Je le confesse. Je pensais hier, toute la journée, à l’argent. En avoir assez me préoccupait. Je désirais payer toutes mes factures, mais aussi partir en vacances. Je doutais de pouvoir faire les deux. Pire encore j’ai tendance à aimer l’argent. Ai-je tort ? Mais il faut y penser quand même, n’est-ce pas ? Payer les factures, acheter la nourriture, ne pas dépenser plus que ce que mon compte en banque me permet—tout cela est nécessaire. Mon attitude envers l’argent est donc ambivalente. Cette ambiguïté ne doit pas me surprendre puisque l’Ecclésiaste s’en rendait compte bien avant moi (5.7-6.6).
Commençons avec les problèmes que nous pouvons rencontrer avec l’argent :
- Les autorités corrompues se l’accaparent (5.7-8).
« La justice et le droit sont bafoués » par le blanchiment d’argent sale et les pots de vin. - Nous pensons ne pas en avoir assez, parce que l’argent ne satisfait pas (5.9).
« Qui aime l’argent n’en aura jamais assez, et qui se complaît dans l’abondance ne sera jamais satisfait de ses revenus. »
« La possession des richesses ne fait qu’aiguiser l’appétit[1]. » - Si nous sommes riches, cela suscite des parasites qui veulent profiter de notre argent (5.10).
« Plus on possède de biens, plus se multiplient les profiteurs. » - L’argent engendre l’inquiétude (5.11).
« L’abondance du riche l’empêche de dormir. »
Plus nous possédons, plus nous craignons de perdre ce que nous avons acquis. - Notre argent a des ailes. Il va disparaître tôt ou tard (5.12-16).
Salomon le dit ailleurs que dans l’Ecclésiaste : « Ne t’épuise pas pour t’enrichir, refuse même d’y penser ! À peine as-tu fixé les regards sur la fortune que, déjà, elle s’est évanouie, car elle se fait des ailes et s’envole comme l’aigle en plein ciel » (Pr 23.4-5).- Nous faisons naufrage par nos achats excessifs ou lors de la perte de notre emploi. À cause d’une crise économique, notre épargne diminue ou disparaît. « Il arrive que les richesses conservées par un homme fassent son malheur. Qu’elles viennent se perdre à cause de quelque mauvaise affaire, il et il ne lui en reste rien lorsqu’il met un fils au monde » (5.12-13).
- L’homme n’emporte pas son argent dans la tombe.
L’homme « est sorti nu du sein de sa mère, et il partira comme il est venu, sans emporter dans ses mains une miette du fruit de son labeur » (5.14).
Cette liste impressionnante montre, et il faut insister, que ce sont des pièges et non pas des malédictions. L’argent n’est pas un mal en soi. Mais, « Attention ! ». Une autre raison pour laquelle l’argent n’est pas un mal inhérent, c’est que Dieu nous le donne. D’ailleurs, il nous donne la capacité de jouir de nos biens. « En effet, si Dieu donne à un homme des richesses et des biens, et s’il lui accorde la possibilité d’en profiter, d’en retirer sa part et de trouver de la joie au milieu de son labeur, c’est un don de Dieu » (5.18). L’Ecclésiaste serait d’accord avec le proverbe français : « L’argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue. » Heureux la personne qui se garde des pièges de l’argent et accepte, avec joie et reconnaissance envers Dieu, ses bénédictions. Sans ambivalence.
[1] Romerowski, Sylvain, Pour apprendre à vivre la vie telle qu’elle est : À l’écoute du Qohéleth (l’Ecclésiaste), Éditions de l’institut Biblique, Nogent sur Marne, 2009, p. 276.