Trop souvent les pratiques occultes n’ont pas été considérées comme bien graves au sein de l’Église chrétienne. Certains même, surtout lorsqu’elles s’accompagnaient de l’invocation du nom de Dieu le Père ou de Jésus-Christ, les considéraient comme louables et spirituelles. L’on ne peut donc que se réjouir de la vigoureuse campagne menée aujourd’hui par des croyants qui dénoncent tous les dangers de l’occultisme. Quelques points me semblent cependant devoir être précisés pour éviter tous malentendus.
1) La notion de « péché d’abomination »
« Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, tu n’apprendras point à imiter les abominations de ces nations-là. Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien, d’enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel, et c’est à cause de ces abominations que l’Éternel, ton Dieu, va chasser ces nations devant toi » (Deutéronome 18.9-12).
Sans entrer dans le détail des diverses pratiques stigmatisées dans ce passage, il apparaît que l’occultisme y est présenté comme abominable, provoquant chez Dieu un sentiment d’horreur, de répulsion et devant, par conséquent, être évité à tout prix.
Mais nous aurions tort de vouloir réserver le terme à ce genre de faute. Beaucoup d’autres péchés sont qualifiés d’abomination, par exemple. : l’idolâtrie (Deutéronome 7.25-26), l’homosexualité (Lévitique 18.22), la prostitution (1 Rois 14.24), la malhonnêteté qui se manifeste par l’usage de faux poids et mesures (Deutéronome 25.15-16), ou de fausses balances (Proverbes 11.1), le cœur hautain (Proverbes 16.5) ou pervers (Proverbes. 11.20), la confusion qui amène les hommes à porter des vêtements de femme ou vice-versa (Deutéronome 22.5), la prière qui n’est pas accompagnée d’une attitude d’obéissance envers la loi (Proverbes 28.9), le sacrifice offert par des méchants (Proverbes 15.8), le mariage avec des femmes païennes (Malachie 2.11), la violation des interdits alimentaires, qui pourtant n’étaient imposés au peuple de Dieu que pour un temps (Deutéronome 14.3).
Ainsi le terme d‘abomination, bien loin d’établir une différence entre le péché d’occultisme et d’autres transgressions de la volonté divine, s’applique à toutes sortes de fautes. En réalité, Dieu trouve abominable la voie du méchant (Proverbes 15.9), quelle que soit la forme particulière que sa méchanceté puisse prendre. Comme le dit si bien le prophète Samuel, « la désobéissance est aussi coupable que la divination, et la résistance ne l’est pas moins que l’idolâtrie »(1 Samuel 15.23).
Nous ne voulons pas dire que tous les commandements de Dieu aient la même importance. Jésus lui-même nous dit qu’il y en a deux qui priment tous les autres (Marc 12.29-31). De ce fait, les transgressions n’ont pas non plus toutes la même gravité. Tous les hommes ne sont pas également coupables. Judas, par exemple, l’est plus que Pilate (Jean 19.11). Nous nous gardons bien de minimiser l’importance de l’occultisme ; mais, à la lumière de l’Écriture, il apparaît impossible de le présenter comme un péché à part qui ne se situerait pas sur le même plan que les autres. Par conséquent, celui qui se convertit et qui, au pied de la Croix, s’humilie de ses péchés, peut être sûr d’obtenir un plein pardon, quelles que soient les fautes commises. Jésus ne met pas dehors ceux qui viennent à lui. L’occultisme, pour être pardonné, ne nécessite pas de formalités supplémentaires. Nous ne nions pas qu’il faille s’humilier devant les hommes des torts qu’on peut avoir envers eux. Nous considérons qu’il est souvent profitable de confesser les fautes les uns aux autres (selon Jacques 5.16). Dans des mouvements de Réveil, on assiste souvent même à des confessions publiques prononcées sous la pression du Saint-Esprit (Actes 19.18) 1. Nous bénissons Dieu pour le ministère de ceux qui viennent en aide aux victimes de l’occultisme. Mais nous ne découvrons nulle part dans la Bible que celles-ci soient astreintes à une forme spéciale de confession pour recevoir le pardon divin.
2) Châtiment jusqu’à la 3e et 4e génération
A plusieurs reprises, il nous est dit que « Dieu punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui le haïssent, comme il fait miséricorde jusqu’à la millième génération à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements » (par ex. Exode 20.5-6).
Ce principe se vérifie expérimentalement dans les familles de ceux qui pratiquent l’occultisme. Le Dr. Kurt Koch dans son ouvrage magistral sur la question, signale neuf cas précis de sa propre expérience de la cure d’âme et où cette loi se vérifie2.
Les descendants de ceux qui se livrent à la magie succombent fréquemment à des dépressions nerveuses, à des idées de suicide, à des désordres psychiques ou à d’autres tares. Il serait insensé de contester ces faits qui sont d’ailleurs en harmonie avec les menaces de l’Écriture. Le même auteur signale que des séquelles analogues peuvent se manifester chez des descendants d’alcooliques ou de débauchés. Nous n’avons donc pas affaire à un phénomène caractéristique du seul péché d’occultisme. C’est l’application particulière d’une loi très générale. Il est important de bien en préciser la portée. En vertu de la solidarité humaine et plus encore familiale, il n’est pas surprenant que les fautes commises par un homme aient des conséquences pour son entourage et sa progéniture. Cependant cela ne signifie pas que Dieu nous tienne pour responsables des fautes d’autrui. Il semble que certains Israélites aient cru à une telle culpabilité héréditaire, en vertu du proverbe : « Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des enfants ont été agacées » (Ézéchiel 18.2). Le proverbe décrivait un phénomène qui se vérifiait dans l’expérience, mais ceux qui le citaient en tiraient des conclusions abusives, comme si automatiquement les fils pouvaient être tenus pour responsables des fautes de leurs pères. Dieu lui-même proteste contre cette interprétation. « L’âme qui pèche, c’est celle qui mourra. Le fils ne portera pas l’iniquité de son père, et le père ne portera pas l’iniquité de son fils, la justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui » (Ézéchiel 18.20). Nous pouvons supporter les conséquences des fautes que d’autres en particulier nos ancêtres ont commis, mais Dieu ne saurait nous tenir pour coupables en raison de péchés qui ne sont pas les nôtres. Inversement, nous pouvons être au bénéfice de ce que d’autres en particulier nos ancêtres ont fait de bien, sans que nous ayons le droit de nous en faire un mérite. Il faut faire une nette distinction entre l’hérédité, en vertu de laquelle la conduite de nos pères rejaillit sur nous, et la responsabilité, qui résulte uniquement de notre conduite personnelle.
Même si la certitude du pardon acquis par le sacrifice du Christ y est rappelée. Il n’est pas non plus promis aux croyants qu’ils seront délivrés sans exception de toutes les conséquences fâcheuses de leurs fautes passées.
Il peut arriver que, par la prière et l’imposition des mains, un croyant soit délivré des séquelles de l’occultisme, comme aussi d’autres séquelles fâcheuses. Nous nous en réjouissons. Nous avons eu le privilège de participer nous-même, une ou deux fois, à une intercession semblable. Mais il ne faudrait pas voire là une forme d’absolution, même si la certitude du pardon acquis par le sacrifice du Christ y est rappelée. Il n’est pas non plus promis aux croyants qu’ils seront délivrés sans exception de toutes les conséquences fâcheuses de leurs fautes passées. David a reçu un plein pardon de son crime, mais a dû quand même en supporter le châtiment sur le plan terrestre (2 Samuel 12.13-14). Pourtant la réalité du châtiment ne compromettait pas la réalité du pardon. Ainsi le pécheur qui s’est approché du Christ peut être en paix, avec ou sans imposition des mains, puisque ses fautes ont été pardonnées. Qu’il continue ou non à être incommodé par les suites physiques ou psychiques de ses écarts antérieurs, cela n’affecte pas sa position spirituelle d’enfant de Dieu racheté que rien ne saurait séparer de l’amour du Seigneur.
3) L’humiliation pour les fautes des aïeux
Dans un sentiment admirable de solidarité, Daniel a confessé, non seulement son péché, mais celui du peuple d’Israël tout entier (Daniel 9.20). Il mentionne expressément les rois, les chefs et les pères (Daniel 9.8). Plus tard, Esdras et Néhémie ont suivi son exemple, Esdras en pensant surtout à ses contemporains (Esdras 9 :6-15), Néhémie aux ancêtres, même fort lointains (Néhémie 9.17-18) et plus particulièrement à la maison de son père (Néhémie 1.6).
Il y a là des modèles de prières d’humiliation auxquels il est bon de se conformer. Jésus-Christ a pu pleinement se solidariser avec les pécheurs, Il a pris sur lui leurs transgressions et les a expiées à la Croix. Nous ne pouvons pas offrir de sacrifice pour réparer le mal commis par nos semblables, mais nous pouvons et devons assumer les liens qui nous unissent à la race coupable dont nous faisons partie, dans un réel sentiment d’humiliation.
Cependant, là de nouveau, il faut noter que cette humiliation est très générale pour des fautes de tout ordre, et que le péché d’occultisme n’est pas distingué des autres fautes. Daniel parle uniquement de rébellion et de désobéissance, sans même mentionner l’idolâtrie ou des pratiques occultes (Daniel. 9.5). Esdras relève les impuretés et les abominations des peuples païens, mais cela déborde largement le cadre des pratiques superstitieuses (Esdras 9.11 ; comparez Lévitique 18). Néhémie fait allusion à l’abandon de la loi, au refus d’écouter les prophètes et à l’ingratitude après les délivrances multiples dues à la compassion de Dieu (Néhémie 1.7 ; Néhémie 9.26-30).
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de rechercher anxieusement si l’on a eu, parmi ses parents, grands-parents, arrière-grands-parents des professionnels de l’occultisme. Le croyant qui sait qu’il en est ainsi, se doit de rejeter avec énergie de telles pratiques. Le fils qui voit les péchés commis par son père, quelle que soit la nature de ces péchés, doit s’en détourner et ne pas agir de la même manière (Ézéchiel 18.14). Mais il n’a pas à s’en humilier comme s’il en était personnellement coupable. Il n’a pas non plus à se lancer dans une enquête indiscrète pour savoir dans quels domaines ses ancêtres ont fauté. La charité a tendance à couvrir les péchés plutôt qu’à les publier (Proverbes 10.12). Le sang de l’Agneau sans défaut et sans tache nous rachète parfaitement de la vaine manière de vivre que nous avons héritée de nos pères (1 Pierre 1.18-19), sans que nous ayons besoin de nous informer et d’informer d’autres personnes des manifestations particulières de cette manière de vivre.
Nous devons nous garder d’être aveugles en face de nos péchés. Il faut les constater, les confesser et les abandonner. Bien que Dieu les oublie quand Il les pardonne, nous ne devons pas les oublier (Michée 7.18 ; Deutéronome 9.7). Mais ce serait malsain d’en être obsédé. Nous devons fixer notre attention sur notre Sauveur et sur son Salut. Ainsi l’alpiniste risque une chute mortelle s’il contemple sans arrêt le précipice qu’il côtoie au lieu de porter les yeux sur l’itinéraire qui le mène au sommet.
C’est pourquoi nous devons détourner nos regards de tout, même du péché, surtout peut-être du péché, pour les porter « vers Jésus, celui qui suscite la foi et la mène à la perfection, afin de courir avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte » (Hébreux. 12.1-2).
- Cette parole s’applique à des pécheurs de tout ordre, et pas uniquement à des magiciens. Ces derniers n’apparaissent qu’au verset suivant.
- Exemples Nos 24, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 101, pages 163, 164 du livre du Dr Koch « Cure d’âme et d’occultisme », de l’édition allemande. L’édition française vient juste de sortir de presse.