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La maladie nerveuse est, pour le croyant, une épreuve redoutable qui peut remettre en cause sa vie spirituelle et, partant, sa confiance en Dieu. Le professeur J.-M. NICOLE aborde cette question délicate, fort d’une longue expérience pastorale enrichie d’un ministère d’ancien aumônier d’une clinique psychothérapique en Suisse.

Chacun sait qu’il y a une différence entre les maladies qu’on appelle organiques et les maladies qu’on appelle nerveuses.

Il y a maladie organique lorsque l’un des organes de notre corps a subi une lésion, soit par une blessure, soit par un microbe, soit encore par suite d’un apport insuffisant d’énergie, ou pour quelqu’autre cause. Dès lors, cet organe est physiquement atteint et hors d’état de fonctionner normalement. Ce sont les nerfs qui signalent le désordre intervenu et en informent le cerveau, attirant ainsi l’attention vers le membre malade, ce qui permet heureusement de prendre des mesures pour y porter remède. Le signal avertisseur est soit une douleur ressentie par le nerf, soit une inaptitude à obéir aux ordres donnés par le cerveau. Un rhumatisant, par exemple, sera incapable d’accomplir certains mouvements des doigts, du poignet ou de la jambe. Les nerfs moteurs se heurtent au refus des muscles chargés d’exécuter les ordres. En ce qui concerne la douleur, il faut reconnaître son utilité comme une réaction de notre corps aux dangers qui le menacent.

Il arrive, il est vrai, que des lésions organiques pernicieuses soient indolores à leurs débuts : les signaux avertisseurs fonctionnent mal et, de ce fait, le désordre s’aggrave sans qu’on y prenne garde. C’est le cas de certains cancers qui, au commencement, ne provoquent que des malaises sans importance, et qui ne sont ressentis comme douloureux qu’au moment où il est trop tard. Si donc, il n’est pas agréable de souffrir d’une rage de dents ou de crampes d’estomac, nous devons remercier Dieu de nous avoir donné un système nerveux qui, dans la plupart des cas, nous permet d’avoir mal, nous offrant ainsi l’occasion d’intervenir à temps pour remédier aux désordres de notre organisme.

Les maladies nerveuses

Les maladies nerveuses se distinguent des maladies organiques en ce sens que ce ne sont pas les organes qui sont atteints mais les nerfs eux-mêmes. Le malade éprouve une douleur. Le médecin l’examine et ne voit rien. C’est le nerf lui-même qui souffre et communique une sorte de message trompeur. Ou encore, le malade se trouve incapable d’accomplir tel ou tel mouvement : les muscles sont bien en état de fonctionner mais ce sont les nerfs qui refusent de transmettre les ordres donnés par le cerveau. Les causes de ces maladies peuvent être        diverses : une frayeur dans le cours de l’enfance, un choc émotionnel, un chagrin, l’ennui d’une existence exempte de difficultés, et parfois aussi, il faut le dire, une faute morale ou spirituelle dont les séquelles n’ont pas été révélées. Mais quelle que soit la cause, il est certain qu’un mal nerveux est aussi réel qu’un mal organique, bien qu’il ne soit pas de même nature et ne se constate pas aussi clairement.

Il faut reconnaître que ceux qui sont atteints dans leurs nerfs sont souvent l’objet d’une triste incompréhension. Lorsqu’on est mis en présence d’une blessure béante, d’un membre brisé, d’un rhumatisme déformant ou d’une infection caractérisée, on est aussitôt alarmé et on comprend la nécessité d’un traitement approprié. Mais si le malade ne montre pas de lésion organique et, cependant, éprouve des douleurs accompagnées d’angoisse ou d’inhibitions, on a tendance à hausser les épaules en disant : « Ce n’est que nerveux ! » Que nerveux… Or, il faut le dire, la maladie nerveuse peut être beaucoup plus grave, plus pénible et surtout plus difficile à guérir que la maladie organique. Sans doute, y a-t-il des malades imaginaires, et pas seulement dans les comédies de Molière ! Mais les malades nerveux sont loin d’être tous des malades imaginaires. Que ce soit mon estomac ou le nerf de mon estomac qui soit malade, que ce soit le muscle ou le nerf de ce muscle qui refuse de fonctionner, le mal est tout aussi réel et tout aussi digne d’être pris en considération.

Il peut arriver qu’une maladie nerveuse finisse par avoir des conséquences organiques. J’ai connu personnellement une dame qui devait avoir été fort jolie dans sa jeunesse et qui, de plus, avait été riche et très entourée. Avec l’âge, elle se mit à souffrir de ne plus être le point de mire de la société dont elle faisait partie. Alors, par une sorte de réflexe, ses nerfs étaient entrés en jeu pour qu’on s’occupe d’elle malgré tout. Sans avoir de lésion aux jambes, elle marchait péniblement, avec lenteur et en chancelant. Ainsi tâchait-elle, inconsciemment, de s’imposer à l’attention des autres. Mais, à la longue, il finit par se produire une ankylose musculaire réelle, le désordre nerveux ayant entraîné un mal organique. Dans le corps tout se tient : les maladies organiques affectent les nerfs et les maladies nerveuses ont des répercussions sur les organes.

Il y a équilibre spirituel lorsqu’on a rencontré Christ.

L’équilibre spirituel

Ceci nous amène à aborder un autre domaine, celui de l’équilibre spirituel. Mais il convient d’abord de le définir.

Il y a équilibre spirituel lorsqu’un être humain a rencontré Jésus-Christ, et qu’il a trouvé auprès de lui le pardon et la vie véritable. Il peut alors tenir bon en face des tentations, mener une existence qui glorifie Dieu et qui est utile aux hommes. Et il peut dire avec le psalmiste : « Je ne chancellerai pas » (Ps. 62 : 7).

Il se peut qu’en dehors de ce contact vital avec Jésus-Christ crucifié et ressuscité, un homme soit en bonne santé physique et jouisse d’un état nerveux satisfaisant, mais, spirituellement, il ne saurait être en équilibre. Il est alors semblable « au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre » (Jacq. 1 : 6). Dans ce domaine, il n’y a pas de juste milieu : ou bien on appartient à Christ, ou bien on ne lui appartient pas ; ou bien on est né de nouveau, ou bien on ne l’est pas. Les hommes, dans leur infinie diversité, appartiennent à ces deux catégories bien distinctes. Certains, sans doute, peuvent se trouver près de la ligne de démarcation. Tel, qui est encore perdu, peut n’être pas loin du royaume de Dieu (Marc 12 : 34). Tel qui est sauvé peut l’être tout juste. Mais la frontière demeure, et nécessairement l’on est d’un côté ou de l’autre. Ce qui est magnifique, c’est que cette frontière puisse être franchie par la repentance et la foi, ce qui permet de passer de la mort à la vie (Jean 5 : 24) et d’abandonner le sable mouvant des incertitudes humaines pour se fonder sur le roc solide où l’on trouvera un véritable équilibre spirituel. De la sorte, on deviendra ferme et inébranlable (1 Corinthiens 15 : 58).

Ceci dit, il faut préciser que l’équilibre du chrétien n’est pas toujours parfaitement réalisé. Il peut être compromis par des tentations, par des chutes et aussi par les infirmités de la chair. Cela fait que « nous bronchons encore de plusieurs manières » (Jacq. 3 : 2). Même un homme aussi sérieux et aussi rigide que Jacques, l’auteur de l’épître, avouait qu’il en était ainsi de lui.

Le chrétien et la maladie

Nous sommes, entre autres, exposés à la maladie, tant organique que nerveuse. Il est vrai que Jésus-Christ a porté nos souffrances sur la Croix (Esaïe 53 : 4), en même temps que nos péchés, et qu’il nous a rachetés tout entiers, esprit, âme et corps. Mais la Rédemption n’est pas appliquée d’un seul coup à tous les éléments de notre personne. Dès la conversion, nous devenons des créatures nouvelles, avec un cœur nouveau et un esprit nouveau (Ezéchiel 36 : 26). Mais nous attendons dans l’avenir la rédemption définitive de notre corps (Romains 8 : 23). Pour le moment, ce corps reste « infirme » (1 Corinthiens 15 : 43), c’est-à-dire malade (car un même mot grec embrasse ces deux notions que nous distinguons en français). Bien sûr, il peut arriver que le Seigneur nous guérisse miraculeusement en réponse à la prière, et sans doute plusieurs lecteurs de ces lignes sont-ils passés par une expérience de ce genre. Dans ce cas, il n’y a qu’à chanter « Alléluia » ! Mais on ne trouve pas dans l’Ecriture de promesse qui nous garantisse qu’il doive en être toujours ainsi. Un chrétien peut, tout aussi bien qu’un autre, être victime d’un accident, être atteint d’une infection microbienne, ou se trouver aux prises avec la faim et la soif. Rien ne dit qu’il soit à l’abri des maladies organiques. Au fond, si nous y réfléchissons, nous croyants, nous ne jouissons jamais, même les plus robustes d’entre nous, d’une santé parfaite. Entre le sommet de notre crâne et la pointe de nos pieds, il y a pratiquement toujours quelque chose qui laisse à désirer. C’est seulement à la Résurrection que notre corps bénéficiera pleinement de la guérison que Jésus nous a accordée.

Cependant, si la maladie est une épreuve pour notre équilibre spirituel, elle ne le compromet pas d’une manière irréparable. C’est vrai qu’elle peut nous pousser à l’inquiétude, à l’amertume, au doute, à l’égoïsme et à d’autres formes de péché. Mais, par la grâce de Dieu, nous pouvons surmonter ces tentations. Combien de chrétiens ont rendu, au sein de la maladie, un témoignage plus émouvant et plus authentique que dans la santé. Sans aucun doute, en lisant ces lignes, plusieurs lecteurs évoqueront le souvenir de tel patient qui, sur son lit de souffrance, faisait rayonner avec un éclat particulier la gloire de Jésus-Christ.

Précisons ici que, parmi les organes de notre corps qui ne sont pas encore délivrés de l’infirmité terrestre, il y a les nerfs. Ils peuvent donc nous jouer des tours, et nous pouvons nous trouver, bien que croyants, frappés d’une maladie nerveuse tout aussi bien que d’une autre maladie. On a parfois de la peine à le comprendre, mais c’est un fait qu’il faut admettre. Ceci étant, on ne peut nier que certains dérangements nerveux peuvent avoir pour cause des fautes dont l’intéressé s’est rendu coupable : rancune, surmenage, refus de confesser un péché ou encore pratiques occultes. Sur ce dernier point, le récent ouvrage du Dr Koch : « Occultisme et cure d’âme », est très suggestif.

Mais on aurait tort de penser que les troubles nerveux ont toujours une origine morale, et que seul un bon équilibre spirituel nous met à l’abri de ce genre d’épreuve. Le croyant le plus fidèle et le plus consacré peut faire une dépression nerveuse sans qu’il soit permis de le soupçonner davantage que s’il s’était simplement cassé la jambe. Il convient d’être prudent à ce sujet, car il est souvent difficile de diagnostiquer si quelqu’un est nerveusement détraqué ou s’il est spirituellement en état d’ « interdit ». Bien entendu, quand un tel diagnostic peut être fait, c’est important, car dans un cas l’intéressé a besoin d’un simple traitement médical, tandis que dans l’autre, il lui faudra mettre sa vie en règle avec Dieu et avec les hommes. Qu’il se trompe d’adresse et vienne consulter le médecin alors qu’il devrait voir le pasteur (ou l’inverse), et le mal s’incrustera.

Nous attendons la rédemption définitive de notre corps.

La foi dans l’épreuve

Précisons encore que la maladie nerveuse nous affecte spirituellement davantage qu’une simple lésion organique, d’abord parce qu’en raison de l’incompréhension de nos proches, nous risquons de nous trouver seuls à affronter notre trouble, et surtout, parce que notre être moral étant mis en cause, nous sommes enclins à nous accuser nous-mêmes.

Le psalmiste Asaph envisage une telle épreuve lorsqu’il écrit : « Ma chair et mon cœur peuvent se consumer » (Ps. 73 : 26). Il comprend que le mal peut l’atteindre non seulement dans son être physique, mais aussi dans son « psychisme » et dans son cœur. Mais il sait que dans une telle épreuve, il sera soutenu par la foi. Dieu sera « toujours le rocher de son cœur et son partage ». « La piété est utile à tout, elle a les promesses de la vie à venir » (1 Tim. 4 : 8). Sans être guéri, un croyant qui souffre dans son âme trouve un appui auprès de Dieu, une force surnaturelle pour supporter une situation douloureuse. Comme le disait le pasteur Ruben Saillens, le Seigneur nous délivre toujours, quelquefois il nous délivre de l’épreuve et quelquefois il nous délivre dans l’épreuve. Bien plus, il y a quelque chose de très touchant dans le témoignage qu’un chrétien peut rendre lorsqu’il est criblé jusqu’aux dernières fibres de son être. J’ai goûté bien des heures édifiantes dans ma longue existence chrétienne ; mais parmi elles je donnerais peut-être le premier rang à celles que j’ai passées auprès de certains malades nerveux. C’était profondément touchant de voir des hommes et des femmes dont l’état psychologique était lamentable, qui étaient incapables d’accomplir leur travail, qui parfois avaient même perdu la joie de leur salut, et qui pourtant conservaient intact leur désir de plaire à Dieu. Au milieu du délabrement général de leur personnalité, ce ressort n’était pas brisé.

Job avait glorifié Dieu quand, au sein de la prospérité, il avait vécu dans la droiture et la justice. Mais lorsqu’atteint dans sa santé, dans sa famille et dans sa réputation, tout en « se déchirant dans sa fureur » (Job 18 : 4), il gardait invinciblement son espérance en l’Eternel, il apportait à la face du ciel, de la terre et de l’enfer un témoignage encore bien plus éloquent. Assurément ses nerfs flanchaient, mais son équilibre spirituel restait parfait. Quelle victoire à la gloire de Dieu !

Utilité de la confession

Qu’on me pardonne de le dire, j’ai parfois l’impression que les gens psychiquement dérangés sont assez nombreux dans les églises. Evidemment, je n’ai pas de statistique à ma disposition dans ce domaine, et il se peut que je me trompe. Mais si le fait est exact, cela ne vient assurément pas de la prédication de l’Evangile. Refoulements et obsessions ont une autre origine. Il se peut que, dans notre aversion bien protestante contre les abus du confessionnal, nous n’ayons pas assez souligné l’utilité de la confession à Dieu d’abord et aussi à des frères. Elle apporte un soulagement psychique indiscutable : « Tant que je me suis tu, mes os se consumaient, je gémissais toute la journée. Je t’ai fait connaître mon péché, je n’ai pas caché mon iniquité, j’ai dit : j’avouerai mes transgressions à l’Eternel. Et tu as effacé la peine de mon péché » (Ps. 2 : 3, 5). Ce n’est pas par hasard si, dans l’Épître de Jacques, la confession mutuelle des fautes est mise en rapport avec la guérison (Jacques 5 : 16).

Le nombre relativement élevé de croyants nerveusement plus ou moins désaxés provient probablement du fait que ces pauvres gens, souvent mal compris par leur entourage, trouvent un refuge dans les cercles chrétiens, plus compréhensifs, plus charitables et plus patients. Peut-être aussi qu’en raison du sentiment douloureux qu’ils ont de leur peine, ils sont plus ouverts à l’Evangile consolateur. Hélas, bien sûr, ils ne se montrent pas tous accessibles au message de la grâce, et, heureusement, le salut n’est pas refusé à ceux qui jouissent d’un parfait bon sens. Pourtant, comme c’est souvent dans la détresse qu’on invoque l’Eternel (Ps. 107 : 6, 13, 19, 28), et que la détresse nerveuse est l’une des plus lourdes à porter, nous ne devrions pas être surpris si ceux qui en sont atteints sont souvent mieux disposés pour l’appel du Sauveur.

La libération

La conversion ne les délivre pas nécessairement de leurs bizarreries ni de leurs complexes, mais en Jésus, ils trouvent la libération de la conscience, la paix du cœur et la victoire sur le péché. Le Seigneur peut sans doute les guérir aussi de leurs troubles psychiques, et il le fait souvent. Toutefois, même s’il n’intervient pas dans ce sens, il leur assure un soutien intérieur dans leur épreuve et leur permet de rendre, dans la situation qui est la leur, un témoignage qui l’honore. Tout en continuant à se montrer fragiles au point de vue nerveux, spirituellement ils sont en équilibre. C’est l’essentiel !

Que Dieu nous donne, dans les vicissitudes de notre existence terrestre, de vivre jour après jour dans cet équilibre que sa grâce nous accorde, en attendant la pleine félicité que nous aurons en partage dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre, où il n’y aura plus «ni cri, ni douleur » (Apoc. 21 : 4) !

Note de l'éditeur : 

Ichtus N°31 –Mars 1973 -Page 2 à 6

ÉQUILIBRE SPIRITUEL ET SANTÉ

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