Dans un monde traversé par de multiples crises (sanitaire, économique, écologique, politique), l’avenir semble incertain. D’après un sondage Ipsos, le peuple français fait partie des plus pessimistes du monde[1] ! Les chrétiens, en revanche, possèdent toutefois une espérance unique et merveilleuse : celle du retour de Jésus-Christ, de la résurrection des corps, et des nouveaux cieux et de la nouvelle terre où la justice habitera. Cette perspective réjouissante devrait certainement exercer une influence majeure sur la conduite de notre vie au quotidien. Un conducteur en chemin vers une destination lointaine ne perdra jamais de vue le point d’arrivé de son GPS, sous peine de se perdre.
Comment l’espérance chrétienne devraient-elle donc informer notre mode de vie ? Le Nouveau Testament nous donne plusieurs pistes, voici donc les mots de l’espérance …
Anticipation
Pour les chrétiens, ce manque d’espérance du monde déchu n’est pas étonnant, Paul rappelle aux Ephésiens qu’avant d’avoir adhéré à l’Évangile, ils étaient « sans Messie, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. » (Eph 2.12). C’est d’abord une transformation de leur mentalité et un changement de perspective qui s’opère pour ceux qui reçoivent l’Évangile. Les chrétiens se distinguent des non chrétiens du fait de leur espérance, ce qui leur permet d’envisager l’avenir autrement, en recherche de l’équilibre … Sans illusion sur la nature humaine et sa capacité à résoudre les problèmes mondiaux. Sans pessimisme sur l’avenir de la planète car les promesses de Dieu sont irrévocables.
De plus, les chrétiens n’ont pas à craindre la colère de Dieu car Dieu les garde pour l’héritage promis (1 Pi 1.4-5). Cet héritage les motive à persévérer dans leur espérance tout en sachant que des périodes de trouble les attendent malgré tout. Cette perspective eschatologique permet aux croyants d’aborder la souffrance et les persécutions autrement. Paul « estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous » (Rm 8.18). De son côté, Jésus enseigne à ne pas craindre les persécuteurs humains mais Dieu : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez bien plutôt celui qui peut faire périr âme et corps dans la géhenne » (Mt 18.28). Dans la pensée du Nouveau Testament, l’union avec Christ implique la souffrance dans cet âge et la gloire dans le prochain, Paul décrit les chrétiens comme des « enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire » (Rm 8.17). Cette pensée peut apporter réconfort et soulagement aux croyants passant par des moments difficiles (maladie, persécution, deuil, dépression). Mais, au-delà de la pensée différente, comment les chrétiens doivent-ils vivre concrètement dans la perspective eschatologique ?
Sanctification
Dans les Évangiles, Jésus utilise souvent la métaphore de la veille comme l’attitude convenable des disciples attendant son retour. Par exemple, la parabole des dix vierges se termine par ces mots : « Veillez donc, puisque vous ne connaissez ni le jour, ni l’heure » (Mt 25.13). Mais que signifie veiller ? Tout d’abord, la veille s’oppose au sommeil. Dans la pensée de Jésus, dormir signifie oublier son espérance en se conformant au monde présent. Ensuite, veiller ne revient pas à tenter de scruter d’hypothétiques signes du retour de Christ. En d’autres termes, les chrétiens ne sont pas appelés à se perdre en conjectures, à échafauder des scénarios ou à céder aux théories du complot derrière chaque événement. Ils devraient plutôt se préparer à la venue du Maître (Lc 12.39). Les disciples attendent donc patiemment leur maitre en mettant en pratique ses enseignements par l’Esprit. Justement, beaucoup d’exhortations éthiques des épîtres néotestamentaires prennent racine dans la perspective eschatologique. La sanctification est motivée par la venue prochaine et soudaine du Christ et son juste jugement. Dans 1 Thessaloniciens 4 et 5, Paul donne des éléments doctrinaux aux chrétiens pour qu’ils s’encouragent dans leur espérance (1 Th 4.18), qu’ils veillent sobrement (1 Th 5.6), et construisent ensemble sans querelles (1 Th 5.11).
En Romains 12, les croyants sont incités à refuser la logique de la vengeance puisque c’est Dieu lui-même qui jugera et condamnera (Rm 12.18-21). Au chapitre suivant, Paul encourage ses frères à se réveiller en vue du salut eschatologique, c’est-à-dire à rejeter les vices et à adopter les vertus considérant que le « jour » est proche (Rm 13.11-14). Par la suite, il appelle les membres de la communauté au respect mutuel sans jugement ni mépris puisque « chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même » (Rm 14.12). Dans la même idée, si 1 Corinthiens 15 constitue le grand chapitre sur la résurrection, on oublie trop souvent qu’il se conclut dans une perspective éthique : « ainsi donc, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, progressez toujours dans l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail, dans le Seigneur, n’est pas inutile » (1 Co 15.58). Selon Paul, l’espérance de la résurrection des corps est un facteur d’encouragement dans l’œuvre chrétienne. Le dur labeur des croyants n’est pas vain mais prend tout son sens dans la perspective éternelle. Toutefois, la sanctification à l’intérieur ne va pas sans la mission à l’extérieur …
Mission
Le dernier commandement de Jésus avant son ascension est on ne peut plus clair : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28.19-20). Le temps de l’Église est donc celui de l’évangélisation en vue de la moisson eschatologique : les disciples sont envoyés dans la puissance de l’Esprit pour annoncer le Christ et son règne avant son retour prochain (Ac 1.8-11). Dans son discours aux Athéniens, Paul résume : « Dieu, sans tenir compte de ces temps d’ignorance, annonce maintenant aux hommes que tous et partout ont à se convertir. Il a en effet fixé un jour où il doit juger le monde avec justice par l’homme qu’il a désigné, comme il en a donné la garantie à tous en le ressuscitant d’entre les morts » (Ac 17.30-31). La mission principale des chrétiens consiste donc à annoncer l’Évangile à toute la création en formant une communauté de disciples sur terre. Cette annonce peut prendre diverses formes. Christopher Wright relève admirablement que « l’Évangile est une bonne nouvelle qui doit être entendue et vue. Elle a besoin de mots et d’œuvres. Du message et des preuves[2] ».
Quelles preuves, quelles œuvres sont concernées ? En plus de l’évangélisation par la Parole, les enfants de Dieu peuvent également témoigner de leur espérance en s’engageant par exemple pour la réconciliation mutuelle. Dans une société brisée par les conflits et sclérosée par l’individualisme, les chrétiens sont donc appelés à vivre le pardon comme un signe de leur espérance. En d’autres termes, le pardon visible des croyants témoigne du pardon invisible du Dieu qu’ils servent … Pardon qui sera manifesté lors du retour de Jésus-Christ et du jugement dernier !
Des mots … à vivre !
Dans l’attente du Messie, les chrétiens sont appelés à anticiper le royaume en transformant leur mode de pensée, mais aussi à se sanctifier en se conformant aux valeurs du Christ. De plus, ils sont envoyés dans le monde en mission afin d’annoncer l’Évangile en posant des signes d’espérance. Avec le théologien singapourien Roland Chia les croyants en Jésus-Christ peuvent confesser que « l’Église n’est assurément pas de ce monde, elle est pourtant appelée à être dans le monde et à apprécier le monde à la lumière de son avenir. Cette vocation n’est pas une option, mais celle de chaque disciple de Jésus-Christ [3]».