Ces derniers mois, plus que jamais peut-être, les médias ont été sur le devant de la scène et ont joué un rôle majeur. C’est par leur intermédiaire que nous avons été informés des mesures successives décidées par les autorités, que nous avons entendu toutes sortes d’analyses sur la situation politique et sanitaire, et que nous nous sommes fait une opinion sur la crise que nous traversons. Puisque nous sommes ainsi largement au contact des médias d’information, il n’est pas inutile de réfléchir à leur fonctionnement. L’intention de cet article n’est pas de critiquer ou de dénoncer les médias dans leur ensemble, mais de relever certains faits : en tant que chrétiens, nous sommes appelés à exercer notre discernement par rapport au monde qui nous entoure… et les médias font partie de ce monde. Nous avons besoin de toute la sagesse de Dieu pour garder une raison saine et pour lire la réalité qui nous entourée non pas d’abord à travers les lunettes des journalistes, mais animés d’une intelligence renouvelée par l’Esprit de Dieu. Voici donc dix faits relatifs à l’information médiatique.
1. Les médias sont soumis à des pressions économiques et politiques
Pour continuer à fonctionner, les médias ont besoin… d’argent. Leur survie dépend largement des rentrées publicitaires : difficile, dès lors, de « tourner » si les annonceurs se retirent, par exemple du fait d’une ligne rédactionnelle qui ne leur conviendrait plus. La survie des médias dépend aussi des propriétaires auxquels ils appartiennent ; on relèvera à ce propos qu’en France, de grands groupes industriels possèdent – et donc contrôlent – la plupart des médias de référence.
N’oublions pas non plus les liens entre médias et politique. En Suisse, la SSR (dont fait partie la RTS) est ainsi financée à 75% par la redevance audiovisuelle et est mandatée par la Confédération. Les journalistes ont par ailleurs tout intérêt à garder des relations aussi cordiales que possible avec les autorités, pour que ces dernières acceptent de répondre aux interviews, de venir sur les plateaux télé…
2. La qualité de l’information tend à se réduire
Outre ces pressions économiques et politiques, d’autres facteurs expliquent le risque que la qualité de l’information diminue. On peut penser aux synergies : les quotidiens régionaux suisses, par exemple, se sont toujours plus concentrés entre les mains d’un petit nombre de groupes de presse, au cours des dernières années. On peut penser aussi au rôle des agences de presse, qui fournissent des communiqués, repris souvent tels quels dans un grand nombre de journaux et de radios, si bien que la même information est lue et entendue à peu près partout. En outre, la mondialisation oblige les médias à se surveiller en boucle et à parler de ce dont les autres parlent ce qui, à encore, contribue à une homogénéisation des sujets abordés.
Autre facteur : puisque les consommateurs veulent une information « fast-food », les médias peuvent être tentés de servir des nouvelles plus courtes et moins fouillées. Et, pour finir, on constate que la diversité des sources tend à se réduire : au cours des derniers mois notamment, ce sont souvent les mêmes interlocuteurs qui ont été invités à s’exprimer dans les médias.
3. Les journalistes ne savent pas tout
Un journaliste est amené à écrire, enquêter ou parler sur toutes sortes de sujets : impossible, avec la pression des délais, de devenir spécialiste du sujet en question. Petite phrase d’un professeur d’université, lui-même journaliste, retrouvée dans des notes de cours : « Il faut se méfier des articles scientifiques ou de médecine que l’on trouve dans les journaux ».
4. Les médias sélectionnent l’information et font des choix subjectifs
Les journalistes sont, bien entendu, formés à transmettre la vérité. Malgré cela, un journaliste restera partial, de par ses choix rédactionnels. Il y a d’abord le choix du sujet, inévitablement influencé par la nécessité de parler de ce dont les autres parlent et de chercher à susciter l’intérêt du public. En marge de la COP26, par exemple, il était impossible de ne pas parler de la question climatique, qui a ainsi été largement abordée.
Il y a ensuite le choix quant à la manière d’aborder le sujet (l’angle) ainsi que le choix des interlocuteurs : là encore, un journaliste va inévitablement mettre « sa patte ». Et puis, il y a finalement les choix en lien avec le « produit fini » (l’article publié, le reportage diffusé…) : il s’agit de choisir ses mots, de sélectionner les propos que l’on retient dans les interviews, de décider d’un titre et d’une photo. Rien n’est neutre. Comme l’affirmait ce même professeur de journalisme : « L’objectivité, en journalisme, ne veut rien dire. Rien que l’endroit où l’on met la caméra fait que l’on n’est plus objectif ».
5. Les journalistes ont une vision du monde qui les influence
Comme l’écrit Pierre-André Léchot dans « La foi chrétienne et les défis du monde contemporain » (Excelsis), « les médias proposent une représentation de la société et non pas une reproduction fidèle ». Ce sont des agents culturels, qui reflètent la culture ambiante. La vision du monde des journalistes n’est pas neutre… et peut parfois tourner au militantisme. On rappellera en passant que la RTS se targue de compter parmi les « entreprises égalitaires et inclusives » ; elle a ainsi adopté une charte antisexiste et souhaite engager des « gender editors » (vérificateurs de la conformité de genre). Une telle vision du monde va nécessairement se répercuter dans le contenu rédactionnel.
6. Les médias savent comment « orienter » l’information pour faire passer un message
Qu’on s’entende bien, il n’est pas ici question de faire un « procès d’intentions » aux journalistes, ni de soupçonner le mal partout. On doit simplement constater qu’il est assez facile (expérience faite !) de construire un compte-rendu, un reportage ou une enquête, de manière à amener le lecteur, l’auditeur ou le spectateur là où l’on veut l’amener. Pensez par exemple à certaines émissions sur les évangéliques. L’art de la rhétorique est bien maîtrisé par les médias, qui savent notamment comment construire un discours qui saura faire mouche et comment toucher le « pathos » pour susciter les émotions espérées.
7. Les médias participent à dire qui est « gentil » et qui est « méchant »
Ce qui est dit d’une personne et la façon dont cela est dit, influence notre capital-sympathie… ou antipathie pour des personnalités en vue. La manière dont un débat télévisé est mené par l’animateur peut assez facilement produire une impression positive ou négative sur les différents interlocuteurs. Le choix des photos des personnalités publiques dans un journal n’est pas neutre : il permet de faire passer un message. N’y a-t-il pas des gens que nous n’aimons pas… sans même bien savoir pourquoi ? Et ce que nous croyons savoir à leur sujet est-il vraiment objectif ou largement conditionné par ce qu’en disent nos médias ?
8. Les médias savent que le sensationnel fonctionne
Pour faire vendre, il faut toucher à ce qui a toujours attiré le cœur de l’homme, et que l’on peut résumer par cinq « S » : sang, sexe, sport, sensationnel, scandale. On trouvera ainsi toujours des « informations » allant dans ce sens, qui peuvent ainsi attiser notre soif naturelle d’émotions fortes. On peut se demander si, au cours de la crise que nous traversons depuis bientôt deux ans, les médias n’ont pas abusé de ce pouvoir-là. Avec, en manchette, des titres tels que : « Le nouveau variant qui affole le monde ». Ou : « La cinquième vague frappe la Suisse de plein fouet ».
9. Notre monde peine à réfléchir et à argumenter
Il est intéressant, quand on se plonge dans des cours sur la communication et l’argumentation, d’apprendre qu’il existe de nombreux arguments considérés comme fallacieux, dont voici une petite liste non exhaustive : s’attaquer à des personnes plutôt qu’à des arguments, recourir à l’équivoque, insister sur un mot plutôt que sur son contenu, présenter de faux dilemmes, appeler à la peur, appeler à la pitié, appeler au nombre, proposer des arguments d’association (mettre plusieurs choses dans le même panier), appeler à l’expérience, appeler à l’autorité des « experts ». Le hic, c’est que nous ne sommes plus vraiment habitués à discerner les arguments trompeurs. En tant que récepteurs de l’information, nous sommes facilement coupables de naïveté : sensibles aux slogans plutôt qu’aux arguments, à l’apparence et au beau parler des interlocuteurs plutôt qu’à la qualité de leur raisonnement.
Par ailleurs, la théorie de la « dissonance cognitive » nous rappelle que, face à une information, un argument ou un avis, nous réagissons de trois manières : l’information va dans notre sens… nous l’applaudissons ; l’information contredit notre manière de penser mais sans nous troubler… nous la rejetons ; l’information contredit ce que nous pensons et suscite le doute… nous élaborons des stratégies pour nous convaincre que cette information est erronée et que nous avons raison (rétablissement de la dissonance cognitive). Bref, il nous faut être conscient qu’il existe des « failles » à la fois chez le diffuseur d’informations (arguments fallacieux) et chez nous, récepteurs.
10. Les médias participent à changer l’opinion publique
Le philosophe Charles Taylor a énoncé le concept de l’imaginaire social, cet ensemble d’intuitions et de valeurs partagées par une société. Les médias participent à transformer cet imaginaire social, à changer l’opinion publique. C’est en particulier par le biais des médias que la perception de nos contemporains évolue sur certains enjeux éthiques, ou que plusieurs questions dont on parlait peu il n’y a pas si longtemps viennent sur le devant de la scène. Que nous consommions peu ou beaucoup d’information, nous sommes informés, transformés et parfois déformés par l’air ambiant, que les médias contribuent à nous faire respirer.
Ce n’est donc probablement pas un abus de langage de considérer les médias comme le quatrième pouvoir. Que faire ? Paniquer ? Eteindre la télévision ? Voir le mal partout ? Il nous faut plutôt nous souvenir de l’appel biblique à garder notre discernement et une raison saine : « Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, agréable et parfait » (Romains 12,2).