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Sexualité traditionnelle, communauté Radicale

Je regardai nerveusement de l’autre côté de la table, tripotant ma tasse de café. Te rends-tu compte de ce que tu me demandes? me dit-il. Nous étions ensemble depuis plus d’une heure, discutant de son combat avec son attirance envers les hommes, et de son hésitation à s’engager dans une relation durable avec son petit ami. Il avait fait partie de notre Église et de notre groupe de quartier pendant plusieurs années, et avait toujours fait preuve d’intelligence et d’enthousiasme. Il présentait de nombreuses caractéristiques d’un chrétien mature. Pourtant la sombre lutte intérieure de mon ami avait atteint son point culminant, et nous étions là, ensemble dans un café, aux prises avec la réalité de sa décision.
Te rends-tu compte de ce que tu me demandes? Oui, je m’en rendais compte. Je lui demandais de ne pas chercher à nourrir son attirance homosexuelle, d’accepter une vie de célibat, et de se détourner d’une relation amoureuse importante à ses yeux. Pourtant, alors que je réfléchis à cette discussion, je réalise maintenant que je ne comprenais pas ce que je lui demandais. Je lui demandais de faire quelque chose que notre communauté d’Église n’était pas prête à accueillir. Je lui demandais de prendre des décisions difficiles, allant à l’encontre de la culture, qui l’isoleraient de son entourage. À bien des égards, je lui demandais de vivre comme un inadapté dans une communauté qui ne pouvait pas encore fournir le soutien social pour rendre une telle décision possible, et encore moins souhaitable. Pas étonnant qu’il soit parti.
Plusieurs années se sont écoulées depuis cette conversation, mais celle-ci m’a convaincu de la relation vitale entre la sexualité et l’ecclésiologie. Il y a beaucoup d’Églises comme la nôtre qui croient il y a deux chemins possibles pour les disciples de Jésus quant à une vie obéissante sur le plan sexuel : le mariage hétérosexuel ou l’abstinence sexuelle. Mais parmi les églises qui se sont engagées à fournir une éthique sexuelle biblique, je crains qu’il n’y en ait peu qui rendent cette éthique vivable pour une personne ayant une attirance homosexuelle.
Je suis maintenant convaincu que toute église qui se réclame d’ une vision traditionnelle de la sexualité doit également favoriser une pratique radicale de la communauté chrétienne, dans laquelle la mise en pratique d’une éthique sexuelle biblique devient possible et même attrayante.

Des communautés soudées, une alternative possible

Il y a plus de vingt ans, le sociologue Peter Berger a inventé le terme «structure de plausibilité» pour décrire les systèmes socioculturels de sens, d’ action ou de croyances qui sont essentiels à la vie en communauté et qui ont tendance à ne pas être contestés par les individus d’une société donnée. Si vous aviez dit à quelqu’un, il y a 50 ou 100 ans, de ne pas avoir de relations sexuelles avant le mariage, même s’il avait transgressé cela, il continuerait quand même à penser que l’abstinence a du sens et reste “ce qu’il faut faire”. Cette idée était essentielle à sa structure de plausibilité, son idée de sens partagé avec la culture qui l’entourait.
Mais aujourd’hui, ce que l’Église affirme au sujet du sexe et de la sexualité est si radicalement en décalage avec ce qui est monnaie courante dans la culture que nous ne pouvons pas attendre que quelqu’un comprenne le point de vue chrétien de manière presque “innée”. Nos croyances ne font plus partie de la structure de plausibilité culturelle. Pourtant, l’Église impose souvent ses exigences de discipulat sexuel chrétien aux individus sans créer les conditions sociales pour rendre ces exigences possibles et attrayantes.
Je crois que l’une des missions les plus urgentes de l’Église à notre époque est de créer de nouvelles structures de plausibilité allant à l’encontre de la culture, et qui rendraient les exigences de l’Évangile plausibles, pratiques et attrayants
Je crois que l’une des missions les plus urgentes de l’Église à notre époque est de créer de nouvelles structures de plausibilité allant à l’encontre de la culture, et qui rendraient les exigences de l’Évangile plausibles, pratiques et attrayants. Si un ami gay va se consacrer à une vie de chasteté pour Jésus-Christ, il doit être capable de regarder vers l’avenir et de voir non seulement la perte et la douleur, mais aussi la possibilité qu’une vie vraie et enrichissante peut être vécue. Si nous ne travaillons pas à cette tâche, si nous ne créons pas les types de communautés dans lesquelles le mode de vie allant à contre-courant de la culture dominante et que nous préconisons est pris en charge et affirmé, nous allons continuer à voir des gens choisir des structures de plausibilité qui font plus de sens pour eux et qui ont un plus grand soutien de la culture.
Pour que ce changement se produise les Églises doivent devenir des communautés réelles, et pas seulement des bâtiments où les gens se réunissent une fois par semaine. Jésus appelle les individus à former une nouvelle famille qui vit les joies et les exigences de l’Évangile ensemble, qui porte les fardeaux et encourage les uns les autres le long de la route du Calvaire. Jésus promet même que ceux qui acceptent les dures exigences de la vie à sa suite recevront une nouvelle communauté pour compenser les conséquences des pertes qu’ils subiront.
Jésus leur dit:
«Je vous le dis en vérité, personne n’aura quitté à cause du royaume de Dieu sa maison ou sa femme, ses frères, ses parents ou ses enfants sans recevoir beaucoup plus dans le temps présent et, dans le monde à venir, la vie éternelle.» (Luc 18.29-30)
La consolation du Christ pour ceux qui le suivent n’ est pas une nouvelle activité religieuse; c’ est une nouvelle famille.

Porter le poids

Réalisons-nous ce que nous demandons de nos amis attirés par quelqu’un du même sexe? D’une part, Dieu demande d’eux la même chose qu’il nous demande à nous qui sommes hétérosexuels lorsque nous commençons à suivre Jésus. Il demande à ce que chaque partie de notre vie se plie à sa seigneurie, y compris notre sexualité. Si nous sommes célibataires, cela signifie s’ engager à l’abstinence sexuelle ou à la chasteté.
Ceux d’entre nous qui sont hétérosexuels doivent réaliser cependant, que même si Dieu nous appelle à la même chose (la chasteté), nos amis LGBTQ aurons une expérience très différente de cet appel. Lorsque les hétérosexuels s’engagent à la chasteté, ils le font en sachant qu’ils peuvent un jour rencontrer quelqu’un, se marier, et être capables d’avoir des relations sexuelles. Par contre, lorsque ceux qui sont attirés par les personnes du même sexe s’engagent à la chasteté, ils le font tout en sachant que, si Dieu ne change pas leurs désirs sexuels, ils peuvent ne jamais connaître l’intimité d’une relation sexuelle. Cette prise de conscience peut être dévastatrice, et trop peu de chrétiens hétérosexuels ont accompagné un ami dans les profondeurs d’une telle expérience. Partager le poids de cette douleur fait partie de la création d’un environnement social où la possibilité de ce genre de vie n’est pas une perspective terrifiante.

Deux scénarios

Les exigences sexuelles du disciple deviendront plus plausibles et praticables pour nos amis célibataires gays (et hétéros) s’ils voient tout le monde dans la communauté prendre au sérieux toutes les exigences de l’Evangile, et pas seulement les exigences sexuelles.
Imaginez deux scénarios pour un ami que nous appellerons Bob. Bob est gay. Il vient tout juste de devenir chrétien et est maintenant aux prises avec l’idée que Jésus l’appelle à vivre une vie de chasteté. Il a un ami chrétien, Steve, qui l’avait invité à l’Église. Steve est un gars sympa, marié, avec trois enfants, riche, et qui semble très heureux. Alors que Bob lutte avec la perspective de la chasteté, il ne peut pas s’empêcher de penser qu’il est injuste qu’il soit né attiré par le même sexe, tandis que Steve est arrivé à naître hétéro et semble vivre une vie idéale d’américain. S’il s’agit du seul environnement chrétien que Bob connaît, il ne suivra probablement pas le chemin de Jésus.
Maintenant, imaginez l’autre scénario. Bob a appris à connaître Jésus au sein d’un groupe de chrétiens, à l’invitation d’un collègue. Les membres du groupe partagent tout avec profondeur et vulnérabilité, confessant leurs péchés et priant les uns pour les autres. Alors que Bob lutte avec la perspective de la chasteté, il regarde autour de lui dans le groupe et voit les choses difficiles que d’autres membres ont acceptées pour la cause de l’Évangile. Au moins deux autres célibataires du groupe sont hétérosexuels et ont également adopté la chasteté. Il y a un couple de mariés qui sont honnêtes à propos de leurs conflits et de leurs défauts, mais qui sont engagés à ne pas se quitter malgré leur douleur immense. Une autre personne n’ était pas disposée à participer à des activités frauduleuses de son entreprise, et a perdu son emploi à cause de cela.
Dans ce scénario, les exigences de Jésus ne diminuent pas pour Bob, mais il n’a pas l’impression, quand il regarde autour de lui, d’être le seul à faire des pertes pour l’Évangile. Il voit une communauté mixte de personnes mariées ou célibataires, hétéro- et homosexuelles, portant leurs croix ensemble et s’aidant les uns les autres à porter leurs lourds fardeaux. Nos amis gays doivent voir une communauté de l’Église dans laquelle nous tous, et pas seulement ceux qui combattent une attirance homosexuelle, font face aux exigences de l’Évangile et de la lutte contre le péché.

Honorer le célibat, démystifier le mariage

Une autre façon dont nous pouvons créer des structures de plausibilité saines allant à contre-courant de la culture est de supprimer le piédestal idolâtre sur lequel le mariage est souvent placé. Parfois, le mariage, et sa joie sexuelle présumée, est tellement présenté comme un objectif pour les chrétiens qu’il commence à s’apparenter au but suprême, dépassant Jésus lui-même. Parler constamment de «valeurs familiales» contribue à solidifier cet idéal, suggérant que le désir fondamental de Dieu pour l’épanouissement humain est que vous soyez marié et que vous fondiez une famille, et si vous n’avez pas encore expérimenté cela, alors dépêchez-vous de vous y mettre!
Mais le grand chapitre sur l’amour, 1 Corinthiens 13, ne décrit pas l’amour entre mari et femme ou parents et enfants, mais l’amour entre les chrétiens dans une communauté d’Église. La Bible voit l’Église,et non pas la famille nucléaire, comme le premier niveau de relations dans notre nouvelle vie du royaume.
En outre, nous devons revenir au grand honneur du Nouveau Testament pour la vie de célibataire. Chaque fois que nous traitons le célibat comme un “deuxième choix”, nous communiquons à nos frères et sœurs célibataires qu’ils ne peuvent pas goûter à la pleine expérience humaine. Ce n’est évidemment pas le cas. Jésus était célibataire, et il était l’homme parfait. Paul a plaidé pour le célibat, qu’il a même surnommé un “appel plus élevé” que le mariage: «Celui qui marie sa fille fait bien, et celui qui ne la marie pas fait encore mieux” (1 Corinthiens 7.38).
Imaginez une communauté dans laquelle de nombreux célibataires chastes, qu’ils soient de tendance homosexuelle ou hétérosexuelle, profitent pleinement de leur célibat car ils vivent la vie du royaume ensemble. Imaginez une communauté où le sexe et le mariage sont considérés comme de bonnes choses, mais non pas comme des cadeaux d’une valeur supérieure, des cadeaux qui ne sont pas absolument nécessaires à la vie d’un disciple de Jésus. Dans une telle communauté, la possibilité d’une vie de chasteté en tant que célibataire ne serait pas vécue comme un sort pire que la mort (alors que cela est parfois dépeint en ces termes).
En bref, nous ne devrions pas appeler nos amis célibataires à l’abstinence sexuelle jusqu’à ce que nous créions des environnements sociaux (structures de plausibilité) qui permettent qu’une telle vie soit empreinte de sens et viable.
Nous ne devrions pas appeler nos amis célibataires à l’abstinence sexuelle jusqu’à ce que nous créions des environnements sociaux (structures de plausibilité) qui permettent qu’une telle vie soit empreinte de sens et viable

Adopter une théologie de l’incomplétude

Que ce soit le shopping, le sport, le travail, ou le sexe, les valeurs occidentales encouragent les gens à découvrir ce qu’ils veulent vraiment et à ne pas s’en priver. Malheureusement, l’église adopte souvent ce point de vue et le fait sien. Dieu m’a donné ces désirs et veut que je sois heureux, et il m’aide à obtenir ce que je veux. Parfois, il est difficile pour nous de comprendre pourquoi l’Écriture peut interdire l’exercice de nos désirs, car cela contredit totalement le récit de plausibilité culturelle auquel nous adhérons si souvent.
Mais quand nous ouvrons les Écritures, nous voyons les thèmes de l’insatisfaction, de l’ inachèvement, et du brisement partout. « Nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit», écrit Paul, “gémissons nous aussi intérieurement et attendons avec impatience notre adoption, la rédemption de notre corps» (Romains 8.23) Ou ailleurs: ” En effet, nos légères difficultés du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire.” (2 Cor. 4.17) Ceci est l’expérience chrétienne normative – à vivre avec inachèvement, insatisfaction, et en ayant conscience que les impératifs de l’Évangile défieront et frustreront nos désirs naturels de multiples manières.
Si nous nous engageons à appeler les gens à la chasteté sexuelle, nous devons nous accueillir les uns les autres dans une communauté dans laquelle nous nous débattons avec des désirs insatisfaits qui ne seront satisfaits pleinement qu’en Christ. Une telle communauté aidera à créer une structure de plausibilité dans laquelle nos amis homosexuels qui vivent avec leurs désirs insatisfaits verront qu’ils ne sont pas les seuls.

Pas de baguette magique

Je me rends compte que ce que je propose ici laisse beaucoup de questions sans réponse. Les arrangements sociaux de l’Église ne sont pas le seul facteur qui va nous permettre de vivre une vie sexuelle dans la fidélité, car même la meilleure communauté chrétienne échouerait sans la puissance de l’Évangile et de l’Esprit Saint en son centre. Je souhaite simplement essayer de faire valoir que nous ne pouvons pas adopter le point de vue historique chrétien de la sexualité sans également adopter une vision radicale de la communauté qui rend l’éthique biblique viable, praticable et possible. La sexualité d’abnégation nécessite une solide réponse écclésiologique. Proposer l’un sans l’autre, c’est continuer à infliger de la douleur à nos amis LGBTQ que nous invitons à suivre Jésus.
Puissions-nous créer des communautés comme Jésus le faisait – des communautés dans lesquelles toutes sortes de gens avec toutes sortes de passés sont accueillis et reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour le suivre ensemble jusqu’au jour où nous le verrons face à face.
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