Je travaille occasionnellement avec un homme qui avait été directeur financier d’une entreprise médiatique qui produisait des programmes pour la radio, des magazines et des émissions de télévision sur des sujets d’actualité ou de société. Cependant, cette entreprise a récupéré un programme affilié qui diffusait des émissions pornographiques et a ensuite racheté une petite entreprise d’audio-visuel qui produisait aussi de la pornographie. Mon ami n’avait aucun contact avec ces entreprises, mais en tant que directeur financier, il n’en était pas non plus complètement étranger. Des amis croyants lui ont conseillé de démissionner pour éviter le contact avec ce genre de divertissement malsain. D’autres se demandaient déjà depuis longtemps comment un chrétien pouvait travailler dans le monde de la télévision. « On pensait bien que ça arriverait un jour. Il est temps pour toi de réagir. », lui ont-il dit.
Mais mon ami est persuadé que les chrétiens doivent travailler au milieu de la création de Dieu. Il n’est pas stupide et connaît ce que la Bible enseigne à propos des pensées et des actions des hommes, c’est pourquoi il n’était pas si surpris de voir comment le désir pécheur de gagner plus d’argent, peu importe les sacrifices, touchait aussi son travail. Mais il n’était pas prêt à arrêter son travail. Il était prêt à se battre. Il a donc argumenté pendant les réunions, dénonçant la façon dont l’entreprise trahissait ses principes et son règlement et affirmant qu’il était, non seulement juste, mais nécessaire de renoncer à ces deux propriétés. On l’a écouté, et en moins d’un an, l’entreprise revendait les deux.
Malgré tout, avait-il raison de rester directeur financier de cette entreprise ? A-t-il mis en danger son intégrité ou a-t-il conservé avec sagesse sa position stratégique pour changer les choses ?
Rester pur dans des situations impures
Les chrétiens sont souvent confrontés à ce genre de problème. Par exemple, un homme qui travaille dans le marketing est assigné à un projet pour promouvoir une brasserie locale et vendre de la bière bon marché. Les clients principaux boivent six à sept bières chaque soir. Il comprend qu’une campagne publicitaire réussie ne produit pas seulement une augmentation des ventes, mais aussi un encouragement à l’abus d’alcool. Doit-il chercher un nouveau travail ? De même pour un ingénieur informaticien à qui on demande de créer un programme pour une distribution plus efficace de billets de loterie. Les défis techniques sont intéressants, et il pense qu’il peut programmer un bon système. Il ne sera jamais directement impliqué dans les ventes de la loterie. Mais celle-ci vise principalement les plus pauvres et les plus désespérés. Peut-il travailler sur ce projet ou doit-il envoyer sa lettre de démission ?
Pour plaire à Dieu, le travail doit être honnête et légal. Un croyant ne peut prendre part à une tâche qui lui demande de pécher. On ne peut pas devenir tueur à gages, dealer de drogue ou prostituée. Mais est-il mauvais de travailler dans une branche saine d’une entreprise alors que celle-ci a aussi des divisions plus douteuses ? Par exemple, des entreprises médiatiques d’envergure produisent les pires, mais aussi les meilleurs divertissements, du film blasphématoire au dessin animé pour enfants.
Certains sont d’avis qu’un disciple fidèle ne devrait accepter que les postes dans des entreprises avec lesquelles il est entièrement d’accord. En plus de la difficulté d’une approbation complète, je me demande si un chrétien peut vraiment avoir une vue globale de tout ce qui se passe dans une grande entreprise aux activités diversifiées, peu importe le domaine. Est-ce que nous voulons que tous les chrétiens quittent les plus grandes firmes pétrolières, agricoles, technologiques et médiatiques ? Si déjà nous avons des objections sur leurs activités maintenant, alors qu’en serait-il si en plus on en enlevait l’influence chrétienne ?
Les chrétiens doivent apprendre à agir avec intégrité et rester purs même dans des situations impures. L’histoire de la rédemption comprend des anecdotes instructives à ce sujet.
Travailler ou ne pas travailler pour Pharaon
Les pharaons égyptiens étaient autocrates et régnaient sur un système qui leur donnait le statut de demi-dieux, ce qui inclut le droit à être adoré. L’un de ces pharaons a eu un rêve dans lequel sept vaches maigres engloutissaient sept vaches grasses. Joseph donna d’abord l’interprétation de ce rêve (sept années d’abondance, puis sept années de famine) puis un plan pour survivre pendant les années de pénurie. Pharaon fut si impressionné qu’il plaça Joseph à la tête du projet. Joseph a ainsi sauvé de nombreuses vies et est venu en aide à sa famille, la famille de l’alliance de Dieu, lors de la famine (Genèse 41-42). Joseph a servi un roi païen et pourtant, on ne perçoit pas une once de reproche de la part de Dieu. Il semblerait donc que le croyant peut travailler pour n’importe qui.
Cependant, quatre cents ans plus tard, Moïse refusait de servir un autre pharaon. Moïse est né dans une famille juive et a été adopté par la fille du pharaon. Dans Hébreux 11:24-27, on lit : « C’est par la foi que Moïse, devenu grand, refusa d’être appelé fils de la fille de Pharaon, aimant mieux être maltraité avec le peuple de Dieu que d’avoir pour un temps la jouissance du péché, regardant l’opprobre de Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l’Égypte, car il avait les yeux fixés sur la rémunération. C’est par la foi qu’il quitta l’Égypte, sans être effrayé de la colère du roi ; car il se montra ferme, comme voyant celui qui est invisible. »
Moïse a donc refusé de travailler pour ce second pharaon. On comprend pourquoi. Moïse avait un autre appel : conduire Israël hors d’Égypte. De plus, il ne pouvait pas servir ce pharaon, car celui-ci cherchait à réduire Israël en esclavage et à l’exterminer (Exode 2-5).
Ces deux histoires de Joseph et de Moïse montrent que le croyant peut juger juste ou non de travailler pour un mauvais maître selon les circonstances. La question est : peut-il accomplir la justice et préserver la vie, ou non ?
Voici un exemple tout aussi parlant. 1 Rois nous parle de serviteurs de Dieu en opposition au malfaisant roi Achab. Élisée se positionne et dénonce le péché du roi. Mais nous oublions souvent Abdias, chef de la maison d’Achab, qui était aussi un homme de Dieu. Alors qu’Élisée servait Dieu en prenant position contre la cour du roi, Abdias faisait de même en restant dans la cour du roi, travaillant dans le secret à cacher et nourrir les prophètes qu’Achab cherchait à exécuter (1 Rois 8:1-18).
Élisée annonçait le jugement de l’extérieur, alors qu’Abdias organisait silencieusement le sauvetage des prophètes. Ces deux hommes avaient des appels différents, l’un protestant depuis l’extérieur contre le mal, l’autre détruisant le mal de l’intérieur. Chacun d’eux respectait la mission de l’autre. Abdias rendait honneur au rôle de prophète qu’avait Élisée contre la maison d’Achab, et Élisée acceptait Abdias comme chef de la maison d’Achab. Aucun d’entre eux ne remettait l’autre en question. Ils avaient chacun leur rôle.
La leçon est claire. Si Abdias pouvait travailler pour Achab, cela signifie que le chrétien peut travailler pour à peu près n’importe qui, tant qu’il peut limiter le mal et promouvoir la justice à son poste.
Rester et servir dans le monde
Alors, oui, on peut travailler pour une agence de publicité aux activités diverses, ou pour l’armée qui défend des vies en en menaçant d’autres. Si nous voulons couper tout contact avec les personnes immorales, nous avons à quitter ce monde, ce que Jésus et Paul défendent tous les deux (Jean 17, 1 Corinthiens 5). Malgré tout, la tentation de faire des compromis devant le succès est toujours présente. Nous devons sans cesse nous remettre en question : est-ce que je sers mon roi ou est-ce que je rentre dans le moule pour faire avancer ma carrière et mon niveau de vie ? Lorsque des conflits entre mon travail et l’avancée du royaume de Dieu se présentent, est-ce que je prends position ou est-ce que je fais tout pour garder mon emploi ? Qu’est-ce qui me motive ? La peur du regard des autres ? L’argent ? Ou l’amour de Dieu et de mon prochain ?
Quand nous restons engagés dans un travail ambigu, nous entrons dans le plan que Dieu nous a révélé par l’incarnation. Jésus s’est plongé dans le monde que Dieu a créé pour le racheter, malgré toute son imperfection et son péché. Nous ne pouvons être une source de salut comme Jésus l’est, lui qui seul peut s’offrir comme rançon pour nos péchés ; mais nous pouvons nous engager dans des activités restauratrices. Il est Emmanuel, en premier lieu pour nous sauver du péché, mais aussi pour être avec nous, nous diriger et nous rendre plus forts, jusqu’à la fin des temps, alors que nous travaillons pour accomplir son but pour la création (Matthieu 1:21-23, 28:20).