Elles s’alignent toutes les huit, au commencement du discours sur la montagne, ces phrases de Jésus dont le premier mot est toujours : « HEUREUX » !
Stupéfiantes car ceux qui sont ainsi dits « Heureux ! », ce sont les pauvres, les affligés, les affamés et les assoiffés, les persécutés !
Les béatitudes exprimeraient-elles un humour noir ?
Seraient-elles des moqueries ? Des paradoxes idéals plaqués sur la sombre réalité ?
Écoutons-les :
I. Heureux les mendiants quant à l’esprit, car le Royaume des cieux est leur !
Le Royaume des cieux n’est pas à ceux qui se croient riches, aux satisfaits qui jouissent de leur avoir et comptent sur leurs pouvoirs.
Deux paroles d’Esaïe viennent en mémoire:
« Ainsi parle le Très-Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint : j’habite dans les lieux élevés et dans la sainteté; mais je suis avec l’homme contrit et humilié » (Es 57:15).
« Voici sur qui je porterai mes regards : sur celui qui souffre et qui a l’esprit abattu, sur celui qui craint ma parole » (Es 66:2).
Une parole de Paul vient aussi en mémoire : « Ces choses qui étaient pour moi des avantages, je les ai regardées comme une perte, à cause du Christ. Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de I’excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, pour lequel j’ai renoncé à tout, et je les regarde comme des détritus afin de gagner Christ » (Ph 3:7-8).
L’homme que l’Esprit ouvre à l’Esprit, et qui cherche le Royaume et la Justice de Dieu d’abord, commence dès à présent à entrer dans la Joie de Dieu.
Le lundi 23 novembre 1654, Blaise Pascal écrit d’une main fébrile sur le petit parchemin plié qu’on découvrit peu après sa mort dans la doublure de son pourpoint :
« Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob,
Non des philosophes et des savants…
Le monde ne t’a pas connu, mais je t’ai connu.
Joie, joie, joie, pleurs de joie… »
La Vierge Marie, bénie entre les femmes, dit :
« Mon âme exalte le Seigneur, Et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur… Il a rassasié de biens les affamés, Et il a renvoyé les riches là vide… » (Luc 1:46, 47 et 53).
Le mendiant quant à l’Esprit, aux mains vides, tendues et suppliantes, celui qui attend tout de la Grâce, entre dans un mouvement de joie, entre dans la joie d’une présence qui se communique à lui jusqu’à l’embraser.
II. Heureux les affligés, car ils seront consolés
L’homme naturel pense plutôt : « Malheureux ceux qui pleurent ! »
C’est qu’il y a deux tristesses : la tristesse selon Dieu et la tristesse du monde.
Paul écrit : « La tristesse selon Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la tristesse du monde produit la mort. » (2 Cor. 7:10.)
L’homme naturel cherche d’abord, avec présomption, le bonheur, pour se trouver, tôt ou tard, acculé au désespoir.
L’affligé selon Dieu est celui que l’Esprit convainc de péché et il rencontre la joie.
Nul ne peut être « mendiant quant à l’Esprit » sans « pleurer ».
Rose de Lima disait que « les larmes sont à Dieu et que quiconque les verse sans songer à Lui, les Lui vole »,
Ernest Hello ajoutait : «Il y a des hommes sur la terre qui regardent les larmes comme indignes d’eux. Ils ne savent pas que ce sont eux qui sont indignes des larmes ».
« L’Esprit de Dieu est toujours porté sur les eaux », a écrit Léon Bloy.
Parce qu’il avait la vision de la mort et du péché, Jésus lui-même (le « sans péché » !) a pleuré au tombeau de Lazare comme Il a pleuré sur Jérusalem.
Ceux qui pleurent selon Dieu seront consolés, seront « paraclétés », dit Jésus. Le Fils-Paraclet et l’Esprit-Paraclet, le Fils-Consolateur et l’Esprit-Consolateur les soutiendront, les défendront, les consoleront, les vivifieront.
« Convertissez-vous à moi avec larmes, dit le Seigneur », (Joël 2:12).
Les larmes de la repentance et de la compassion accompagnent tout au long la vie du chrétien. Tout au long de sa vie le chrétien est consolé par le Fils et par l’Esprit du Père jusqu’au jour où il n’y aura plus de larmes. (Apoc, 7:17 et 21:4).
Note éditoriale : cet article est la première partie d’un texte du pasteur Pierre Courthial publié dans ICHTHUS, n°3, mai 1970, sous le titre “Réflexions sur les béatitudes”.