« Je suis l’Alpha et l’oméga. Le premier et le dernier, le commencement et la fin. »
Les réflexions qui suivent sont écrites à la suite d’une considération synoptique des premiers chapitres de la Genèse, d’une part, et de l’Apocalypse, d’autre part. Il s’agit ici de la suite de la réflexion entamée ICI
Création et jugements
Si certaines correspondances entre les premiers chapitres de la Genèse et l’Apocalypse sautent aux yeux immédiatement, d’autres sont plus subtiles, mais non moins significatives.
La troisième partie de l’Apocalypse : « Les sept trompettes » (ch. 8, 9, 10 et 11) nous révèle six jugements de Dieu au son des six premières trompettes, précédant le Jugement dernier au son de la septième trompette. Ces six jugements préparatoires et annonciateurs ont un singulier parallélisme avec les œuvres des six jours de la Création révélées dans la Genèse.
Ces œuvres des six jours ont été :
- le premier jour, la lumière ;
- le second jour, le firmament ;
- le troisième jour, la terre et la végétation, la mer et les eaux ;
- le quatrième jour, les luminaires ;
- le cinquième jour, les animaux marins ;
- le sixième jour, les animaux terrestres.
Toutes ces diverses œuvres, dans leur ensemble, manifestent à l’intelligence de l’homme « les perfections invisibles de Dieu, Sa puissance éternelle et Sa divinité » (Rom. 1 :20). Le péché inexplicable et inexcusable de l’homme, dans l’égarement de ses pensées et la chute de son cœur sans intelligence dans les ténèbres, est d’avoir changé la vérité de Dieu en mensonge et adoré et servi les œuvres créées de Dieu au lieu du Créateur, divinisant ainsi la créature et reniant le Dieu vivant (Romains 1 :21-25).
Aussi Dieu c’est ce que révèle l’Apocalypse va-t-il employer Ses œuvres créées pour Ses justes jugements. La lumière, œuvre du premier jour, et le firmament, œuvre du second jour, en raison de leur splendeur primordiale et intouchable, sont laissés de côté. Aussi, les œuvres du troisième jour vont-elles être utilisées pour les trois premiers jugements, l’œuvre du quatrième jour pour le quatrième jugement, l’œuvre du cinquième jour pour le cinquième jugement et l’œuvre du sixième jour pour le sixième jugement.
Ce qui donne :
- au son de la première trompette, la terre et la végétation sont ravagées par le feu ;
- au son de la deuxième trompette, la mer est changée en sang ;
- au son de la troisième trompette, les eaux deviennent amères ;
- au son de la quatrième trompette, les luminaires sont frappés d’obscurité ;
- au son de la cinquième trompette, des animaux montant de l’abîme, c’est-à-dire de la mer (cf. Daniel 7 : 2 et 11 ; Apoc. 13 :1 et ss. ; 17 : 8 ; 21 :1) attaquent les hommes ;
- au son de la sixième trompette, des animaux terrestres, à leur tour, s’en prennent aux hommes.
Il est à noter que ces jugements de Dieu au moyen de Ses œuvres créées sont cependant limités, circonscrits, afin que l’histoire humaine, l’édification et la mission de l’Église puissent se poursuivre entre les deux Venues du Christ, jusqu’au Jugement dernier. Le feu du premier jugement n’atteint symboliquement que le tiers de la terre et le tiers de la végétation. Cette mention d’un tiers est indiquée aussi pour les seconds, troisième et quatrième jugement. Pour le cinquième jugement (Apoc. 9 :4-5) et le sixième (avec l’indication d’un tiers encore ; Apoc. 9 :15 et 18) des bornes sont aussi établies.
Ces jugements de Dieu par Ses œuvres créées, révélés dans l’Apocalypse, éclairent d’autres textes bibliques l’Écriture est son propre interprète ! Notamment Genèse 3 :17 et ss. et Rom. 8 :19 et ss. Et réciproquement.
Il doit en être tenu compte dans toute pensée et tout exposé chrétien d’écologie. Qu’il s’agisse du péché des hommes ou des jugements de Dieu, le rapport est étroit entre l’homme et son environnement cosmique.
Par ailleurs, le caractère circonscrit des jugements de Dieu par Ses œuvres créées permet à l’Église et la presse d’obéir sans tarder tant à son mandat premier, d’ordre missionnaire, qu’à son mandat second, d’ordre culturel (cf. Apoc. 4 :11 ; 5 : 9-10 ; 6 :11 ; 7 : 3 et ss. ; 12 :17 ; 14 :1 et ss. ; 15 :2- 4 ; 20 : 6 ; 21 : 24 ; etc.…).
L’Évangile de la victoire
L’une des correspondances les plus significatives entre les premiers chapitres de la Genèse et l’Apocalypse est celle entre Genèse 3 :15 et Apocalypse 12. De Genèse 3 :15, Luther a dit : « Ce texte embrasse et contient en lui-même toutes les choses nobles et glorieuses qui se trouvent partout ailleurs dans l’Écriture ». Et les Pères de l’Église ancienne aimaient le désigner déjà comme le « Premier Évangile ».
Cette parole prophétique impressionnante, dite par le Seigneur au serpent et au Malin, devant le premier homme et la première femme après leur désobéissance et la chute, n’est rien moins, en effet, que la promesse-mère de toutes les promesses rédemptrices :
« Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta semence et sa semence ; celui-ci te meurtrira la tête et tu lui meurtriras le talon. »
Ces mots révèlent à la fois la « philanthropie » (l’amour pour l’homme) de Dieu, Sa souveraineté sur toutes créatures, y compris le Malin, et Sa victoire définitive à venir. Ils révèlent que le salut de l’homme est de Dieu : celui qui hait Dieu et l’homme sera vaincu ; sa tête, son pouvoir hostile seront écrasés. Derrière la créature animale qu’elle a utilisée, c’est la créature spirituelle mauvaise, plus réelle encore, qui est maudite.
Prophétiquement, le Premier Évangile annonce le Christ Jésus, la Parole éternelle faite chair (Jean 1 :14), le « Fils, né d’une femme » (Gai. 4 : 4), le « Prince du salut des Siens « (Hébr. 2:10), Celui qui dit: «Me voici, Moi et les enfants que Dieu m’a donnés » (Hébr. 2 :13) ; Celui dont le Nouveau Testament dit : « Ainsi donc, puisque les enfants participent au sang et à la chair, Il y a également participé Lui-même, afin que, par la mort, Il anéantît celui qui a la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable, et qu’il délivrât tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie retenus dans la servitude (Hébr. 2:14-15); Celui dont l’Ancien Testament dit : « Il a plu au Seigneur de Le briser par la souffrance… Après avoir livré Sa vie en sacrifice pour le péché, Il verra une postérité et prolongera Ses jours, et l’œuvre du Seigneur prospérera entre Ses mains. A cause du travail de Son âme, Il rassasiera Ses regards ; par Sa connaissance, Mon serviteur juste justifiera beaucoup d’hommes » (Esaïe 53 :10-11) ; Celui dont saint Paul contemple à l’avance la Venue en gloire quand il écrit : « Le Dieu de paix écrasera bientôt Satan sous vos pieds » (Rom. 16 :20).
Ainsi, tout à la fois, le Christ Jésus est la semence de la femme dont parle Genèse 3 :15, et Il a une semence : l’ensemble des Siens qui, tant sous l’ancienne que sous la nouvelle dispensation de l’Alliance de grâce rédemptrice, ont combattu, combattent et combattront, fidèlement, contre la semence du Serpent.
Apocalypse 12, ultime Révélation de Genèse 3 :15, décrit le combat victorieux du Christ et de Son Église contre le Dragon et ses servants dans les « derniers temps » (où nous sommes) de l’histoire, ces temps entre les deux Venues du Seigneur. Pour être en images, en symboles, cette description n’en est pas moins historique. Elle est celle de l’accomplissement « paroxysmique » de la promesse exprimée en Genèse 3 :15.
Après avoir en vain voulu détruire le Christ, « le grand Dragon, le Serpent ancien, appelé le diable et Satan » est « précipité », déjà vaincu, par Lui, et, « animé d’une grande colère, sachant qu’il a peu de temps », s’en prend rageusement à l’Église, à la Femme, à « ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus ».
Tout au long des siècles, mais particulièrement aux époques difficiles où elle est tentée de perdre cœur (c’était le cas lorsque saint Jean reçut les visions qu’il a mises par écrit par l’inspiration divine dans l’Apocalypse ; c’est, une fois encore, le cas en cette fin tourmentée du XXe siècle), l’Église a besoin d’être « consolée », soutenue, par l’Image resplendissante que Dieu a d’elle et veut qu’elle ait d’elle : l’image d’une Femme « revêtue du soleil, la lune sous les pieds, et une couronne de douze étoiles sur la tête « et cela en quelque sorte,
malgré elle, en dépit de la misère de ses membres, et par la puissance de la Grâce miséricordieuse. Lorsque l’Église est poursuivie et menacée par le Dragon qui veut la vaincre, elle doit savoir que le Christ Jésus, son Chef et Sauveur, est déjà vainqueur de l’Adversaire et qu’il lui donne « les deux ailes du grand aigle » pour échapper à l’Ennemi et la nourriture dont elle a besoin pour vivre et tenir tout le temps nécessaire jusqu’au terme de l’histoire, jusqu’au Premier et Huitième Jour du Seigneur (cf. Matt. 16 :18).
Les deux cités
L’Apocalypse nous parle de deux Cités : Babylone et Jérusalem, la Cité de l’Homme contre Dieu et la Cité de Dieu avec les hommes, la Cité de l’Homme qui se fait dieu et la Cité de Dieu qui S’est fait homme.
Le Livre de la fin, le Livre de l’Oméga, nous dévoile la ruine finale de Babylone «la grande » (Apoc. 14 :8 ; 16 :19 ; 17 :5 ; 18 :2 et 21) la « puissante » (Apoc. 18 :10) et la splendeur de la Jérusalem « nouvelle » (Apoc. 3 :12) et « sainte » (Apoc. 21 :10), « ayant la gloire de Dieu » (id.) et recevant « la gloire et l’honneur des nations » (Apoc. 21 :26).
Le Livre du commencement, le Livre de l’Alpha, nous révèle les origines, les racines de ces deux Cités : celles de Babylone en Babel (Gen. 11) et celles de Jérusalem en Salem (Gen. 14 :17 et ss.).
L’esprit mauvais de Babel et ses mauvais rêves n’ont jamais cessé de hanter les hommes après que Dieu fut intervenu pour que ceux-ci arrêtassent de la bâtir et fussent dispersés sur la face de toute la terre (Gen. 11 :6-9). Des « Babylones » diverses jalonnent la route de l’histoire, les hommes ayant toujours la présomption de passer par la Bab-el (la « porte divine ») de leur orgueil, pour tomber ensuite dans le désespoir, cette prétendue « porte divine » n’ouvrant que sur le néant. Babel n’existe plus ; mais son mythe demeure toujours.
Par contre, la nouvelle et sainte Jérusalem n’existe pas encore puisqu’elle ne sera que lorsque « les premières choses auront disparu » et que « la mort ne sera plus » (Apoc. 21 :1 et 4). Mais le Saint-Esprit n’a jamais cessé d’en susciter, d’en faire naître et vivre les « citoyens » (Phil. 3 :20).
De la Genèse à l’Apocalypse, le conflit entre l’esprit de Babel-Babylone et Celui de Salem-Jérusalem n’a cessé et ne cesse de se manifester et de se poursuivre, la Jérusalem historique (et l’Église visible qu’elle symbolise) étant tantôt tournée, hélas ! Fascinée par de faux espoirs vers Babylone, tantôt retournée par la grâce d’une vraie espérance, vers la vraie Jérusalem, celle d’en-Haut (Gen. 4 : 26).
Radicalement, Babel-Babylone est la Cité de l’Homme « autonome » qui se veut son propre roi, son propre dieu, qui entend « se faire un nom » (Gen. 11 :4).
Radicalement, Salem-Jérusalem est la Cité de « la paix » dont le mystérieux Melchisédech (le « roi de Justice ») est le prophète, le sacrificateur et le roi (Ps. 110 :4 ; Hébr. 5 :6 et 10 ; 6 :20 ; 7), la Cité des hommes « théonomes » qui bénissent le Dieu Très-Haut, Maître du ciel et de la terre (Gen. 14 :19- 20).
Finalement, Babel-Babylone, « qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité » (Apoc. 14 :8), « mère des abominations de la terre » (Apoc. 17 :5), « habitation de démons, repaire de tout esprit impur » (Apoc. 18 :2), est pour toujours jetée dans la mer, dans l’abîme (Apoc. 18 :21) « parce qu’on a trouvé chez elle le sang des prophètes et des saints et de tous ceux qui ont été égorgés sur la terre » (Apoc. 18 : 24).
Finalement, Salem-Jérusalem « descend du ciel » (Apoc. 21 :9), « éclairée par la gloire de Dieu et le flambeau de l’Agneau » (Apoc. 21 :23), peuplée par tous « ceux qui sont écrits dans le livre de vie de l’Agneau » (Apoc. 21 : 27).
Entre le temps initial de la Genèse et le temps final de l’Apocalypse, la Jérusalem historique, au croisement mystérieux des continents et des nations qu’habitent les hommes, est tantôt dominée par l’esprit mauvais de Babel-Babylone jusqu’à être occupée ou détruite pour un temps par celle-ci (cf., par exemple, dans l’Ancien Testament : les « Lamentations » ; dans le Nouveau Testament : Matth. 23 :37-39) tantôt dressée ou redressée par l’Esprit de la Jérusalem céleste (cf., par exemple, 2 Sam. 5 :6-10 ; Neh. 8 et 9 ; Ps. 48 et 132 ; Esaïe 36 et 37).
La question cruciale, pour l’Église historique, visible, et pour chaque homme, est celle de l’esprit et de la citoyenneté qui sont les leurs. Un même appel court tout au long de l’Écriture Sainte : « Sortez de Babylone, ô mon peuple ! » (Jér. 51 : 45 ; Actes 2 : 40 ; Apoc. 18 :4). Il nous est adressé par Celui qui dit :
« Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin » (Apoc. 22 :13).