J’étais sceptique quand j’ai commencé à entendre parler de la série « The Chosen ». Le bilan artistique des films et programmes de télévision bibliques est tout de même notoirement mauvais. Et pourtant, à ma grande surprise et à mon grand plaisir, la série – la toute première série de plusieurs saisons sur la vie du Christ – est en fait bonne. Plutôt bonne.
Réalisée par Dallas Jenkins, la série The Chosen a été financée, distribuée et produite (tournée au Texas) en dehors du système hollywoodien. En levant plus de 10 millions de dollars en « crowdfunding » auprès de plus de 16 000 investisseurs initiaux, la série est devenue le projet de télévision ou de film le plus financé par crowdfunding de l’histoire. La première saison de huit épisodes a débuté en ligne en 2019 via VidAngel, et au printemps 2020, tous les épisodes ont été publiés gratuitement sur YouTube dans le cadre d’un événement de livestream mondial brillamment programmé pendant la quarantaine COVID-19. La première saison est disponible dès aujourd’hui sur C8 en France. Et accessible gratuitement en anglais sur l’application The chosen App.
Le modèle de financement de l’émission et les contraintes liées au petit budget ne se traduisent pas par une qualité médiocre à laquelle nous sommes (malheureusement) habitués dans le domaine du divertissement évangélique. Au contraire, l’incapacité de la série à « faire les choses en grand » avec des décors et des effets spéciaux tape-à-l’œil signifie que l’échelle est nécessairement plus intime, plus restreinte, l’accent étant mis sur les bons personnages et la bonne narration. La série séduit le public du monde entier. Elle obtient une note moyenne de 9,6/10 sur IMDB [Internet Movie Database, base de données cinématographiques d’Internet créée en 1990, site visité par des millions d’usagers chaque mois] et un score moyen de 99 % sur RottenTomatoes [site internet critique et d’informations sur les films créé en 1998].
Qu’est-ce qui fonctionne si bien dans cette série ? Comment la série The Chosen évite-t-elle tant d’écueils qui rendent les efforts similaires dans le genre si dérisoires ? Voici quatre raisons pour lesquelles la série est une bouffée d’air frais pour les spectateurs qui recherchent des récits bibliques de meilleure qualité à l’écran.
Des personnages convaincants
Pour moi, la chose la plus décevante dans de nombreux films et séries bibliques est que les personnages sont tristement antipathiques : unidimensionnels, sous-développés, ennuyeux, sans complexité. Mais The Chosen est différent. Ici, les personnages sont plus que de simples pions au service du scénario. Ce sont des personnes avec des antécédents complexes, des singularités, des défauts et, imaginez un peu, de l’humanité. (De façon rafraîchissante, les acteurs ont également l’apparence de l’ethnie méditerranéenne et tentent de parler avec des accents appropriés). Bien qu’il y ait quelques exceptions (je trouve le méchant Quintus quelque peu caricatural), la plupart des personnages de The Chosensont intéressants et attachants. Il est fascinant de voir leurs vies se transformer au fil de la saison, de Simon-Pierre (Shahar Isaac) et les autres disciples à Nicodème (Erick Avari) et surtout Marie-Madeleine (Elizabeth Tabish), qui m’a ému aux larmes dans le deuxième épisode lorsqu’elle a raconté sa conversion à un Nicodème sceptique : « Voici ce que je peux te dire. J’étais d’une certaine façon, et maintenant je suis complètement différente. Et la chose qui s’est passée entre les deux… c’est lui. »
Une émotion réelle
Si les personnages de The Chosen sont fascinants, c’est en partie parce qu’ils incarnent de vraies émotions ; ce ne sont pas des personnages de flanelographe faites pour régurgiter les Écritures verset par verset. Ce sont des humains avec une personnalité spécifique. Dans la série, Simon-Pierre est un peu une tête de mule. Matthieu (Paras Patel) souffre de troubles autistiques. André (Noah James) est un mauvais danseur. Jésus (Jonathan Roumie) a un bon sens de l’humour. Les rires et les pleurs de ces personnages sont crédibles. Avec l’aide d’une équipe de consultants experts (dont Doug Huffman, spécialiste du Nouveau Testament), le spectacle est fidèle aux Écritures et prend soin d’éviter les erreurs théologiques ou historiques. Mais parfois, les adaptations bibliques à l’écran sont tellement soucieuses de plaire à tout le monde qu’elles paraissent sans vie. The Chosen comprend que pour incarner ces personnages, il faut spéculer sur le type de personnes qu’ils étaient, en esquissant les détails de leur vie d’une manière qui soit cohérente avec ce qui est dit d’eux dans les Écritures, mais qui va au-delà. Il s’agit toujours de la partie la plus controversée, mais nécessaire, de tout film ou de toute version télévisée de la Bible, en particulier en ce qui concerne Jésus, mais The Chosen réussit admirablement à trouver le juste milieu entre exactitude et intérêt pour le spectateur.
Centrée sur les rencontres individuelles avec le Christ
The Chosen m’a ému à de nombreuses reprises, car il m’a mis dans la peau de personnages qui rencontrent le Christ et qui doivent prendre une décision quant au sens de leur vie par rapport à la sienne. « Je suis rejetée par les autres », dit la Samaritaine fatiguée à Jésus au puits. « Je le sais », répond Jésus, « mais pas par le Messie ». Il est magnifique de voir son visage passer du désespoir à l’espoir. De même, il est fascinant de voir la posture et la vocation de Simon-Pierre se transformer lorsqu’il répond à l’appel « Suis-moi »du Christ. Il est angoissant de voir Nicodème se débattre avec le coût du dicipulat, alors qu’il envisage (comme Matthieu, le collecteur d’impôts) de quitter son statut et son confort pour suivre ce rabbin rebelle controversé. Il est émouvant de voir Jésus réconforter la femme de Simon, Eden (Lara Silva), qui sait que sa vie sera plus difficile à cause de la nouvelle vocation de « pêcheur d’hommes » de son mari : « Je te vois », lui dit Jésus, mais il le dit aussi à tous les spectateurs de la série.
Un style efficace
Souvent, les films et émissions de télévision bibliques souffrent de l’absence d’ esthétique ou d’une esthétique étrangement démodée ou trop rigide/formelle. Le style de The Chosen n’est pas révolutionnaire, mais il est contemporain et efficace. Voici quelques exemples de ce que la série fait de bien sur le plan esthétique :
Les flashbacks. Que ce soit lors de brèves incursions dans l’Ancien Testament pour montrer la continuité de la vie et de l’enseignement du Christ avec les Écritures hébraïques, ou en décrivant l’histoire de divers personnages, The Chosenutilise efficacement les flashbacks.
Caméra portée. S’inspirant de Friday Night Lights (parmi beaucoup d’autres séries), l’impression de légèreté et de proximité de la caméra donne un sentiment d’intimité et de réalisme aux scènes qui se jouent à l’écran.
Le silence. Il est fou de voir combien de fois les cinéastes chrétiens ne parviennent pas à tirer parti du calme et des scènes sans paroles, ignorant le conseil de base : « montrez, ne dites pas ». Fort heureusement, The Chosen ne tombe pas dans ce piège et utilise à la fois imagerie et action (sans aucun narrateur !) pour raconter l’histoire sans trop se reposer sur les mots.
Une marge de manœuvre narrative. Jenkins veut que The Chosen dure huit (!) saisons, la septième étant entièrement consacrée à la crucifixion et la huitième à ce qui se passe après. Cette approche permet de laisser de la place à la respiration narrative, ce qui donne toujours de meilleures oeuvres. Au lieu de faire passer des années de récit en deux heures, The Chosen peut consacrer un épisode entier à une ou deux courtes scènes de la Bible.
La structure par épisode. La structure épisodique de la série lui permet d’approfondir des thèmes et des motifs qui pourraient ne pas être présentés dans une narration plus comprimée, comme un épisode entier consacré aux Noces de Cana (épisode 6) ou un épisode qui décrit magnifiquement la dynamique de Jésus avec les enfants (épisode 3).
Un espoir pour les saisons à venir
The Chosen n’est pas une série parfaite, et il y a beaucoup de choses que l’on pourrait contester. Mais, en me basant sur la promesse de la première saison, je suis optimiste, sur le fait que la série ne pourra que s’améliorer.
En ces temps d’anxiété mondiale et de désespoir croissant, l’espoir offert par Jésus est grandement nécessaire. Si The Chosen contribue à nous rappeler cet espoir, ou à le faire découvrir pour la première fois à certains publics, c’est une raison suffisante pour applaudir son succès et le partager avec d’autres.