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Le Dr Edmund P. CLOWNEY, professeur de Théologie pratique au Séminaire de théologie « Westminster » à PHILADELPHIE (USA) est un brillant théologien calviniste auquel nous devons, en particulier — mais en anglais ! — « La prédication et la théologie biblique » (Eerdemans, 1961). Nous sommes heureux de publier cet article de lui paru en avril 1968 dans « Christianity to day ».

« L’Eglise vire à gauche » titrait récemment un grand hebdomadaire. Beaucoup pensent que l’Eglise ne peut ignorer les problèmes du monde, qu’elle doit s’engager politiquement.

Mais que dit l’Ecriture ?

 

Devant la montée de l’évangile politique, les évangéliques ne peuvent se contenter de répéter la formule : « Séparation de l’Eglise et de l’Etat » ; ils doivent se demander quelle est la théologie biblique à la base de la conception chrétienne de l’Eglise et de l’Etat.

Certains, après avoir étudié le sujet, parviennent à la conclusion que le Nouveau Testament parle très peu de l’Etat, et même que les quelques allusions qu’on y trouve se contredisent. Ils citent les célèbres paroles de Jésus à propos du paiement de l’impôt à César (Mat. 22:21), l’affirmation catégorique de Paul qui demande l’obéissance à l’Etat par motif de conscience (Rom. 13:1-7) ; en revanche, Pierre déclare, lors de son arrestation, que nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Actes 5:29) et dans le livre de l’Apocalypse, l’Etat est représenté par une bête dévorante au service du diable (ch. 13). Certains auteurs ont démontré que ces affirmations ne sont pas, en fait, contradictoires, mais il est généralement admis que le N.T. fournit peu de matière sur le sujet.

Or, la matière est abondante car le message central de l’Evangile comporte nécessairement une certaine conception de l’Etat, mais il faut poser notre question dans les termes du N.T. et ne pas demander : « Que dit l’Ecriture au sujet de l’Etat ? » mais « Que dit l’Ecriture au sujet du Royaume ? ». Nous ne pouvons découvrir ce que doivent être les relations de l’Eglise et de l’Etat tant que nous n’avons pas compris ce qu’est le Royaume.

L’action politique menée au nom de Dieu passionnait la Palestine où Christ exerça son ministère. La révolte des Maccabées avait laissé de cuisants souvenirs qui poussaient de fanatiques rebelles à comploter contre l’oppression des Païens. Dans les grottes de la mer Morte a été découvert le Manuscrit de la Guerre dans lequel la communauté de Qumran avait inscrit une charte d’organisation de la guerre théocratique. De la même région, proviennent des lettres de Bar Kochba, le révolutionnaire, dont le soulèvement amena la destruction finale de la nation juive par les armées romaines.

 

Les Zélotes et Jésus

C’est précisément dans le désert où vivait la communauté de la mer Morte qu’arriva Jean le Baptiste prêchant le Royaume de Dieu. Les foules qui se rassemblèrent autour de lui comptaient bon nombre de combattants pour la liberté, ceux que l’on appelait les Zélotes. Quand Jean annonça que Christ était celui qui devait venir, beaucoup de ces patriotes suivirent Jésus. L’un au moins des disciples du Christ était Zélote et, dans l’agitation soulevée par le ministère de Christ, nous devinons de fortes résonnances politiques. Représentez-vous, par exemple, la multitude qui se rassemble dans le désert près du lac de Galilée : des milliers de gens que l’on divise en groupes, que l’on fait asseoir, et que l’on nourrit par un miracle. Mainte révolte n’avait-elle pas été organisée au désert ? Le roi Hérode, ce « renard », ne venait-il pas de faire assassiner Jean le Baptiste ? Le peuple était prêt à marcher sur Jérusalem et à couronner Jésus roi par la force.

Quand Christ fut crucifié par les Romains, l’accusation portée sur la croix était le titre de « Roi des Juifs » ; Jésus fut exécuté sous le prétexte d’avoir fomenté un soulèvement contre César.

Pourtant, la prédication de Jésus sur le Royaume n’était pas ce que les Zélotes attendaient et si l’on considère le ministère de Jésus comme une action politique, on ne peut que crier à l’échec. Il refusa d’être fait roi, il prit pour disciple aussi bien un Zélote qu’un collaborateur, percepteur d’impôts haï de tous ; les foules déçues le quittèrent en masse ; l’un de ceux qui le suivaient le trahit par un baiser ; quand il mourut comme un vulgaire criminel, le titre royal au-dessus de sa tête provoqua le ricanement des Juifs et le mépris des Romains.

Jean Baptiste et Jésus

Quel était alors ce message sur le Royaume qui semblait déconcerter ceux qui le suivaient et irriter ceux qui le haïssaient ? Nous sommes au cœur du problème dans cette question angoissée que Jean le Baptiste emprisonné fit poser à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Luc 7:19). Cette question révèle que Jean attendait le Royaume qui vient et que cette attente se centrait sur le Roi qui vient ; « Celui qui vient » rappelle l’expression du Psaume 118:26 : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (voir aussi Luc 19:38). En effet, Jean attendait un Messie qui, non seulement viendrait au nom du Seigneur, mais s’identifierait avec le Seigneur. La tâche de Jean était de préparer dans le désert un chemin pour le Seigneur qui vient (Esaïe 40:3, Mal. 3:1-3, Luc 3:4, Jean 1:30). Il rendit témoignage que celui qui venait purifierait son peuple, le baptisant d’Esprit et de feu (Mat. 3:11, 12). Celui qui venait était le Seigneur, le Juge, le Libérateur, il brandirait la hache et le feu du jugement contre tout arbre de méchanceté, et délivrerait les opprimés.

Jean avait pressé ses auditeurs de se repentir avant l’arrivée du Seigneur, mais quand Christ parut, Jean ne sut que penser : Jésus, en demandant à Jean de le baptiser, s’identifiait avec le peuple au lieu de le juger et c’est une colombe qui descendit sur lui et non du feu. Plus tard, Jésus conduisit ses disciples à un festin de noces alors que Jean continuait à jeûner avec ses disciples dans l’attente du feu et de l’épée du jugement. Puis, alors qu’il continuait à prêcher la repentance, il fut jeté en prison par Hérode. De sa cellule, il entendit parler des miracles qu’accomplissait Jésus, miracles qui prouvaient la puissance du Royaume mais qui apportaient la bénédiction et non le jugement : comment pouvaient-ils annoncer l’âge nouveau quand les jugements qui devaient précéder l’arrivée de cet âge n’avaient pas eu lieu ?

La réponse que Jésus donne à Jean est la clé pour comprendre le Royaume. Les disciples de Jean ont vu les signes de puissance de Christ, ils en ont entendu parler, ils savent que le Christ libère les hommes de leurs maladies, chasse les esprits méchants, purifie les lépreux, rend la vue aux aveugles, ressuscite les morts et prêche la bonne nouvelle aux pauvres. Et Jésus leur dit de raconter à Jean tout ce qu’ils ont vu et entendu et de lui dire : « Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute. » (Luc 7:23)

Puisque Jean connaissait déjà les miracles de Christ, en quoi la réponse de Jésus peut-elle le satisfaire ? D’abord parce que les miracles sont la preuve que la puissance du Royaume est à l’œuvre, que Christ a autorité pour ôter le mal et libérer les captifs de Satan et que sa puissance s’étend jusqu’à la victoire sur la mort. Ensuite, parce que ces miracles sont pleins de promesses : ils rappellent et accomplissent ce que les prophètes ont promis (Es. 35:5-8 ; 61:1). Le Seigneur qui guérit est au milieu de son peuple, ôtant les marques de la malédiction, les changeant en signes de bénédictions. La bonne nouvelle du grand jour du Jubilé de Dieu est annoncée aux pauvres et aux captifs (Luc 4:18, 19). Ce qui est donné en signe est présent dans le Seigneur qui donne le signe : Jean doit donc placer sa confiance en Lui et ne pas trébucher sur la pierre établie par Dieu (Es. 8:14 ; 28:13, 16).

 

Le mystère du Royaume

Voici le mystère du Royaume. Il est venu en puissance car Christ est venu. Là où est le Roi, là le Royaume est manifesté. Quand le Christ se trouve parmi les hommes, alors le Royaume est parmi eux (Luc 17:21). Mais ce Royaume se manifeste en miséricorde et non en fureur, en grâce et non en jugement. Faut-il crier au scandale si Christ proclame la libération des captifs alors que Jean reste en prison attendant d’être décapité sur un caprice d’Hérode ? Non, car Christ est venu non pour frapper mais pour être frappé, non pour exécuter le jugement mais pour l’endurer. A Jean comme à tous les apôtres, il est donné le privilège de prendre part aussi bien aux souffrances du Christ qu’à la joie de son Royaume.

Christ, parce qu’il est celui qui devait venir, réalise le Royaume, en révèle la vraie nature et en établit le programme. L’Ancien Testament prépare à tout cela puisqu’il prédit aussi bien les souffrances de Christ que les gloires qui suivraient (Luc 24:26, 27 ; Act. 17:23).

Aucun chef Zélote n’aurait pu accomplir les promesses de l’A.T. Les prophètes avaient annoncé bien plus qu’un royaume maccabéen. L’idéal d’un royaume en paix avait été réalisé au temps de Salomon, à la dédicace du Temple mais dans les siècles de péché et de jugement qui suivirent, un plus grand triomphe du salut de Dieu avait été annoncé. De la destruction et de l’exil, Dieu ne voulait pas seulement faire sortir quelques rescapés, il voulait renouveler son peuple : les ossements morts dans la vallée allaient revivre et recevoir l’Esprit de Dieu dans des cœurs de chair et non de pierre. Les nations dont Dieu se sert pour exercer son jugement sur Israël seront elles-mêmes jugées et participeront à la gloire du peuple de Dieu.

Les bénédictions promises sont si grandes que seul Dieu peut les apporter : c’est Lui qui doit venir rassembler le troupeau dispersé (Ezech. 34:12; Es. 40:10, 11). Cependant, ce n’est pas seulement le Seigneur qui viendra ; le Serviteur viendra aussi ; le Messie annoncé est à la fois le Seigneur qui porte le Nom Divin (Es. 9:6) et le Serviteur qui porte le nom d’Israël (Es. 42:1 ; 43:1). Le thème de la souffrance et du renouveau verra son accomplissement dans le Serviteur personnel du Seigneur qui porte le péché de beaucoup et qui est donné comme alliance avec le peuple et lumière pour les nations (Es. 42:6).

De sa naissance dans une étable à sa mort sur la croix, Christ réalise les promesses du Royaume dans la souffrance ; de sa résurrection au jour de son apparition, il réalise ce même Royaume dans la gloire.

Toute la révélation du Royaume et du Roi parle de ce mystère qui confondait Jean le Baptiste. Des anges annoncent la nouvelle de la naissance du Messie, mais c’est à des bergers qu’ils apparaissent et c’est à une mangeoire qu’ils les envoient. Des sages venus de parmi les Gentils apportent la richesse des nations en hommage au roi des Juifs, mais seule une intervention divine empêche que leur visite ne désigne Christ pour l’épée d’Hérode. En Egypte, le fils de Dieu est à nouveau préservé du massacre, mais les Innocents de Bethléem n’y échappent pas.

Avec le ministère du Christ commence le rassemblement : ses disciples qu’il appelle « pêcheurs d’hommes » l’aident dans cette tâche. Il appelle les brebis perdues de la maison d’Israël et promet à ce petit troupeau, à ces quelques-uns des derniers jours, le Royaume que le Père leur donne (Luc 12:32). Mais le Royaume que Christ décrit suit le modèle que donne son propre ministère de Serviteur dans la souffrance : quand les disciples lui demandent d’avoir part à son trône de gloire, il leur demande de prendre part à sa coupe de souffrance (Mat. 20:22).

C’est en tant que Seigneur qu’il vient, et pourtant celui qui invite à porter son joug est doux et humble de cœur (Mat. 11:20). Il ne lutte pas, ne crie pas fort, et il enseigne à ses disciples à présenter l’autre joue dans le ministère de souffrance. Il est venu pour servir, et ses disciples ne sont pas appelés à gouverner comme des princes des nations, mais à servir comme leur humble Seigneur (Mat. 20:25-28).

Pourtant, Il ne manque pas de pouvoir : le vent et la mer, la maladie et la mort, les démons et Satan lui obéissent. Même à ses disciples, il donne autorité sur les puissances des ténèbres ; toutefois, il les envoie comme des brebis au milieu des loups (Mat. 10:16) et le seul acte de jugement qu’ils ont le droit d’accomplir sur une ville qui ne les reçoit pas, c’est de secouer la poussière de leurs pieds en témoignage silencieux à Dieu (Mat. 10:14).

 

Le « quand » et le « comment » du Royaume de Dieu

Ces éléments de la révélation du Royaume qui paraissent en contradiction, s’harmonisent grâce à la grande vérité que le Royaume du Sauveur est aussi le Royaume de Dieu. Parce que c’est le Royaume de Dieu et non celui d’Israël, le Royaume des cieux et non celui de la terre, le « qui », le « comment » et le « quand » de ce Royaume ont une réponse divine. Puisque le centre de ce Royaume est Dieu lui-même, il n’est pas une puissance impersonnelle, mais la présence même de Dieu révélée en puissance. Le Royaume est Christ. La justice de Dieu, non celle de l’homme, est demandée pour l’entrée dans le Royaume, et la justice de Dieu en Christ est aussi le don du Royaume. Les fils du Royaume sont le petit troupeau de Christ, ces quelques-uns rassemblés autour de lui au festin du Royaume (Luc 12:32 ; 13:25, 26) ; ils sont nés d’en haut, nés de l’Esprit (Jean 3:5).

Le « Comment » du Royaume est aussi divin. Ce qui fera apparaître le Royaume, ce n’est pas la force de l’homme, mais celle de Dieu, ce n’est pas la sagesse de l’homme, mais celle de Dieu. Tout l’A.T. tend vers cette vérité : « Ce n’est ni par la puissance, ni par la force, mais c’est par mon esprit, dit l’Eternel des armées » (Zach. 4:6). Les voies de Dieu ne sont pas celles de l’homme, la voie du Royaume est celle du Roi qui vient, doux et humble, pour mourir. Toutes les puissances politiques de la terre ne peuvent faire apparaître le Royaume de Dieu ; ce n’est ni douze légions d’anges, ni même la seule omnipotence de Dieu qui le peuvent ; seul le Dieu personnel et vivant le peut et Lui seul sait comment II le fera.

Le « quand » du Royaume est également divin. Le plan du salut suit un programme ; le ministère de Christ va des souffrances à la gloire, de la terre au ciel. Jean Baptiste ne pouvait comprendre que le jugement ait du retard, mais, pour Dieu, le retard de la justice n’est pas la négation de la justice. Puisque Christ vient porter le jugement, le retard révèle la longue patience de Dieu : le festin est prêt mais la maison n’est pas pleine, c’est la grâce qui empêche la porte de se fermer tandis que le Serviteur va chercher, dans les grands chemins et derrière les haies, les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boîteux (Luc 14:15-24). Cependant, lorsque le jugement viendra, il n’aura rien perdu de son caractère divin. Le Fils de l’Homme viendra dans la gloire du Père avec les saints anges (Mat. 10:15 ; 16:27; 21:33-46; 24:3, 30, 42) et tous les hommes comparaîtront devant le tribunal de Christ (2 Cor. 5:10). Bien que le moment de la moisson soit retardé à cause du blé, l’ivraie n’en sera pas moins jetée au feu (Mat. 13:30, 42). Les fils de Dieu dans la souffrance n’ont pas à juger, ils doivent laisser le jugement à Dieu (Mat. 7:1) ; en « ce Jour », le Juge de toute la terre rétablira la justice (2 Tim. 4:1 ; Gen. 18:25).

 

Le Royaume de ce monde

Ne pas accepter le plan de Dieu pour son royaume, c’est se mettre du côté de Satan dans la guerre spirituelle des siècles. Quand Pierre tire son épée à Gethsémané pour défendre Christ, il s’occupe des affaires des hommes et non de celles de Dieu (Mat. 26:52 ; 16:23) et le coup d’épée porté à Malchus est un coup porté à la volonté de Dieu pour son royaume. Satan promettait à Christ tous les royaumes du monde s’il acceptait de lui obéir et de désobéir au Père ; il lui offrait le chemin du pouvoir avec des pierres changées en pain, un saut pour éprouver l’appel messianique et en s’associant à la rébellion par une alliance avec lui (Mat. 4:1-11). Dans le désert, Jésus refusa de donner une forme terrestre au royaume ; il refusa à nouveau à Césarée de Philippe, à Gethsémané et au Calvaire. Il prit la croix et demanda à tous ses disciples de faire de même. Chercher à amener le Royaume en se servant du pouvoir terrestre, c’est nier la croix du Roi, c’est oublier le caractère céleste du Royaume. Ce n’est pas entre le salut personnel et le salut social qu’est le choix à faire, mais entre la volonté révélée de Dieu et les présomptions de l’homme.

On dit souvent que, puisque les évangéliques ne préconisent pas un évangile social, ils n’ont pas un évangile pour la société, mais seulement pour les individus. Il n’en est rien. Le Royaume des cieux rassemble des hommes et apparaît parmi eux, mais il reste le Royaume des cieux et ne devient pas un royaume de ce monde. Jésus dit aux chefs incrédules de la nation théocratique que le royaume de Dieu leur serait ôté et donné à une autre nation qui en rendrait les fruits (Mat. 21:43). Cette autre « nation » n’est pas un royaume avec des frontières politiques et une armée active, c’est bien plutôt la nouvelle forme que prend le peuple de Dieu, forme qui provient des principes du Royaume et qui est sociale puisqu’elle rassemble des hommes, disciples du Roi, dans le troupeau du Berger, mais qui n’est justement pas politique puisqu’elle n’est pas un royaume de ce monde.

Christ lui-même introduisit cette nouvelle forme du Royaume lorsqu’il établit l’Eglise du N.T. (Mat. 16:18, 19). Tout comme l’assemblée d’Israël au Sinaï, puis à Jérusalem les jours de fête, l’Eglise est l’assemblée du peuple de Dieu, ceux qui sont appelés par Dieu à se rassembler pour se tenir devant Lui.

 

La discipline du Royaume

A Pierre qui, porte-parole des apôtres, confesse le Christ (Mat. 16:18, 19) et à tous les apôtres, Christ donne les clés du Royaume avec l’autorité pour lier et délier en son nom. Cette autorité du Royaume a l’approbation divine : au jour du jugement, le sort de ceux qui rejettent la parole des apôtres sera pire que celui de Sodome et Gomorrhe (Mat, 10 :15). Cette autorité se limite, cependant, à la Parole de Christ et au Nom de Christ : c’est une déclaration de deux ou trois témoins assemblés au nom de Christ et qui invoquent sa présence (Mat. 18:18-20) ; n’importe quelle parole prononcée au nom de Christ ne sera pas, bien sûr, reconnue au jour du jugement (Mat, 7:22, 23), mais la discipline spirituelle de la Parole de Christ exercée dans la fidélité, exprime sur la terre, en un avertissement plein d’urgence, le verdict même du ciel.

Toutefois, elle n’exécute pas ce verdict. Le cas extrême de discipline dans la nouvelle forme du peuple de Dieu est de déclarer qu’un homme n’est qu’un Gentil et un publicain. Quel contraste avec la lapidation du membre apostat dans l’assemblée de l’A.T. ! Ce qui peut surprendre, c’est que la raison de la différence n’est pas un affaiblissement du thème théocratique mais bien plutôt son renforcement. En effet, avant la venue du Roi et du Juge, la réalité du jugement était anticipée d’une manière physique ; mais la venue du Christ révéla à la fois que le jugement est bien réel mais qu’il est retardé. Le fait que le Royaume soit réel, son actualisation, a fait passer tout jugement directement entre les mains de Dieu ; Christ ne fut pas établi juge sous le régime temporel de l’ancienne théocratie (Luc 12:14) parce que le Père a remis directement tout jugement entre les mains de Christ puisqu’il est son Fils (Jean 5:26, 27). Le Fils a maintenant toute autorité dans le ciel et sur la terre, et il se sert de cette autorité pour accomplir la volonté du Père au sujet du Royaume. Christ peut frapper un Hérode blasphémateur (Act. 12:23) ou châtier son église (1 Cor, 11:32) lui-même, mais il ne confie à personne l’épée de sa bouche.

Paul déclare que les armes du combat qu’il mène sont non pas temporelles mais spirituelles (2 Cor, 10:4). Pour celui qui connaît le Royaume, cette déclaration n’est pas du tout une marque de faiblesse, mais bien plutôt de force car elle signifie que la bataille est livrée contre la forteresse du véritable ennemi, les puissances spirituelles des ténèbres.

En attendant le jour du jugement, Christ gouverne le monde, mais Il ne confie ce gouvernement à aucun de ses disciples sur la terre. Il a décrété que ceux qui souffrent maintenant avec Lui régneront un jour avec Lui ; les saints, un jour, jugeront même les anges, mais pour le temps présent, ils ne jugent qu’eux-mêmes (1 Cor, 5:12 ; 6:1-3) ; ils n’ont à gouverner, ni à juger qui que ce soit, si ce n’est ceux qui invoquent le nom de Christ. Quand Christ reviendra, l’Eglise triomphante, et non l’Eglise militante, jugera le monde.

 

Le Royaume de Dieu et l’Etat

Les contradictions apparentes dans ce que le N.T. dit au sujet de l’Etat se résolvent lorsqu’on comprend ce qu’il enseigne au sujet du Royaume et de l’Eglise.

Pendant le temps présent, aucun Etat ne peut être une manifestation du Royaume parce que le programme du Royaume veut que l’épée du jugement soit retenue ; le seul jugement qui puisse être porté au nom du Christ est d’ordre spirituel.

Que dire alors des structures du pouvoir temporel ? Seraient-elles des manifestations du Royaume de Satan en lutte contre le Royaume du Christ ?

Non, une telle affirmation serait en désaccord avec l’enseignement biblique sur le Royaume de Dieu. Il est bien vrai que la théologie de l’A.T. au sujet des fidèles dispersés parmi les nations oppose le Royaume de Dieu aux royaumes idolâtres des hommes (Dan. 2:44). Mais, en même temps, elle montre que Dieu ne cesse de gouverner rois et royaumes (Dan. 6:26) et de dispenser ses bénédictions sur ces structures temporelles et, par elles, de bénir tous les hommes. Les saints deviennent lumière et sel pour aider les sages administrations et la justice dans les empires païens ; en retour, les rois païens deviennent des instruments pour instaurer la justice dans laquelle le peuple de Dieu peut prospérer et être restauré (Es. 45:1, 13).

La venue du Royaume de Dieu en Christ précise le gouvernement de Dieu sur les nations : Jésus-Christ est Roi des rois et Seigneur des seigneurs et Son autorité en tant que Roi élevé dans la gloire s’étend à tous les royaumes de la terre.

Cependant, son gouvernement sur les nations n’est pas le même que celui qu’il exerce sur l’Eglise. Toutes choses lui sont soumises, Il est le chef sur toutes choses pour Son Eglise qui est Son corps (Eph. 1:22, 23). Toutefois seule l’Eglise est le corps de Christ. (L’image de la tête dont se sert Paul ici n’a rien à voir avec l’image du corps.) La description de la croissance collective pour devenir un homme nouveau en Christ (Eph. 4:12-16) ne peut s’appliquer qu’à l’Eglise ; elle se produit grâce aux dons de Christ à Son Eglise.

Nous pouvons appeler ceux qui gouvernent dans l’Etat « serviteurs de Dieu » (Rom. 13:4) car leur fonction fait partie de ce que Dieu a ordonné pour le gouvernement des hommes. Ils sont soumis à l’autorité de Christ en gloire ; ils entrent dans le plan de Christ en maintenant l’ordre dans un monde où le jugement est remis à plus tard. Toutefois, bien que leur gouvernement soit soumis au contrôle de Christ, ils ne l’exercent pas au nom de Christ ; la structure de l’Etat ne fait pas partie du nouvel ordre à venir.

Christ pouvait donc demander de rendre à César ce qui est à César tout en rendant à Dieu ce qui est à Dieu. Bien sûr, dira-t-on, tout est à Dieu ; cependant, la réponse de Christ n’est pas ironique. Le pouvoir d’un Pilate ou d’un César leur est donné d’en haut (Jean 19:11). Jusqu’au retour de Christ, ce pouvoir continuera à être exercé. L’autorité de Christ sur toutes choses ne garantit pas que l’Eglise sera à l’abri des persécutions. L’Eglise est appelée à souffrir et l’Etat peut abandonner la fonction qui lui est donnée d’en haut et devenir l’ennemi du bien au lieu d’être celui du mal. On lui doit malgré tout obéissance, à moins que ses commandements ne demandent de désobéir à la volonté révélée de Dieu.

La conception chrétienne de l’Etat ne peut se comprendre qu’en acceptant la conception chrétienne du Royaume et de l’Eglise. Si l’on oublie le «quand» et le « comment » du Royaume, l’on se donnera une autre conception de l’Etat au détriment de la liberté chrétienne. Ceux qui n’attendent pas la seconde venue de Christ ne comprendront pas la patience et l’humilité du Royaume actuel. Même s’ils se croient serviteurs de Christ, ils essaieront de le couronner roi par force. Mais le Royaume de Christ n’est pas de ce monde et ses serviteurs ne peuvent combattre pour l’amener (Jean 18:36). Le Royaume de Dieu est présent, comme Christ est présent, dans les dons du Saint-Esprit ; le Royaume de Christ viendra, comme Christ viendra, en puissance et en gloire. La vie dans l’Etat, en fait, dans le monde, est imprégnée du levain du Royaume, mais aucun chef politique n’a le droit de lever la bannière de Christ au-dessus de ses armées. L’Eglise non plus n’a pas le droit de se réorganiser selon le plan séculier d’une puissance de ce monde. L’Eglise ne peut racheter la société par l’action politique ; quand la proclamation de l’Evangile devient engagement politique, ce n’est plus la bonne nouvelle du Royaume de Christ qu’elle annonce.

 


Ichtus N° 9   Janvier 1971     

 

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