L’histoire de « Par ta grâce infinie »
« Par ta grâce infinie » est une tentative de traduire en un chant ce que la tradition à laquelle je me rattache appelle les « doctrines de la grâce » c’est-à-dire une compréhension du salut habituellement associée à Jean Calvin. Il s’agit de la conviction que notre salut n’a pas été seulement accompli par grâce au travers de l’œuvre du Fils, mais qu’il s’applique aussi à nos cœurs par grâce, au moyen de l’œuvre du Saint-Esprit. Livrés à nous-mêmes, nous sommes totalement impuissants. Même lorsque l’Évangile nous offre le don de la vie, nous choisissons de rejeter Dieu parce que nous ne voulons pas admettre notre besoin ni lui soumettre notre vie. Mais Dieu, dans sa grâce, envoie le Saint-Esprit pour nous donner la nouvelle naissance. L’Esprit ouvre nos yeux aveugles et donne la vie à nos cœurs qui étaient morts. En conséquence, nous répondons à l’Évangile par la foi. Pourquoi l’Esprit Saint donne-t-il la nouvelle naissance à certains et pas à d’autres ? Parce que, par amour, Dieu le Père a choisi un peuple pour son Fils avant la fondation du monde et parce que le Fils a acheté leur salut à la croix.
Bien que ce soit le nom de Calvin qui est habituellement associé avec ces convictions, il s’agit en fait d’une bizarrerie de l’histoire. Ces vérités n’ont certainement pas été « inventées » par Calvin. En fait, elles remontent aux Pères de l’Église, à l’apôtre Paul et à Jésus lui-même. Le nom de Calvin y est attaché uniquement parce que c’est en réponse à Calvin que la principale position alternative a été formulée par le théologien néerlandais Jacob Arminius, environ une génération après Calvin. Arminius soutenait que Dieu élit ceux dont il prévoit qu’ils auront la foi en Christ, de sorte que notre choix précède celui de Dieu. Les théologiens réformés ont répondu aux affirmations d’Arminius par les Canons de Dort en 1618-1619. Au 20e siècle, leurs affirmations ont été présentées en anglais par l’acronyme « TULIP » [anglais] : (1) la dépravation totale ; (2) l’élection inconditionnelle ; (3) l’expiation limitée ; (4) la grâce irrésistible ; et (5) la persévérance des saints.
Du fait des débats qui existent entre les calvinistes et les arminiens, ces questions sont souvent présentées en termes de polémique et c’est parfois une nécessité. Mais on court le risque de passer à côté des profondes implications pastorales et missionnaires de ces vérités. Après avoir affirmé les doctrines de la grâce, les Trente-neuf Articles de l’Église Anglicane disent : « La considération pieuse de la prédestination et de notre élection en Christ est pleine d’un réconfort doux, agréable et indicible pour les personnes pieuses … elle enflamme ardemment leur amour envers Dieu. » J’ai voulu saisir quelque chose de cela dans « Par ta grâce infinie ».
Chaque strophe formule l’un des cinq points du calvinisme tels qu’ils sont présentés au moyen de l’acronyme mnémotechnique TULIP. La strophe un parle de notre dépravation totale sans l’intervention de Dieu. La strophe deux célèbre l’élection inconditionnelle que Dieu a faite. La strophe trois parle de l’expiation limitée, c’est-à-dire comment Christ a accompli le salut effectif de son peuple plutôt que de simplement créer la possibilité du salut. La strophe quatre parle de la façon dont l’Esprit se sert de l’Évangile pour nous attirer à Christ au moyen de la grâce irrésistible. Enfin la strophe cinq affirme notre confiance dans la persévérance des saints. Chaque strophe a pour but de présenter ces vérités, non sous une forme polémique, mais sous la forme d’une doxologie. Le refrain souligne la nature éternelle de la grâce de Dieu : nous avons été choisis dans l’éternité passée pour l’éternité future. Parce que notre salut repose sur l’amour électif du Père, l’œuvre achevée du Fils et la présence puissante de l’Esprit, nous pouvons être sûrs que notre salut est définitif.
Je suis membre de la faculté de Crosslands Training. Nous préparons des hommes et des femmes de toute l’Europe au ministère de l’Évangile en leur permettant de se former dans leur contexte propre. Chaque année, nous organisons trois stages où tous nos étudiants se retrouvent. L’un de nos étudiants, Ben Slee, est un leader de louange reconnu et un auteur de chants confirmé. J’ai donc pensé qu’il serait amusant d’écrire des paroles reprenant les thèmes que j’enseignerais lors d’un stage, puis d’envoyer ces paroles à Ben pour qu’il écrive une mélodie. De cette façon, nous aurions un chant écrit spécialement pour accompagner l’enseignement dispensé lors du stage. « Par ta grâce infinie » est notre première collaboration de ce type. Nous l’avons chanté pour la première fois en janvier 2022 lors d’un stage Crosslands à Newcastle, en Angleterre, alors que nous examinions ensemble les doctrines de la grâce