Le problème n’est pas que la vision chrétienne classique sur les limites à poser dans les relations de fréquentation soit trop large, mais c’est qu’elle n’est pas assez ambitieuse. Les questions que nous posons sont d’ordre physique et quantitatif : « A combien de centimètres puis-je mettre ma main ? » « Combien de secondes puis-je la serrer dans mes bras (ou l’embrasser) ? » « Combien de minutes pouvons-nous passer ensemble sans personne autour ? » Les conseils qui s’ensuivent alors sont souvent simplistes.
Mais une vision véritablement chrétienne des limites dans les fréquentations ne se focalisera pas simplement sur la dimension physique (comme si les fréquentations n’étaient qu’une relation entre deux corps chrétiens). Elle fixera des limites qui reflètent la pleine personnalité de chacun en tenant compte de toutes les facettes qui constituent notre individu : personnel, émotionnel, moral et sexuel, pour ne citer que quelques-uns de ces nombreux aspects qui sont liés les uns aux autres.
Quatre types de limites dans les fréquentations
Voici donc quelques idées qui tiennent non seulement compte des limites physiques mais également de plusieurs aspects fondamentaux de la personne.
(1) Les limites personnelles
favorisent l’indépendance individuelle. Elles protègent la liberté d’action d’une personne, son espace, ses relations avec ses amis, sa famille et Dieu, ainsi que son environnement d’étude ou de travail, pour qu’ils demeurent siens, c’est-à-dire qu’ils ne soient pas envahis par leur partenaire de romance. Concrètement, les relations amoureuses devraient être proposées et souhaitées et ne devraient pas être l’objet de pressions ou de contraintes. Si l’on tombe dans une relation de dépendance ou de co-dépendance, on abandonne ce que Dieu a accordé par droit divin à chaque personne créée à son image (Matt. 7:12).
Dans un contexte romantique, il est anormal que qui que ce soit exerce une forme de contrôle que Dieu n’appelle aucun individu à céder à autrui (voir 2 Samuel 11:4, 27 ; 13:14 ; cf. Proverbes 25:28 ; Galates 5:22-23 ; 1 Timothée 1:7 ; 2:9). Si la liberté d’action de chaque personne est protégée par de bonnes limites, cela donne du sens et de la profondeur à l’intimité romantique. L’amour présuppose la liberté, et la liberté présuppose la sécurité relationnelle de pouvoir dire « non ».
(2) Les limites émotionnelles
favorisent la bonne santé d’une relation. Il y a plusieurs façons de vivre une forme de sagesse émotionnelle avec les sentiments. Nous pouvons simplement réduire ce que nous exprimons ; il vaut mieux ne pas toujours dire tout ce que nous ressentons. Nous ne sommes jamais redevables à quiconque de quelque émotion que ce soit ni d’atteindre un niveau dans le ressenti. Donner trop tôt tout votre cœur à quelqu’un d’autre est à la fois dangereux pour vous et injuste envers la personne en face.
Dans une relation, le respect du timing est aussi important que l’intégrité (Proverbes 15:23 ; 25:11). Si vous laissez du temps au temps par rapport à ce que vous vous autorisez à ressentir et la façon de l’exprimer, vous ne dévalorisez aucunement vos émotions ni ne les supprimez. Au contraire, un bon timing permet d’honorer le caractère sacré des émotions romantiques ainsi que leur objectif légitime (Cantique des Cantiques 8:4). Un mélange de sentiments romantiques et de bonne santé relationnelle, c’est le contexte que Dieu souhaite pour transformer deux personnes qui se fréquentent en un couple marié.
(3) Les limites spirituelles
favorisent la clarté. Vous pouvez protéger votre cœur en maintenant un espace personnel sur le plan spirituel, en cultivant une relation individuelle avec Dieu et avec l’Eglise qui ne dépende pas de votre partenaire de romance. Vous aurez alors à votre disposition toutes les ressources nécessaires pour prendre des décisions qui soient motivées par le désir d’honorer d’abord Dieu et non vous-même (Proverbes 1:5 ; Ephésiens 4:16). Vous n’avez pas besoin de prier ensemble tous les jours.
Vous n’êtes pas non plus obligés de changer d’Eglise ou de groupe de quartier. Avancez doucement et attendez de voir où vont les choses. Vous êtes chacun des individus uniques qui marchez avec Dieu et avec vos prochains, et dès lors que vous devenez moins que cela vous réduisez votre capacité à donner de l’amour de manière sécurisée et stable. (Commencez à vous inquiéter si les gens se mettent à vous donner des noms de couple sous forme de combinaison, comme « Brannifer » ou « Joronique »).
(4) Les limites sexuelles
favorisent l’indépendance, la santé et la clarté. Pourtant, on parle souvent de la pureté sexuelle d’une manière qui laisse penser que nous devons mettre nos cœurs dans une cage, pour ne les libérer que le jour du mariage. Quand je pense à ce que cette vision de la sexualité pourrait donner dans la vie d’un couple marié, ça me fait peur. A l’inverse, nous voulons chercher à cultiver une pureté sexuelle qui soit le reflet de l’amour holistique du Christ, et ce par amour pour lui (Psaume 33:21 ; Proverbes 4:23 ; 1 Pierre 1:22).
Raison-d’être des limites dans les fréquentations
Les limites répriment moins la romance qu’elles ne rendent possible le développement d’une intimité romantique saine. Elles sont moins là pour vous protéger que pour vous souder alors que vous grandissez dans l’intimité relationnelle.
Bien entendu, pour respecter des limites suffisamment complètes vous ne pouvez pas faire l’économie de listes ni de règles spécifiques. Rejeter le spécifique pour viser l’idéalisme, cela conduit à tomber tête la première dans l’impureté. Mais le problème avec la plupart des points de vue sur les limites est que la pureté devient elle-même vite perçue comme une liste de choses à faire ou ne pas faire plutôt que comme un mode de relation avec Christ, avec la communauté et avec un partenaire de romance. Les limites dans les fréquentations ne sont pas tant des prescriptions voulues par Dieu pour notre pureté morale, que la structure que Dieu met en place pour protéger notre dignité humaine.
Article source : Reframing Boundaries in Dating
Traduction : N. B.
