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2 heures par jour. C’est le temps moyen que nous passions en 2019 sur Netflix, selon un rapport publié par Business Insider. Depuis, le Covid est passé par là, faisant bondir l’usage des plateformes de streaming (Disney+, OCS, myCanal, etc.). On estime à l’heure actuelle qu’un utilisateur de Netflix et Cie. passe l’équivalent de 51 jours complets par an à regarder des films ou « bingewatcher » des séries sur la plateforme. Soit près d’un septième de son temps[1] !

Ces chiffres donnent le tournis et ne correspondent peut-être pas à votre consommation personnelle… ni à la mienne ! Mais même si nous ne regardons pas autant la télé ou Netflix que nos contemporains, le fait est que nous les regardons aussi ! C’est dans cette culture du divertissement que nous vivons et que grandissent nos enfants.

En tension

Inévitablement, le chrétien qui cherche à être dans le monde sans être du monde, se retrouve tôt au tard confronté à la question suivante : « Est-ce que je peux regarder X, Y ou Z – telle série sur Netflix ou Amazon Prime, tel film disponible en VOD, ou telle émission télé ? »

Ce n’est pas une question à laquelle il est facile de répondre. En effet, c’est un équilibre précaire que nous devons chercher à avoir pour garantir que notre liberté chrétienne ne devienne pas ou ne ressemble pas à du légalisme ou à de la licence. L’approche légaliste du « tout divertissement est mauvais » pose problème. Bien sûr. Mais la pire façon de répondre au légalisme est de tomber dans l’autre extrême : celui de suggérer naïvement que « tout est ok » et que rien n’est interdit au spectateur chrétien averti. C’est un sujet sur à propos duquel nous devons apprendre à marcher sur la corde raide.

Ça dépend !

Pour le dire autrement, il n’y a pas de réponse simple et courte à la question : « Est-ce que je peux regarder X, Y ou Z ? » Parce que la réponse courte serait : « Ça dépend ! »

  • Ça dépend du caractère. Nous avons tous une personnalité unique, une histoire personnelle et une éducation familiale qui nous sont propres. En particulier, nous avons tous notre « chair particulière », c’est-à-dire une tendance à succomber plus facilement à certaines tentations qu’à d’autres. Ce qui fait que deux chrétiens peuvent être exposés aux mêmes images, pour l’un ce sera une occasion de chute, pour l’autre pas.
  • Ça dépend du contexte. Certains sont seul disciple de Christ dans une famille totalement non-croyante, sans valeurs chrétiennes. Il se peut que vous soyez exposés à certains programmes mauvais, non par complaisance personnelle, mais par votre présence fidèle dans ce contexte.
  • Ça dépend, à cause de la complexité du sujet. Souvent, quand on pose la question « Est-ce que je peux regarder ? » on pense aux dangers du sexe et à de la violence. Comme si c’étaient les deux seules choses contre lesquelles nous devons être mis en garde. En réalité, ces sont des dangers évidents. Nous devons aussi nous méfier d’autres domaines, plus subtils mais tout aussi dangereux.

Par exemple, de nombreux chrétiens s’inquiètent à juste titre de la sexualisation croissante de notre culture. Mais dans son excellent livre Chrétien dans la culture d’aujourd’hui, Daniel Strange nous met aussi en garde contre la sentimentalisation de notre culture[2] ! Vous avez énormément de films aujourd’hui où le héros est encouragé à « écouter son cœur », « suivre ses rêves », « croire en soi ». À force d’entendre ces messages, je développe une vision de la vie qui fait de moi « le personnage principal de mon histoire », où ce que je ressens intérieurement devient la chose la plus vraie à mon sujet (plutôt que quelque chose dont je devrais peut-être me méfier, parce que « le cœur est tortueux par-dessus tout » ; cf. Jérémie 17.9).

Ces films ou séries peuvent nous paraître, à nous et à nos enfants, assez inoffensifs, parce qu’ils ne regorgent pas de sexe, d’insultes et de violence. Mais ils sont écœurants de sentimentalisme et ils nous façonnent inévitablement.

Les Solas

Bref, il n’y a pas de réponse « passe-partout » qui permettrait de donner une règle stricte et rapide à appliquer à chaque situation. Mais ça ne veut pas dire pour autant que nous n’avons aucune réponse à apporter à la question : « Est-ce que je peux regarder X, Y ou Z ? »

Dans son livre, Daniel Strange propose d’utiliser les cinq Solas de la Réforme comme « tests » pour jauger notre consommation culturelle :

  • Sola gratia. La « grâce seule » nous rappelle que notre acceptation devant Dieu n’est pas fondée sur ce que nous« faisons », mais sur ce que Dieu a « fait » en Christ. Nous ne contribuons en rien au salut. Jésus a tout fait, de A à Z. Ce que cela signifie en termes d’engagement culturel, c’est que nos raisons de regarder ou non un programme doivent être axées sur la grâce, et non la loi.

Demandez-vous : Quand je me demande si je devrais regarder X, Y, ou Z, si mon premier réflexe est de dire « non », d’où cela vient-il ? Est-ce motivé par la peur de la punition ou le désir de prouver mes mérites – ce qui revient à vivre « sous la loi » ? Ou à l’inverse est-ce motivé par le désir d’aimer et d’honorer Dieu à cause de ce qu’Il a déjà fait pour moi – ce qui revient à vivre « sous la grâce » ?

  • Solus Christus. Le « Christ seul » nous rappelle qu’« hors de Christ point de salut ». Dieu nous unit à Jésus par la foi, et c’est de notre union avec Lui que nous recevons tous les bénéfices du salut. Or, celui qui est uni à Christ devient spirituellement « un » avec Lui. Il ne s’appartient plus à lui-même, mais à Dieu qui l’a racheté par le sang précieux de son Fils.

Demandez-vous : Regarder X, Y ou Z me conduit-il à cautionner, accepter, apprécier ou courir après l’impureté ? Mon choix manifeste-t-il mon appartenance à Jésus – que je ne fais plus qu’« un » avec Lui ? Que ferait-Il à ma place ?

  • Sola fide. La « foi seule » nous rappelle le moyen par lequel nous sommes unis à Christ et recevons ses bienfaits – une foi vivante, qui se traduit par une vie riche en œuvres bonnes. Ce que cela signifie en termes d’engagement culturel, c’est que nous devons apprendre à être intentionnel. Surtout à l’ère du streaming et des plateformes, nos choix culturels ont tendance à être fait « par défaut », négativement, en tentant simplement d’éviter le mal. On se contente d’éviter de regarder un programme comportant du sexe ou de la violence, sans réfléchir positivement à ce qui est bien, ou meilleur.

Demandez-vous : Si je regarde X, Y ou Z, quel « profit » vais-je en tirer pour ma vie de foi ? Est-ce un choix intentionnel, réfléchi, ou simplement « par défaut » ?

  • Sola Scriptura. L’« Écriture seule » affirme que la Bible est notre autorité ultime et que nous devons analyser le monde par (ou à travers) la Parole. Elle est la vérité qui donne sens au monde et à nos vies. Dit autrement, elle est la « Grande Histoire » (le métarécit) qui nous libère des « histoires » culturelles alternatives qui cherchent à nous tromper. Les séries, films et autres divertissements ne sont pas neutres. Ils transmettent des valeurs et une vision du monde alternatives à celle de la Bible. Comme l’explique Daniel Strange : « Ces autres ‘grandes histoires’ nous influencent et nous indiquent ce qui est important et pourquoi c’est important, ce qui est louable et ce qui est répréhensible… Si nous ne regardons pas le monde au travers des histoires de la Bible, [cette] foule d’autres ‘grandes histoires’ se tiennent prêtes à nous tromper. Elles rôdent dans notre société, cherchant à devenir la référence en matière d’interprétation de l’univers » (p. 93).

Demandez-vous : Pourquoi tout le monde regarde X, Y ou Z et a l’air de penser que c’est bien ? Qu’est-ce que cela indique sur ce qu’ils estiment être important ou louable ? Ces messages sont-ils issus d’une « grande histoire » alternative à celle de la Bible susceptible de m’influencer ?

  • Soli Deo Gloria. « À Dieu seul la gloire » nous rappelle que tout ce que nous faisons doit l’être pour sa gloire. C’est la colle qui soude tous les Solas Créés par Dieu, c’est en vivant pour sa gloire que nous trouvons notre plus grande joie et toute satisfaction.

Demandez-vous : Est-ce que regarder X, Y ou Z glorifie Dieu ?

Trois guides

En plus de ces cinq « tests », trois guides pratiques peuvent également nous aider à consommer de la culture avec fidélité :

  • La conscience. Il y a le contrôle interne que nous appelons notre conscience. C’est ce guide intérieur donné par Dieu comme un système d’alarme. Les Écritures disent que nous ne devons jamais aller à son encontre (Romains 14 ; 1 Corinthiens 8). En fonction de cette règle, si regarder quelque chose vous semble préjudiciable, ne le regardez pas. Si vous vous posez la question : « Devrais-je regarder ceci ? » il y a de fortes chances que votre conscience ait déjà commencé à travailler. Dans ce cas, privilégiez le choix de dire « non », à moins que vous n’ayez une raison impérieuse de dire « oui ».
  • La communauté. Il y a le contrôle extérieur de la communauté. Plutôt que de regarder un film ou une série et de ne pas en parler par crainte d’être jugé, pourquoi est-ce qu’on ne parlerait pas des programmes que nous regardons avec d’autres frères et sœurs pour savoir ce qu’ils en pensent ? Pourquoi ne pas regarder des films collectivement plutôt qu’individuellement ? Cela permet de critiquer et d’échanger avant et après. En effet, si nous sommes livrés à nos propres délibérations, il peut être facile de justifier presque n’importe quel choix.
  • Le contournement. Enfin n’oublions pas qu’il est aussi possible de se soustraire à certains contenus problématiques, de manière plus… simple et directe. En mettant la main devant les yeux ou en cliquant sur le bouton « avance rapide ».

Un bilan de santé

Certains diront que toutes ces considérations sont exagérées pour un simple divertissement : « Ne peut-on pas se contenter de regarder une série Netflix sans se ‘casser la tête’ ? N’y a-t-il pas un risque de trop réfléchir à tout ça ? » Bien sûr, le risque de trop réfléchir à nos choix de divertissement est réel. Mais comme le dit Bret McCracken, « le plus grand risque – pour l’état de nos âmes et notre témoignage dans le monde – est de ne pas y réfléchir assez[3]. »

En bref, s’il est exagéré de se poser mille questions avant de regarder chaque film ou série, il serait bon de faire régulièrement un bilan de santé de votre consommation culturelle.


1. Cf. Roch Arène, « Un utilisateur de Netflix passe en moyenne 2 heures sur la plateforme », publié le 18 mars 2019, disponible sur : cnetfrance.fr [consulté le 28 novembre 2022] ; Sandrine Cassini et Alexandre Piquard, « Le confinement fait bondir l’usage de Netflix et de ses concurrents », publié le 2 avril 2020, disponible sur : lemonde.fr [consulté le 28 novembre 2022].
2. Daniel Strange, Chrétien dans la culture d’aujourd’hui : Séries, livres, jeux… soyons intentionnels, Lyon, éd. Clé, 2022.
3. Brett McCracken, « Est-ce un programme à voir ? 5 questions pour le téléspectateur averti », publié le 19 mai 2022, disponible sur : evangile21.thegospelcoalition.org [consulté le 28 novembre 2022].
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