Nous réaliserons son utilité en soulignant tout d’abord notre pauvreté, à laquelle elle répond. Il est nécessaire que nous soyons dans de grands troubles et tourments de conscience alors que nous regardons qui nous sommes et examinons ce qui est en nous. Car aucun de nous ne peut trouver un seul grain de justice en soi ; au contraire, nous sommes tous pleins de péché et d’iniquité, à tel point qu’il n’y a pas besoin d’autre chose que de notre propre conscience pour nous accuser, ni d’autre juge pour nous condamner. Il s’ensuit que la colère de Dieu nous est destinée et que nul homme ne peut échapper à la mort éternelle. Si nous ne sommes pas endormis et hébétés, cette horrible pensée est un véritable enfer qui nous rattrape et nous tourmente perpétuellement. Car le jugement de Dieu ne peut nous venir en mémoire sans que nous ne voyions quelle condamnation en découle. Nous sommes donc déjà dans le gouffre de la mort, à moins que notre bon Dieu nous en retire. De plus, quelle espérance de résurrection pouvons-nous avoir en considérant notre chair, qui n’est que pourriture et vermine ? Ainsi, tant selon l’âme que selon le corps, nous sommes plus que misérables si nous demeurons en nous mêmes, et nous ne pouvons qu’avoir une grande tristesse et angoisse en sentant une telle misère. Mais le Père céleste, pour subvenir à cela, nous donne la cène, comme un miroir dans lequel nous contemplons notre Seigneur Jésus, crucifié pour abolir nos fautes et nos offenses, et ressuscité pour nous délivrer de la corruption et de la mort, nous rétablissant dans une immortalité céleste. Voilà donc la consolation toute particulière que nous recevons de la cène, car elle nous dirige et nous mène à la croix de Jésus-Christ et à sa résurrection, pour nous certifier que, quelle que soit l’iniquité qui nous habite, le Seigneur ne se lasse pas de nous reconnaître et de nous accepter comme justes ; quel que soit le principe de mort qui demeure en nous, il ne se lasse pas de nous vivifier ; quel que soit le malheur que nous subissons, il ne se lasse pas de nous remplir de toute joie.
Ainsi donc, pour résumer plus facilement ce qui en est, puisque, de nous-mêmes, nous manquons de tout bien et n’avons pas une seule goutte des choses qui doivent contribuer à notre salut, la cène témoignage du fait qu’étant participants de la mort et de la passion de Jésus-Christ, nous avons tout ce qui nous est utile et salutaire. Nous pouvons donc dire que le Seigneur nous y déploie tous les trésors de ses grâces spirituelles en nous faisant compagnons de tous les biens et richesses de notre Seigneur Jésus. Qu’on se souvienne donc que la cène nous est donnée comme un miroir, dans lequel nous pouvons contempler Jésus-Christ crucifié pour nous délivrer de la damnation, et ressuscité pour nous acquérir justice et vie éternelle. Il est bien vrai que cette même grâce nous est offerte par l’Évangile ; toutefois, puisqu’en la cène nous en obtenons une plus ample certitude et une pleine jouissance, c’est à juste titre que nous reconnaissons un tel fruit comme en découlant.
Petit traité sur la Cène Son institution, son utilité et ses bienfaits
Jean Calvin
Petit traité sur la Cène Son institution, son utilité et ses bienfaits
Jean Calvin
La doctrine du repas du Seigneur a occasionné de nombreuses discordes dans l’histoire de l’Église. Dans ce petit livre, paru en 1541, la même année que la première édition française de l’Institution de la religion chrétienne, Jean Calvin nous explique en quoi la cène est une grande source de bienfaits pour les croyants. Il présente les éléments d’un débat qui faisait rage à son époque, et nous enseigne sa position entourant cette pratique instituée par le Christ lui-même. Son objectif est de chercher l’unité en proposant une formule autour de laquelle tous pourront se réunir.