Quelques questions à Joël Favre à propos de son livre « Véganisme »
- Qu’est-ce que le véganisme ?
- Les personnages de la Bible étaient-ils végan ?
- Un chrétien peut-il être végan ? Est-ce une question secondaire ?
- Comment prêcher l’évangile aux défenseurs de la cause animale ?
- Comment pouvons-nous prier pour vous ?
Transcription
Transcription automatique, merci de vous référer à l’original avant toute citation
Mon nom c’est Joël Favre, je suis marié à Anne avec qui j’ai deux enfants, Rubens et Marielle, et je suis pasteur d’une Église réforme et baptiste à Grenoble.
Par ailleurs, j’enseigne aussi le cours d’éthique à l’Institut Biblique de Bruxelles.
Le véganisme, contrairement au végétarianisme, c’est plus que juste un régime alimentaire, c’est vraiment tout un mode de vie qui consiste à ne consommer vraiment aucun produit qui serait issu de l’exploitation animale.
Donc concrètement, se dire qu’un végane va exclure de tout produit de son alimentation, tout produit d’origine animale de son alimentation, donc la viande, le poisson, le lait, etc., mais aussi de son habillement, tout ce qui est fourrure, cuir, etc., et de quelque autre domaine que ce soit, donc même aussi dans les cosmétiques ou dans les loisirs, il va vraiment renoncer à tous les produits qui viennent de l’exploitation animale.
Donc s’ils ont pour point commun de ne pas manger de viande, les véganes ne doivent vraiment pas être confondus avec les végétariens qui suivent juste un régime alimentaire sans viande.
Être végane c’est beaucoup plus que ça, c’est un mode de vie, c’est un engagement militant même pour beaucoup, pour la cause animale, avec vraiment cette idée, ce credo qui est que l’homme n’a pas le droit d’exploiter les animaux.
Et c’est un credo qui souvent est l’expression d’une pensée antispéciste, j’en parle un peu dans le livre, donc ça va beaucoup beaucoup plus loin que le simple végétarianisme.
Ce que je montre dans le livre, c’est que certains théologiens affirment que tous les chrétiens devraient être véganes.
C’est une affirmation qui nous semble peut-être folle au premier abord, mais leur argument est tout à fait censé.
Je pense que leur argument est faux, je le montre dans le livre, mais il est censé.
En fait, ils reviennent à Adam et Ève en Genèse 1, Adam et Ève à qui Dieu donne un régime végane.
Vous vous rappelez peut-être qu’il dit à Adam et Ève qu’il leur donne toute herbe porteuse de semences et tout arbre fruitier à manger, donc un régime végane à l’origine.
Et à partir de là, ils disent qu’on est plus proche de l’intention première de Dieu en optant pour un mode de vie végane, que la consommation de viande n’est apparue qu’après la chute dans le péché et que ça ne peut pas être ce que Dieu veut pour nous réellement, et qu’au contraire, c’est l’ordre de la création tel qu’il est envisagé originellement par Dieu que les chrétiens devraient toujours chercher à reproduire, ce qui signifie en l’occurrence de ne pas manger de viande ni d’exploiter les animaux, mais d’adopter un mode de vie végane, comme Adam et Ève.
C’est ça l’idée.
Alors, ce que je montre dans le livre, c’est que cet argument ne tient pas.
Il suffit de prendre quelques exemples pour démontrer que non, les chrétiens ne doivent pas toujours chercher à reproduire l’intention première de Dieu.
Ce n’est pas aussi simple que ça.
Ça ne suffit pas de revenir à Genèse 1 et 2 pour savoir comment vivre aujourd’hui dans un monde déchu.
Mais au contraire, il faut tenir compte du progrès de l’histoire du salut et où on se trouve dans cette histoire.
Donc après, justement, si on suit un peu le développement, on voit qu’en Genèse 9, Jésus autorise les hommes à manger de la viande avec Noé, par exemple.
Et l’apôtre Paul dans le Nouveau Testament s’appuie sur ce passage en Genèse 9 pour dire que rien n’est à rejeter pourvu qu’on le prenne avec reconnaissance.
Aucun aliment n’est à rejeter pourvu qu’on le prenne avec reconnaissance.
C’est ce qu’il dit en Intimité 4.
Jésus aussi, qui avait d’ailleurs l’habitude de manger du poisson et peut-être même de la viande d’agneau lors des festivités de la Pâque.
Jésus affirme que tous les aliments sont purs en Marche à 8 recettes.
Et enfin, dans le Livre des Actes, Pierre vous rappelez à une vision qui lui révèle très clairement qu’aux yeux de Dieu, tous les animaux sont purs et peuvent donc être mangés.
Donc, si on tient compte pas juste de Genèse 1 et 2, mais de tout le développement de l’histoire du salut, Pierre, etc., on voit clairement que rien n’est à rejeter en matière d’alimentation pourvu qu’on le prenne avec un cœur reconnaissant.
La réponse courte à cette question, ce serait de dire oui, un chrétien peut être vegan.
Oui, mais.
Je dirais oui, mais.
Le passage clé sur ce sujet, c’est Romain 14.
Dans ce chapitre de l’Épître aux Romains, le chapitre 14, Paul raisonne une dispute, vous vous rappelez peut-être, qui est apparue dans cette Église entre deux groupes.
Il y a un premier groupe qui mangeait de la viande sans se poser de questions et un autre groupe qui, ayant des scrupules, préférait s’en abstenir et ne manger que des légumes.
Et Paul dit clairement que celui qui mange de tout ne doit pas mépriser celui qui ne mange pas de viande et que celui qui ne mange pas de viande ne doit pas juger celui qui mange de tout.
Donc, il semble dire qu’il y a vraiment une liberté ici.
On ne doit pas mépriser ou juger ceux qui font différemment de nous.
Et même si Paul lui-même, dans le passage Romain 14, estime clairement qu’un chrétien peut manger tout, il ne cherche pas vraiment à trancher la question.
Pourquoi ?
Parce que pour lui, cette question appartient au domaine de la liberté chrétienne.
C’est une adiaphora, comme on dit, c’est-à-dire une question d’opinion à propos de laquelle les chrétiens peuvent ne pas être d’accord.
Et donc, si on veut être très clair sur la question, le fait de manger au nom de la viande est un choix neutre d’un point de vue moral et chaque chrétien est libre d’agir selon sa conscience par rapport à ça.
Donc, oui, un chrétien peut choisir d’être végane, mais, j’ajouterais un mais, un chrétien qui opterait pour le véganisme devrait toutefois se méfier de l’idéologie qui sous-tend ce mouvement.
J’en parlais il y a un instant.
Le mode de vie végane est en général couplé avec une vision du monde antispéciste, c’est-à-dire une vision du monde qui ne fait pas de hiérarchie entre les espèces vivantes.
L’antispécisme, c’est cette idée que l’homme est un animal comme un autre et que rien ne justifie donc que l’espèce humaine ait une plus grande considération morale que les espèces animales.
Ce serait faire preuve de spécisme, une sorte de discrimination comme le racisme ou le sexisme.
Et le problème avec cette idéologie antispéciste, c’est qu’elle est si totale qu’il s’agit quasiment d’une sorte de croyance non religieuse, d’une sorte de religion de substitution.
Je développe ça dans le livre et c’est là le danger pour un chrétien.
Donc, oui, un chrétien peut opter pour un mode de vie végane, mais en étant conscient des idéologies qui sous-tendent le mouvement.
Il me semble que ce qu’il faut bien voir par rapport à ça, c’est que les véganes soulèvent des questions légitimes auxquelles nous, chrétiens, ferons bien de prêter attention, notamment la question du bien-être animal et de la protection de l’environnement.
Ce sont deux sujets sur lesquels on ne parle pas beaucoup en tant que chrétien, on n’a souvent pas vraiment d’avis sur la question.
Or, la Bible parle de ça et donc une approche pour partager l’évangile aux sympathisants de la cause animale, ça peut être déjà de montrer que le Dieu de la Bible se soucie des animaux et de la planète, que son amour s’étend à toutes ses œuvres, comme le dit le psaume 145, que son amour ne s’étend pas qu’aux êtres humains, mais il s’étend même aux animaux et à la nature.
Et la Bible a beaucoup de choses à dire sur ces sujets.
Donc ça, c’est quelque chose que je pense qu’on doit mettre en avant dans nos contacts avec des personnes véganes, par exemple.
Et puis, il nous faut leur montrer que le problème qu’ils identifient est trop profond pour qu’il se règle juste grâce au militantisme ou à un changement d’alimentation.
C’est ce qu’on voit clairement en Marc 7, où Jésus explique que, vous vous rappelez aux pharisiens religieux de son temps qui ajoutaient toutes sortes de règles alimentaires, qui s’imposaient toutes sortes de restrictions alimentaires, il leur dit « il n’est rien qui du dehors entre dans l’homme qui puisse le rendre impur, mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui le rend impur ».
Donc, ce que j’ai dit, c’est que le problème est beaucoup plus profond, que c’est du dedans, du cœur de l’être humain que viennent la violence, l’avidité, l’orgueil et tout ce qui en outre est source de souffrance et d’oppression dans le monde, notamment à l’égard des animaux.
Sans un changement de cœur, selon Jésus, que seul Dieu peut opérer, ce changement de cœur, notre situation est désespérée.
Et donc, je pense qu’on peut essayer de jouer sur ces deux tableaux, de montrer une vraie préoccupation de la part de Dieu pour les animaux, pour la nature, et en même temps montrer que ça ne va pas se résoudre juste par le militantisme, parce que le cœur du problème, c’est le péché en fait, et on a besoin que Dieu agisse dans notre cœur pour le transformer.
Vous pouvez prier dans le sens que ce livre puisse être acheté, qu’il puisse être lu et surtout qu’il serve à équiper l’Église.
Je pense qu’il aborde un sujet auquel on est régulièrement confronté avec des personnes de notre entourage.
Et même s’il n’a pas été écrit, ce livre, vraiment dirigé aux non-croyants, je l’ai écrit plutôt pour des chrétiens au sein de l’Église, mais je l’ai écrit aussi dans le but d’équiper les chrétiens à pouvoir répondre aux questions de leurs amis non-chrétiens et puis faire comme 1 Pierre 3.15 nous le dit, qu’ils puissent donner une raison de l’espérance qui est en eux, qu’ils puissent simplement exprimer leur foi et se servir de ce sujet-là, peut-être comme tremplin pour partager leur foi avec leurs amis non-chrétiens.
Et c’est pour ça que le dernier chapitre donne quelques outils, quelques idées justement de comment, à partir de ce sujet, aborder la question de l’Évangile.
A la prochaine !
Au revoir !
c’est super cool !
Matt Moury est diplômé de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine. Il a oeuvré pour une organisation étudiante missionnaire, Friends International, en Angleterre. Missionnaire soutenu par une Église anglicane évangélique, Christ Church Cambridge, il est pasteur de l’Église protestante baptiste d’Argenteuil.
Joël Favre est pasteur de l’Église Réformée Baptiste du Grésivaudan, située dans l’agglomération grenobloise. Il a étudié la théologie plusieurs années en Angleterre (au London Seminary) avant d’obtenir un master de recherche à la Faculté Jean Calvin en 2017. Joël est marié à Anne et papa de Rubens.