« J’ai mes ragnagna », murmure Julie à sa collègue… Elle est gênée de lui parler ainsi de ses règles, mais il faut bien qu’elle explique pourquoi elle ne l’accompagnera pas à la salle de sport ce midi. Depuis ce matin, elle souffre de crampes. Et puis elle a mal dormi ces dernières nuits, la période prémenstruelle faisant rejaillir ses inquiétudes. Elle n’a vraiment pas la force d’aller faire du fitness. Chaque mois, c’est la même histoire. S’habituera-t-elle un jour à tous ces désagréments ?
Les règles occupent la vie d’une femme pendant quasiment un quart de l’année, mais avouons-le, elles sont loin d’être une période enthousiasmante. Comment glorifier Dieu dans ces moments-là ?
Cet article est le premier d’une série de trois sur ce thème peu abordé dans la littérature chrétienne actuelle.
PARVENIR À LA RECONNAISSANCE
« Quand j’ai eu mes règles pour la première fois, je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi douloureux et aussi abondant », raconte Samia[1].
Maux de ventre, inconfort, fatigue, changements d’humeur… les règles apportent toutes sortes d’inconvénients. Y a-t-il de quoi être reconnaissantes pour nos menstruations ? C’est la question dont nous allons parler maintenant.
Impure ?!
Commençons par regarder le texte biblique par excellence qui parle des règles : Lévitique 15.19-25. Ce texte s’inscrit dans une série de cas où les Israélites sont déclarés impurs. En voici un extrait :
La femme qui aura un écoulement de sang restera 7 jours dans la souillure de ses règles. Si quelqu’un la touche, il sera impur jusqu’au soir. (verset 19)
La femme qui aura un écoulement de sang pendant plusieurs jours en dehors de ses règles, ou dont les règles dureront plus que d’habitude, sera impure pendant toute la période de son écoulement, comme pendant ses règles. (verset 25)
À première vue, ce n’est pas vraiment un encouragement à la reconnaissance !
« La première fois que j’ai lu Lévitique 15, j’ai exprimé mon mécontentement à Dieu : les femmes n’ont pas choisi d’avoir leurs règles, pourquoi leur imposer en plus l’impureté ? » avoue Fabienne.
Les commentateurs ont tenté d’apporter diverses réponses à cette question épineuse. Mais avant de les lister, donnons quelques précisions sur la notion d’impureté.
L’impureté dans le livre du Lévitique
L’impureté n’était pas synonyme de « faute morale ». C’était un état interdisant aux Israélites de s’approcher de Dieu, donc de se rendre au tabernacle et plus tard au temple. Elle avait pour but de faire comprendre que l’imperfection sépare les humains du Dieu saint. Quand on regarde l’ensemble des cas possibles d’impureté, l’impureté semblait la norme et la pureté l’exception[2]. Et cela ne concernait pas que les femmes : on trouve aussi plusieurs causes d’impureté pour les hommes. D’ailleurs, on peut penser que le mari était souvent impur en même temps que son épouse menstruée puisque quiconque touchait son lit ou son siège devenait lui-même impur.
Cela étant dit, pourquoi la femme devrait-elle être impure pendant ses règles ? Voici quelques tentatives d’explication :
- Certains commentateurs relèvent un point commun entre les différentes impuretés décrites dans Lévitique 15 : la perte d’un liquide porteur de vie, que ce soit le sperme (versets 2-18) ou le sang (versets 19-31). Lévitique 17.11 souligne le lien entre le sang et la vie :
Car le sang, c’est la vie de toute créature. Et moi, je vous l’ai donné afin qu’il serve à accomplir sur l’autel le rite d’expiation pour votre vie. En effet c’est parce qu’il représente la vie que le sang sert d’expiation.
Tout corps portant une « trace de mort » (une perte de sperme ou de sang) se trouve donc impur pour se présenter devant le Dieu très saint.
- Pour d’autres commentateurs, les états d’impureté décrits au chapitre 15 concernent tous des liquides qui viennent de l’intérieur de l’être humain. Cela montrerait ainsi que ce qui vient de l’intérieur, du cœur, est impur, comme Jésus le souligne dans Marc 7.20-22 :
C’est ce qui sort de l’homme qui le rend impur. En effet, c’est de l’intérieur, c’est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l’immoralité sexuelle, les meurtres […]
- D’autres encore notent que les cas d’impuretés de Lévitique 15 sont tous liés à la sexualité. Ils permettraient d’établir une séparation entre le domaine sexuel et le domaine sacré. Cela marquerait ainsi une nette différence avec les autres peuples pratiquant la prostitution sacrée.
Personnellement, la première interprétation est celle qui me convainc le plus. Elle permet en effet de comprendre d’autres cas d’impureté : l’homme qui a touché un cadavre est impur parce qu’il a été en contact avec la mort, le lépreux est impur parce qu’il porte une « trace de mort » évidente sur sa peau.
Quelle que soit l’interprétation adoptée, il est intéressant d’observer que les commentateurs partent d’un postulat : Dieu avait une raison valable pour que la femme soit impure pendant ses règles. Nous avons donc le choix : partir du présupposé que Dieu en veut aux femmes, ou considérer que Dieu est infiniment bon. Le reste de la Bible tranche clairement en faveur de la deuxième option.
Une occasion de méditer
Au final, l’impureté pendant les règles était l’occasion pour les femmes israélites de méditer. Peut-être sur la beauté d’un Dieu parfait venu habiter au milieu d’un peuple impur. Peut-être sur la valeur de la vie aux yeux de Dieu. Peut-être sur la bonté d’un Dieu qui pardonne grâce au sang versé lors des sacrifices.
Quelles sont les choses sur lesquelles nous pourrions nous aussi méditer pendant ces périodes ?
Voici quelques pistes :
- Aujourd’hui, les règles ne nous rendent plus impures. Jésus est venu mettre un terme aux états d’impureté rituelle. On le voit déjà pendant sa vie sur terre : il permet à une femme atteinte de pertes de sang depuis des années de le toucher (ce qui aurait dû le rendre lui-même impur) pour être guérie. Il dit à un lépreux qu’il veut le rendre pur (Marc 1.40-45).
Mais on le voit surtout après sa mort et sa résurrection. 1 Pierre 3.18 nous dit :
Christ lui-même a souffert la mort pour les péchés, une fois pour toutes. Lui l’innocent, il est mort pour des coupables, afin de vous conduire à Dieu. […]
Grâce à Jésus qui nous rend pures, nous avons un abonnement illimité pour nous approcher de Dieu.
- « Le sang c’est la vie » nous dit Lévitique 17.11. La perte de sang est l’occasion de nous souvenir de la valeur de la vie aux yeux de Dieu et du plan qu’il a mis en place pour nous éviter la mort éternelle.
- « Même si je n’ai pas d’enfant, les règles me rendent reconnaissante pour le don des enfants à l’humanité et le fait que la femme a ce privilège énorme de les porter » explique Clémence.
La femme a reçu pour nom « Vie » (signification du prénom « Ève »). Pouvoir donner la vie est un des plus beaux cadeaux de Dieu et c’est la femme qui l’a reçu !
Tout en disant cela, n’oublions pas les femmes pour qui les règles sont justement le signe douloureux qu’elles ne sont pas enceintes. Samia témoigne de ce qu’elle a vécu dans une telle situation : « au moment où je voulais tomber enceinte, c’est là où c’était difficile d’avoir mes règles. J’en voulais à Dieu, puis petit à petit j’ai compris qu’avoir un enfant était une grâce et non pas un dû. » Si nous connaissons des femmes qui souffrent à cause d’un désir d’enfant, cela peut être une occasion de prier pour elles.
- Les cycles, manifestes lors des règles, sont un signe de la bonté et de la fidélité de Dieu envers nous. En Genèse 8.21-22, voici ce que Dieu dit dans sa promesse à Noé :
Je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, car l’orientation du cœur de l’homme est mauvaise dès sa jeunesse, et je ne frapperai plus tous les êtres vivants comme je l’ai fait. Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas.
Une question demeure : les règles sont-elles une conséquence du péché ? Je ne saurais dire, tout comme je ne sais pas si Adam avait déjà un nombril ! En revanche, il est clair que la douleur des règles est le résultat de la rébellion de l’homme envers Dieu, comme toute autre souffrance. Les menstruations nous rappellent donc aussi nos faiblesses et notre besoin de Dieu. C’est le sujet qui sera abordé dans le prochain article.
Marie-Aude B.
[1] Tous les prénoms utilisés sont des pseudonymes, mais les témoignages sont bien réels.
[2] Note de la Bible d’étude Semeur 2000, p. 168.