyant sur son expérience de moine : tous ses efforts pour s’améliorer ne rendait pas son cœur meilleur et rempli d’amour pour Dieu. Au contraire, cela le plongeait dans une terreur pécheresse et une haine profonde pour Dieu : « Je le haïssais ! » Il lui était facile d’avoir une apparence extérieure de piété, mais ce n’était qu’un faux semblant.
Une action de l’Esprit
Michael Reeves explique ainsi que « pour Luther, notre péché n’est seulement une question d’actions ou d’habitudes. Nos actions ne font que manifester les inclinations profondes de notre cœur : si nous aimons ou haïssons Dieu. Nous péchons naturellement parce que nous ‘obéissons aux désirs de notre chair’ (Éphésiens 2.3). Nous choisissons le péché parce que c’est ce que nous voulons. Naturellement, nous aimons les ténèbres (Jean 3.19)… Selon Luther, il ne suffit donc pas de changer nos habitudes pour vaincre ces inclinations profondes et pécheresses. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un renouveau radical » (p. 113) pour que nous en venions à aimer et désirer naturellement d’autres choses.
Grandir dans la crainte de l’Éternel n’est pas une affaire de développement personnel, mais d’un profond changement de cœur que seul l’Esprit de Dieu peut opérer.
Autrement dit, grandir dans la crainte de l’Éternel n’est pas une affaire de développement personnel, mais d’un profond changement de cœur que seul l’Esprit de Dieu peut opérer. Seul l’Esprit peut produire ce changement radical dans l’orientation de notre cœur, et il le fait par l’Évangile, qui proclame Christ ! C’est en présentant à nos yeux la gloire et la bonté du Christ, que l’Esprit produit en nous un véritable plaisir à craindre Dieu. Et ce n’est pas une œuvre ponctuelle, que l’Esprit n’accomplirait qu’une fois dans nos vies, lors de notre conversion. C’est par la proclamation de l’Évangile de Christ que l’Esprit continue de nous faire grandir dans la crainte de Dieu, tout au long de notre vie.
La croix du Christ
C’est plus précisément lorsque le Christ crucifié est présenté à nos yeux, que notre crainte de l’Éternel augmentera. Pourquoi ? Premièrement, parce que c’est de la croix du Calvaire que nous recevons le pardon sans lequel nous ne pourrions jamais, ni ne voudrions, nous approcher de Dieu. La croix, par le pardon qu’elle procure, nous libère de la crainte pécheresse et nous rempli d’une stupeur émerveillée pour notre Rédempteur. Comme le dit le Psalmiste : « C’est auprès de Toi que se trouve le pardon, afin qu’on te craigne » (Psaumes 130.4).
Si c’est la proclamation du Christ crucifié qui fera se développer en nous la crainte de l’Éternel, c’est deuxièmement parce que la croix est la révélation ultime de l’amour de Dieu pour nous. Autrement dit, la croix ne nous dit pas seulement ce que Dieu a fait, mais elle nous informe aussi sur le genre de Dieu qu’il est. Ce n’est pas seulement en considérant la grâce qu’il nous accorde, mais aussi (et peut-être surtout) en considérant la bonté dont il fait preuve à la croix, que nous serons toujours davantage remplis de ce tremblement d’admiration ou ce joyeux frisson qu’est la crainte de l’Éternel.
Une extase éternelle
Que pouvons-nous donc faire pour grandir dans la crainte de l’Éternel ? Nous pouvons nous exposer régulièrement à la prédication de l’Évangile – pas une prédication qui consiste simplement en une explication de texte, mais une prédication vivante qui enflamme nos cœurs ! Nous pouvons demander instamment à Dieu un « Esprit de révélation » (Éphésiens 1.17), qui dévoile à nos yeux la douce puissance, la somptueuse tendresse et l’infini amour de Jésus. Nous pouvons rechercher la présence du Dieu redoutable et merveilleux dans la prière.
La crainte de l’Éternel est notre avenir. En effet, « la crainte de l’Éternel… subsiste à jamais » (Psaumes 19.10)
Nous pouvons aussi nous rappeler que la crainte de l’Éternel est notre avenir. En effet, « la crainte de l’Éternel… subsiste à jamais » (Psaumes 19.10). Notre avenir est une extase éternelle auprès de Dieu, à chanter avec la chorale des anges et des nations : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire » (Apocalypse 14.7), car « qui ne craindrait et ne glorifierait ton nom, Seigneur ? » (Apocalypse 15.4). Ainsi, nous pouvons également nourrir notre crainte de Dieu par l’adoration, car c’est là ce que nous ferons l’éternité durant : « Louez notre Dieu, vous tous, ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands ! » (Apocalypse 19.5).