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Est-il permis à un pasteur de s’en prendre si peu que ce soit à un tabou ? Certains diront : A ses risques et périls. Je vais effleurer un sujet délicat : avec quelles lunettes lisons-nous l’Evangile ?  

 

Nous portons tous des lunettes

L’Evangile n’arrive jamais sur un terrain neutre, que ce soit un pays ou un individu. Souvent, il peine à trouver un passage pour atteindre les coeurs à cause des conceptions diverses qui peuvent exister, à cause des expériences vécues par chacun. En fait, nous sommes tous porteurs de présupposés, que nous le voulions ou pas. Nos présupposés, ce sont les valeurs plus ou moins conscientes qui nous habitent, qui comptent en premier, qui nous servent de repères ou d’étalons pour évaluer tout le reste – valeurs qui, elles, tendent à échapper à toute évaluation, à toute critique. En général, ces présupposés sont tellement profonds, qu’ils sont intouchables, comme sacrés.

Beaucoup de nos difficultés à nous comprendre et à nous accorder viennent du fait que nous lisons les mêmes textes et observons les mêmes événements avec des présupposés différents. Or, ces présupposés sont rarement dévoilés. L’échec de la prédication, bien souvent, c’est qu’elle glisse sur ces présupposés sans parvenir à les mettre en lumière, à les remettre en question, y compris au bout de nombreuses années. C’est là l’explication de beaucoup d’incompréhensions, de tensions, de querelles entre nous, y compris entre Eglises, entre chrétiens, entre pasteurs. Tout cela affaiblit beaucoup la vie des Eglises et nuit fortement au témoignage de l’Evangile.

En France

La France, avec son histoire, n’est pas un pays neutre, loin de là. L’emprise de la religion catholique romaine (avec le cléricalisme et la confusion des pouvoirs), le rejet de la Réforme (avec la mise au second plan de la Bible), le Siècle des Lumières (avec le primat de la Raison), la Révolution française (avec le soupçon sur la notion d’autorité), le principe de laïcité (nourri de la Libre-pensée), tout cela imprègne les rouages de notre culture, nos rouages, que nous le voulions ou pas.

En France, avec la mise de côté progressive (ou radicale) des valeurs chrétiennes fondamentales, les présupposés idéologiques ont une importance considérable. Le clivage droite/gauche, bien que légèrement fluctuant, coupe plus ou moins le pays en deux. Et certaines Eglises aussi, n’ayons pas peur de le dire, notamment quand les doctrines y sont floues ou considérées comme ayant peu d’importance. Le fameux « on ne fait pas de politique » est souvent une manière peureuse de dire : « Touche pas à mes présupposés ».

Le syncrétisme des valeurs

Nous comprenons aisément que le syncrétisme n’est pas une bonne chose. On dira : Les Haïtiens vont à la messe le jour et ils pratiquent le vaudou la nuit. Ce n’est pas bien. Mais nous, nous pratiquons un syncrétisme des valeurs qui pourrait apparaître tout aussi surprenant si nous acceptions de le mettre en lumière. Les maîtres à penser athées de notre culture, au travers de l’école publique, des artistes (littérature, chanson, cinéma…), des médias, nous ont inculqué une vision du monde qui est loin d’être conforme à ce que nous dit la Parole de Dieu. Les résultats ? J’en relève trois qui me paraissent aussi courants que funestes :

  • le rejet de Dieu: la foi n’est pas vraiment transmise à la génération suivante
  • le compromis: la foi est cantonnée à l’église et à la maison (surtout à l’église), à certaines heures du jour et certains jours de la semaine : la vie est comme cloisonnée
  • l’amalgame: l’Evangile perçu comme un idéal compatible avec d’autres idéaux : il est nourri de bons sentiments et de bonne volonté, mais il a souvent perdu ce qui en fait la force.

Et le chrétien ?

Un chrétien ne devrait pas être partisan, c’est à dire tout condamner d’un côté et tout excuser de l’autre. Il devrait, avec discernement, « examiner toutes choses » (1 Th 5.21) courageusement, à la lumière de l’enseignement biblique. Il devrait juger avec bienveillance : en retenant la part de grâce qui peut exister dans telle ou telle mesure, d’où qu’elle vienne – et un esprit critique : en débusquant les présupposés contraires à la Parole de Dieu. Cet exercice n’est pas facile ; il est pourtant indispensable.

Le théologien allemand Rudolph Bultmann a montré que tout lecteur de la Bible chemine avec trois points d’appui : le texte biblique, un certain nombre de doctrines et des présupposés. En un sens, les présupposés, c’est ce qui est premier. Par exemple, des présupposés humanistes (qui considèrent que l’Homme est la valeur première, qui croient aux « forces de progrès ») vont conduire à une compréhension humaniste de l’Evangile.

Les valeurs de gauche

Je ne sais si on me pardonnera d’aborder ce sujet. Il me semble qu’il le faut, pourtant. Les valeurs de gauche ont la particularité de ressembler à celles de l’Evangile sans en avoir ni le centre, ni la finalité, ni la vraie substance. Les présupposés de gauche sont nourris, consciemment ou pas, de philosophies anti-chrétiennes et se présentent avec la générosité de l’Evangile.

Ils font de l’homme le centre et la finalité de toutes choses quand la Bible dit que la vocation première de l’homme est de servir Dieu. Ces présupposés font de l’homme premièrement une victime quand la Bible fait de l’homme premièrement un être responsable. Ils s’inscrivent dans une vision progressiste et parlent de foi en l’homme alors que la Bible démontre l’incapacité, pour l’homme, de progresser moralement. Ils appliquent à l’ensemble des hommes ce que la Bible applique au peuple de Dieu, faisant de l’Evangile une utopie, ce qu’il n’est pas. Ils opposent l’autorité et l’amour quand la Bible montre ces deux vertus parfaitement accordées en Dieu. Ils font des préceptes de la loi morale une menace d’asservissement alors que la Bible en fait l’expression de la volonté bonne de Dieu. Ils font de l’autodétermination de l’homme par lui-même le principe de la liberté quand la Bible en fait le principe même du péché…

Si cela est demeuré voilé aux yeux de beaucoup jusqu’à un passé relativement récent, il semble impossible de ne pas s’en rendre compte aujourd’hui. La légalisation du « mariage » homosexuel a été une étape significative dans la rébellion contre l’ordre créationnel. Où cela va-t-il s’arrêter ?

Les valeurs de droite

Bien qu’entachées de corruption elles aussi – et donc critiquables, voire condamnables, en tout cas dans leurs excès – les valeurs de droite ne me semblent pas prendre, de la même manière, le contre-pied des préceptes bibliques comme le font les présupposés de gauche. Les valeurs de droite ne ressemblent pas à l’Evangile. Elles n’ont donc pas le même pouvoir séducteur. Elles n’idolâtrent pas le pseudo-évangile des Droits de l’homme, en tout cas pas de la manière quasi religieuse que l’on observe généralement à gauche.

On me fera remarquer que l’amour de l’argent est une idolâtrie (Col 3.5) et que le libéralisme économique sans frein est source de nombreuses injustices. Cela n’est pas contestable. Mais l’amour de l’argent (ou du pouvoir) est-il l’apanage d’un parti ?

Plusieurs lecteurs de ces lignes seront tentés de dresser une liste des inepties énoncées ou pratiquées par des hommes de droite et de faire l’inventaire des progrès acquis par le militantisme de gauche. Je connais cela. Je ne fais ici aucunement l’apologie de la droite qui, elle aussi, peut être amorale, qui, elle aussi, pourrait devenir persécutrice. Ce n’est pas la droite qui a raison, c’est l’Evangile non dilué, non édulcoré, tel qu’il est exposé dans l’Ecriture (1 Co 15.1-2).

Que faire ?

Nous devrions revenir à Dieu sans discuter. Je ne dis pas sans réfléchir, je dis sans discuter, en mettant un genou à terre.Nous devrions cesser de projeter sur le texte biblique nos propres conceptions, cesser de choisir ce qui nous convient, cesser de nous contenter d’un « plus petit dénominateur commun » dans des messages destinés à faire consensus mais qui ne disent presque plus rien.

Du moins si nous avons soif de voir, dans notre pays, briller la lumière pure de l’Evangile de Jésus-Christ.

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