Quand je l’ai croisé dans les escaliers, Yvette* avait l’air sévère et froide. Cette femme d’un certain âge me faisait peur, mais j’ai quand même toqué à sa porte quelques semaines plus tard.
– Bonsoir, je suis votre nouvelle voisine ! Je voulais me présenter et vous offrir quelques cookies faits maison.
– Ah bon ? C’est gentil. Voulez-vous entrer et prendre un petit café ?
Finalement, elle fut la seule personne à m’inviter à franchir le seuil de son appartement.
Petit à petit, j’ai tissé une amitié avec Yvette. Elle sollicitait régulièrement mon aide informatique, et en échange, elle corrigeait toutes mes fautes de français, que je la veuille ou pas. Parfois, ses remarques piquaient.
– Regarde toute cette poussière ! Ne fais-tu jamais le ménage ?
– Tu as de plus en plus de cheveux blancs !
Yvette m’a fait part de ses joies et de ses peines. Son mari l’avait délaissée après quelques décennies de mariage. « On aurait pu terminer le chemin ensemble, » a-t-elle dit en poussant un grand soupir. Un jour, elle m’a avoué que sa façon de parler si sèchement n’était qu’une façade, mais je le savais déjà. Quand elle a appris qu’Élisabeth, sa fille unique, était enfin enceinte, elle est venue me l’annoncer tout de suite, très émue.
Nous avons étudié la Bible ensemble. J’ignorais si elle s’y intéressait vraiment, ou si elle aimait simplement passer du temps avec moi. De temps en temps, elle est venue au culte. Elle a même fait une profession de foi, mais je n’ai pas constaté un vrai changement dans sa vie.
Un jour, j’ai trouvé Yvette à ma porte toute tremblante comme une feuille.
– Entre ! Qu’est-ce qu’il y a ?
– Ils ont découvert une masse sur un de mes poumons. C’est peut-être un cancer.
– As-tu peur de mourir ?
– Oui !
Encore une fois, je l’ai exhortée à croire à la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Elle m’a écouté, mais sa peur était palpable. J’ai proposé de l’accompagner à la clinique pour les examens. Sa crainte s’est fait concrétiser quand le médecin lui a diagnostiqué un cancer du poumon. Elle a poursuivi un traitement à Orléans près de sa sœur. Quand je suis allée lui rendre visite, elle se portait très bien. Mais peu de temps après, j’ai reçu un texto de sa fille. « Je ne sais pas comment te le dire. Ma mère est morte ce matin d’un embolisme pulmonaire. » Ma tristesse fut très profonde. Mais l’histoire de mon amitié avec ma voisine n’était pas encore terminée : le Seigneur avait prévu encore un chapitre.
Les obsèques « laïques » d’Yvette ont eu lieu à Orléans. J’ai fait le voyage avec une chère sœur de mon église. Nous avons pleuré ensemble en entendant des cris déchirants d’Élisabeth, la fille d’Yvette. Quand nous étions en train d’entrer dans le crématorium, je me suis rendu compte qu’Élisabeth m’appelait.
– Aimerais-tu dire un mot pendant la cérémonie ?
Je ne m’y attendais pas du tout, mais j’ai vite accepté. Le début de la cérémonie s’est déroulé dans le plus grand désespoir. Personne n’a invoqué ni Dieu ni l’Évangile. Quoi dire à un tel moment ? J’ai envoyé une prière « flèche » au Père céleste avant de prendre la parole.
Brièvement, j’ai résumé mon amitié avec Yvette en mentionnant qu’elle avait accepté d’étudier la Bible avec moi. Puis, j’ai lu Jean 11.25 : « Jésus lui dit : je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
– Je ne sais pas si ma chère amie Yvette a cru cela ou pas. Mais si elle y a cru, j’ai l’assurance que je la reverrai un jour.
J’ai regagné ma place avec un cœur très reconnaissant à Dieu. Quel privilège d’apporter l’espérance de l’Évangile dans un contexte si enténébré !
Les voisines intimidantes de manquent pas : j’en ai rencontré d’autres depuis ! Comment aimer ceux qui nous repoussent par leur attitude ou leur propos ? La Parole de Dieu nous éclaire à ce sujet.
Craignez Dieu seul.
De qui avons-nous le plus peur : de notre voisine ou de l’Éternel des armées ? C’est notre crainte du Seigneur qui nous pousse à exercer notre ministère de réconciliation envers toutes nos voisines, quels que soient leurs tempéraments (2 Corinthiens 5.11, 20). Surtout, nous pouvons nous rappeler que nous ne sommes pas seules quand nous abordons quelqu’un d’intimidant : l’Esprit du Seigneur est en nous. « Ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné ; au contraire, son Esprit nous remplit de force, d’amour et de sagesse » (2 Timothée 1.7). L’apôtre Paul tremblait de peur parfois en annonçant l’Évangile, mais il a mis sa confiance dans la puissance de Dieu : « Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance » (1 Corinthiens 2.4). Selon Proverbes 29.25, la crainte des hommes tend un piège, mais celui qui se confie en l’Éternel est protégé. Quand nous nous préparons à sonner à la porte d’une dame intimidante, nous pouvons nous accrocher à cette vérité : « Si Dieu est pour nous, qui peut être contre nous ? » (Romains 8.31).
Croyez que Dieu peut la changer.
Qui était plus « intimidant » que Paul avant sa conversion, celui qui respirait la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur (Actes 9.1) ? Et pourtant, quand il a rencontré Jésus-Christ, cet homme fier a tremblé, saisi d’effroi (Actes 9.6). À Jérusalem, les disciples craignaient Saul, mais Barnabas l’a pris avec lui et l’a conduit vers les apôtres (Actes 9.27). Quelle que soit l’apparence de notre voisine, nous savons que Christ est mort pour elle, et qu’en lui, elle serait une nouvelle création (2 Corinthiens. 5.12-17).
Servez-la.
Avons-nous prié pour une occasion de la servir ? Des démonstrations pratiques d’amour peuvent fondre des cœurs glacés. Le Saint-Esprit a demandé à Ananias de servir Paul en lui imposant les mains (Actes 9.17-18). Il a également incité Philippe à aborder l’eunuque éthiopien dans son char et à lui proposer son aide pour comprendre le sens de la Parole. Ce même Esprit en nous sait parfaitement ce dont nos voisines ont besoin. C’est un privilège d’être un instrument entre ses mains (2 Timothée 2.21).
Jésus est avec nous quand nous toquons aux portes de nos voisines intimidantes. Il les aime et il veut les sauver de son jugement. Tout comme j’ai vécu dans mon amitié improbable avec Yvette, quand nous cherchons à aimer de telles personnes, Dieu peut faire bien au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer ou penser (Éphésiens 3.20-21).
*nom d’emprunt
Les articles de la série :
- Comment aimer votre voisine intimidante ?
- Comment aimer la voisine qui vous dérange ?
- Comment aimer la voisine qui porte une burqa ?
- Comment aimer la voisine qui te brise le cœur ?
L’auteure, membre de l’équipe de rédaction, est missionnaire en France depuis douze ans. Son désir c’est d’être un parfum de Christ pour ses voisins et voisines, même ceux qui sont les plus difficiles.