On a pu lire dans un Dossier de PARIS-MATCH (‘) : « L’astrologie n’a jamais été aussi florissante que depuis que les hommes ont les moyens de prouver son absurdité… Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce sont les jeunes qui sont les plus friands d’horoscopes: sur 100 lecteurs d’horoscopes, 71 ont entre 18 et 25 ans, alors que le pourcentage tombe au-dessous de 50% après 55 ans. Et ce sont les couches les plus aisées et les mieux éduquées, et spécialement celles de la région parisienne, qui fournissent à l’astrologie sa plus grosse clientèle. Alors que les paysans, qui vivent pourtant beaucoup plus dans la dépendance du ciel, sont les plus réfractaires. » Le paradoxe n’est qu’apparent.
Et il n’est pas besoin d’être clerc en psychologie pour l’expliquer. Mme SOLEIL, avec son robuste bon sens, a tout dit quand elle a parlé de la peur des hommes et des femmes du XXe siècle. Nous sommes des « déboussolés ». Les religions, qui montraient le chemin du salut, sont partout en crise. Et la science, en l’explorant jusqu’en ses tréfonds, a détruit ce que notre univers pouvait avoir de rassurant. »
Nous regardons le ciel, et nous savons que nous ne sommes plus le centre du monde, mais un misérable grain de l’infini. Nous nous regardons dans la glace et nous savons que nous ne sommes pas ce que nous voyons, mais une organisation de protéines et d’acides aminés pas toujours photogéniques. Le malaise qui naît de ce regard, il est normal que les jeunes en soient les plus atteints, étant les plus soucieux de l’avenir et les plus assoiffés de certitudes. Et les intellectuels plus que les manuels. Et les déracinés des villes plus que les gens de la terre. Et comme le besoin métaphysique est le besoin le plus ancien, le plus universel et le plus profond de notre nature, rien de plus explicable, dans le vide d’aujourd’hui, que le recours croissant a cette « autre chose » qui n’est ni la religion, ni la science, mais qui offre a la fois le mystère de l’une et la logique de l’autre».
Intéressant, non ?
Á vrai dire, nous savions tout cela pour l’avoir entendu affirmer quantité de fois. Nous avions remarqué également la multiplication des cabinets de «voyants» et de devins, notamment dans les Grands Magasins. Et puiss’est produite la montée au zénith de la popularité de Mme SOLEIL…: « Je rassure ceux qui s’adressent a moi, c’est tout ce que je peux faire. Et d’ailleurs, c’est tout ce qu’ils attendent de moi. Au XXe siècle, les gens ont besoin de merveilleux, tout comme au Moyen-Âge. Ils vivent dans la peur. La peur de tout, et d’abord d’eux-mêmes. J’essaie de les calmer. L’horoscope ? Un moyen comme les autres… On peut bien m’accuser de faire des prédictions fausses, ça ne m’inquiète pas ».1
Enfin, une statistique éloquente : il y aurait, en France, au moment où cet article a été publié, 30.000 astrologues et autres diseuses de bonne aventure, soit un pour 1700 Français!
C’est stupéfiant !
Au moment où la vie devient matériellement plus simple pour chacun de nous — sinon pour chacun des hommes qui habitent notre planète : nous l’oublions tellement facilement —, une sorte de lèpre aux formes multiples vient tout perturber. C’est peut-être un peu vexant à constater… mais c’est comme ça. Autant regarder la réalité en face.
II ne peut être question en quelques paragraphes de passer en revue toutes nos misères morales modernes; aussi n’en évoquerons-nous que deux parmi les plus courantes, même si elles ne sont pas toujours très apparentes, à savoir la peur devant le mystère de la vie et la solitude.
La peur devant le mystère de la vie…
Au fond, les hommes sont comme les petits enfants : pleins de faconde et d’audace, le jour, quand tout est clair et a portée de leur compréhension mais tous prêts à s’effondrer, apeurés, petites choses larmoyantes et terrifiées dès que le noir est là. Or, aux yeux de leurs contemporains, les Occidentaux sont libérés de tous les interdits, affranchis et majeurs; le monde est à eux et ses secrets disparaissent l’un après l’autre. Ils ont de quoi être fiers et ils le sont. Ils ont de quoi être heureux de vivre et, cependant, s’ils vivent mieux que leurs ancêtres, il n’est pas sûr que leur joie de vivre soit supérieure. C’est l’absurdité irritante du XXe siècle, plus éclairé qu’aucun autre. La peur viscérale de toutes les époques a achevé de perdre ses causes apparentes — dues à des phénomènes naturels inexpliqués jusqu’alors — mais loin de disparaître, elle est toujours aussi vivace et, par la même, semble plus inquiétante encore.
D’ordre psychologique, relevant du domaine de l’affectivité et non du réel, l’angoisse plus ou moins consciente qui habite le cœur de tout être humain appartenant au tiers de l’humanité bien nourrie semble échapper aux systèmes d’explications les plus élaborés. L’homme est en passe de tout savoir et de tout comprendre concernant l’univers… et cependant, la peur qui devrait s’évanouir, comme la nuit lever du jour, tend à s’accroître comme si des ténèbres plus mystérieuses que jamais s’appesantissaient sur son cœur.
Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? Et surtout pourquoi la souffrance et l’injustice ? Á quoi bon ? Quel est le sens de ce ballet sans fin qui va du berceau à la tombe et dont la musique fait la part plus belle à la haine qu’à l’amour ?
Une seule réponse à cette angoisse de l’homme placé devant le contraste de la fragilité de sa condition et l’infini incommensurable de l’univers, dont son intelligence le rend conscient. Une seule attitude raisonnable pour celui qui essaye d’éluder la question fondamentale qu’il sent toute formulée en lui. Une seule consolation pour le cœur torturé ou tenté de succomber à l’absurdité de la vie… Oui, une seule, que le psalmiste a formulé il y a bien longtemps :
L’Éternel est ma lumière et mon salut: de qui aurais-je crainte ? L’Éternel est le soutien de ma vie : de qui aurais-je peur? (Psaumes 27, v. 1)
C’est, en effet, la seule solution pour toute créature: l’humilité, la repentance et l’adoration… et la vie devient bonne à vivre pour Dieu.
Par grâce, nous l’avons reçue. Á la lumière de l’Esprit Saint, nous la passons dans le service (de Dieu et donc des hommes). Notre espérance, fondée sur l’Écriture, est, qu’au terme de nos jours, commence la vraie Vie.
Quoi de plus rassurant que de constater, jour après jour, la sollicitude de Dieu, notre Père. II veut être notre compagnon de route et il souhaite nous aider à surmonter les obstacles qui la jalonnent: plus ils sont hauts, plus sa main se fait assurée et apaisante.
… Et aussi, la solitude
C’est apparemment la moins spectaculaire des angoisses de notre époque… mais c’est peut-être la plus répandue.
On l’avoue assez peu et d’autant moins qu’on a plus d’aisance financière. Qui oserait dire qu’il se sent isolé, esseulé et malheureux alors qu’il ne manque de rien de ce qu’on peut s’offrir avec de l’argent… et que le temps ne fait pas défaut ?
La solitude par absence de compagnie, d’amis, de famille, la solitude dans l’incompréhension, la solitude par absence d’intérêt pour une chose, pour une cause ou pour un être… sont très à la mode. Lorsqu’on est soi-même en pleine activité et que les journées ne sont pas assez longues pour tout faire, on a de la peine à imaginer ce mal lancinant et subtil. Et pourtant, c’est une expérience poignante que de découvrir au hasard d’une visite ou d’une rencontre inopinée, au travail, chez des voisins, en voyage, etc… combien il y a, de nos jours, de gens, jeunes, moins jeunes ou âgés qui souffrent de solitude.
Que de personnes assoiffées d’une marque d’amitié, d’une parole de compréhension ! Que de personnes qui aspirent à voir la belle harmonie de leur vie matérielle être rompue par quelque chose qui ferait irruption dans leur existence et la remplirait d’un seul coup ! Que de gens qui disent, comme dans la chanson de Juliette Gréco: « Je hais les dimanches » et les jours de fête et aussi, pour certains, tous les jours de la semaine !
Procès terrible de notre civilisation qui engendre des fruits de belle apparence, éclatants à l’œil et dont le goût pourtant est d’une grande amertume !
Ne nous laissons pas séduire: en trois jours, il y a environ deux mille ans, toutes les astuces de Satan ont été déjouées. Et, en Christ, la peur et la solitude sont désormais anéanties. Nous qui nous disons chrétiens, ne tergiversons pas davantage et ne perdons pas notre temps à nous interroger sur l’actualité — ou pire sur l’actualisation — du christianisme: il est… «terriblement» à la page !
Rappelons-nous seulement les paroles de Jésus: « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos » et « Je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble point et ne s’alarme point».
Nos contemporains attendent que nous le leur expliquions et Dieu, dans Sa sagesse un peu surprenante, s’attend à nous pour cela… avec son aide, bien entendu.
1 PARIS-MATCH, No 1137 du 20.02.1971 : « Le commerce de l’astrologie» par Florence Portès.
Ichthus, n° 12, avril 1971, page 16 à 18
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