La nouveauté a chassé de nos prières le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos de la région du Haut-Karabagh. Pas tout à fait peut-être. Certaines Églises continuent de nous exhorter à la prière, et avec raison. Ce conflit se poursuit depuis le début des années 1990, mais les affrontement des dernières semaines sont le premier renouvellement majeur du conflit depuis la guerre du Haut-Karabagh entre 1988 et 1994.
Plus de trente ans de conflit ! C’est cela que représentent ces nouveaux affrontements. La guerre entre deux pays fait partie des conflits ethniques majeurs résultant de l’effondrement du bloc soviétique. Les tensions n’ont cessé de grandir entre les deux communautés religieuses : l’Arménie à majorité chrétienne (95%) et l’Azerbaïdjan à majorité musulmane (94%). Avec deux pays au paysage religieux aussi « tranché », le conflit ne peut que mêler passé politique, tensions ethniques, et oppositions religieuses. Ajoutons à cela le soutien ambiguë de la Russie aux deux états (selon les moments) et celui beaucoup plus explicite de la Turquie. Tout cela donne à ce conflit une importance qui doit le faire rester dans nos prières.
Prions pour la paix
Les Églises de France n’ont pas hésité longtemps avant d’appeler à la prière[1]. Des réunions de prière consacrées à ce conflit se sont organisées dans plusieurs villes de France. Ainsi le pape François a de son côté appelé à la paix entre les deux pays : « Des nouvelles inquiétantes font état d’affrontements dans la région du Caucase, avait déclaré le pontife. Je prie pour la paix dans le Caucase et j’appelle les parties en conflit à faire des gestes concrets de bonne volonté et de fraternité qui peuvent conduire à la résolution des problèmes, non pas par l’utilisation de la force et des armes, mais par le dialogue et la négociation. »[2]
De son côté, une déclaration signée entre autre par l’Union des Églises évangéliques arméniennes nous rappelle ceci : « Comme nous l’enseigne la Sainte Bible, nous appelons toutes les parties impliquées dans le conflit à retourner à la table des négociations pour la paix dans la région et à suspendre toutes les activités militaires qui ne servent qu’à tuer et nuire aux vies innocentes des deux côtés et ne causer que la destruction et la mort. »[3]
L’appel à la paix est une réalité déterminante de la vie chrétienne.
L’appel à la paix est une réalité déterminante de la vie chrétienne. L’apôtre Paul écrira ainsi aux chrétiens de Rome : « S’il est possible, pour autant que cela dépende de vous, soyez en paix avec tous. » (Romains 12.18) L’auteur aux Hébreux exhortera d’une manière similaire : « Poursuivez la paix avec tous, ainsi que la consécration sans laquelle personne ne verra le Seigneur. » (éreux 12.14) Promouvoir la paix dans les zones de conflit, prier avec persévérance pour la cessation des violences, est une dimension active et concrète de notre foi.
Prions pour la justice
Lors d’une visite dans une Église protestante, le pasteur a appelé à une veillée de prière commune avec les autres Églises chrétiennes, notamment catholiques et orthodoxes. Une petite mention, faite « en passant », a retenu mon attention : « L’intention de cette réunion de prière n’est pas de prendre parti, mais de prier pour la paix. » Je comprends bien l’objectif : prier pour la paix. D’abord et surtout, prier pour que le conflit s’arrête.
Mais dans un deuxième temps, cela m’a fait réfléchir. Est-ce que nous pouvons vraiment n’en rester qu’à un appel à la paix ? N’y a-t-il pas autre chose aussi important pour lequel nous devrions prier ? Ne devrions-nous pas aussi prier pour que la justice soit affirmée, entendue, et exercée ? Certainement, car il ne peut pas y avoir de paix sans une saine dose de justice. D’ailleurs c’est précisément l’une des grandes leçons de notre foi : la justice conduit à la paix, de laquelle découle une vraie réconciliation.
L’appel à la justice est nécessaire. Bien sûr ceci est plus compliqué que l’appel à la paix : cette dernière nous laisse parfois neutre face à des injustices. Elle est parfois même facile, car nous n’avons pas à nous « mouiller ». Malheureusement dans un monde marqué par le péché, l’appel à la paix passe nécessairement par celui, plus coûteux peut-être, de la justice. Cette dernière peut même nous faire prendre parti. Attention cependant ! Notre prière pour la justice n’implique pas nécessairement le « parti pris ». Notre désir de justice n’est pas vengeance, mais désir de voir rendre à chacun ce qui est à lui. Dieu lui-même n’appelle pas qu’à la paix, mais aussi à la justice et, dans la vision finale du royaume, à la réconciliation.
La prière, signe d’engagement chrétien
Nos appels publics à la prière sont aussi un signe de la présence vivante de la foi en un Dieu vivant.
La prière pour la justice et pour la paix est signe d’engagement chrétien dans un monde fracturé par le péché. Nos appels publics à la prière sont aussi un signe de la présence vivante de la foi en un Dieu vivant. Ces exhortations à la prière ne sont pas optionnelles pour celui qui croit en un Dieu de paix et de justice. Bien sûr, si la justice conduit à la paix, cette dernière est-elle possible ? Il n’y a pas de réponse à cette question. Peut-être qu’un premier pas est de prier pour l’arrêt du conflit… une moindre paix peut-être. Quelque chose de provisoire, un début probablement insatisfaisant. Mais c’est une prière qui compte, qui importe.
Alors prions. Prions pour l’arrêt des affrontements dans le Haut-Karabagh arménien.
[1] Arnaud Bevilacqua, « Haut-Karabakh : des responsables religieux chrétiens appellent à la fin du conflit », 6 octobre 2020, La Croix, http://www.la-croix.com, consulté le 23 octobre 2020.
[2] Pape François, « Angélus du 27 septembre 2020 », 27 septembre 2020, KTO Tv, http://www.ktotv.com, consulté le 23 octobre 2020.
[3] « Arménie : déclaration commune et appel au peuple », 2 octobre 2020, Le CNEF, http://www.lecnef.org, consulté le 23 octobre 2020.