Un fil et une aiguille, un bouton à recoudre : me voilà prête pour une aventure qui me dépasse, mais dans laquelle je me lance tout de même. Non sans peine, j’arrive à raccrocher ce petit bouton de plastique à sa destinée – celle de joindre les deux pans d’une chemise. Je ne vous dévoilerai pas combien de temps cette entreprise a duré, mais sachez que la destinée du bouton fut brève.
Je ne sais pas coudre, en effet, et il m’est arrivé de dire à ma famille (en souriant) que je devrais faire un stage chez la femme de Proverbes 31.
Qui est cette femme ? Celle dont on lit le portrait dans ce dernier chapitre des Proverbes fournit sa famille en vêtements de grande qualité (v.21 et 22), se lève avant tout le monde (v.15) et se couche la dernière (v.18) après avoir mené à bien ses entreprises commerciales et agricoles (v.16). Elle semble être une force tranquille, une personne qui fait la joie de toute sa famille (v.26 à 29). Un portrait déroutant, tant il nous paraît difficile à égaler. Comme le dit l’auteur : « Qui peut la trouver ? » La question suivante pourrait être « Qui peut prétendre lui ressembler ? »
Une femme à imiter ?
Comment réagissez-vous à la lecture de ce portrait ? Ressentez-vous de l’admiration pour cette femme si douée ? L’envie de trouver une épouse semblable ? De la fatigue à l’idée de tout ce qu’elle fait ? Une fierté de lui ressembler ?
La lecture des vingt-deux versets qui terminent cet incroyable livre des Proverbes a de quoi donner le vertige. Nous y serons d’autant plus sensibles si nous y voyons une sorte de portrait-robot de la femme chrétienne modèle, ou si au contraire nous nous méfions de l’image qu’elle renvoie. Quelle que soit notre réaction, ne nous privons pas de la beauté de ce que ce portrait nous dévoile.
Quand nous lisons et étudions la Parole de Dieu, nous avons ce désir de la considérer dans son entièreté et sa beauté ! Un tel passage n’aura pas le bon impact dans nos vies si nous l’isolons du reste de la révélation divine. Il ne nous enseignera pas si c’est nous qui décidons, selon nos propres critères, d’y accorder plus ou moins d’importance. Ces critères peuvent être notre statut marital, notre appétence pour la couture ou notre impression qu’il s’agit d’un idéal à atteindre.
Alors en considérant sa place dans le livre des Proverbes et sa place dans l’enseignement global des Écritures, penchons-nous d’un peu plus près sur ce texte.
Une formidable poésie
Ce chapitre, souvent intitulé « une femme de valeur », se situe dans le livre des Proverbes qui fait partie de la « littérature de sagesse » de l’Ancien Testament. Ce livre est une collection de proverbes qui parlent d’une vie qui cherche à suivre et honorer Dieu et fuir la folie de la pensée humaine.
Proverbes contient beaucoup de poésie, et utilise des figures de style propres à ce genre littéraire. À plusieurs reprises, la sagesse et la folie sont personnifiées, c’est-à-dire présentées sous la forme d’une femme « sagesse » et d’une femme « folie »[1]. C’est ainsi que la femme de valeur, dans le chapitre 31, clôt tout ce livre dédié à la sagesse qu’il nous faut poursuivre et vivre. Non seulement le chapitre 31 est sous une forme poétique, il est aussi sous forme d’un acrostiche. Ce procédé consiste à former les phrases de façon à ce que les initiales de chaque vers suivent les lettres de l’alphabet. Ce qui peut nous paraître comme un détail qui n’intéresse que les littéraires, est en fait un point important pour comprendre le message de ce passage. On peut voir l’utilisation de l’acrostiche comme une façon de dire que la sagesse est traitée ici de manière complète : « la sagesse de A à Z ». [2]
Ainsi se termine le livre des Proverbes, comme une apothéose de la sagesse révélée par Dieu.
Un texte pour tous
Nous nous sommes intéressés aux versets 10 à 31 de ce chapitre, mais nous devons aussi regarder le contexte plus large. Le verset 2 « Que te dirai-je, mon fils ? Que te dirai-je, fils de mon ventre ? Que te dirai-je, fils de mes vœux ? » sont les paroles de conseil de la mère du roi Lemuel qui lui dit de rechercher la sagesse, aussi dans son épouse. Le lecteur n’est pas vraiment surpris de voir que le livre se termine ainsi : déjà les instructions du début des Proverbes sont adressées à de jeunes hommes (1.1-4). Dans toute la beauté de la structure de ce livre, la boucle est bouclée. Le fait de saisir qui était l’auditoire premier de Proverbes nous aide à ne pas aller vers la pente glissante d’une interprétation hâtive de ces versets qui les réduirait à un manuel pour futures épouses. Il est la description de la « sagesse de A à Z », pas de la « femme parfaite de A à Z ».
Si nous sommes convaincus que ce texte s’adresse d’abord aux jeunes hommes, ne tombons pas non plus dans le piège de penser qu’il ne nous concerne pas tous, ou qu’il ne concerne que des fiancés. Que l’on soit un homme ou une femme, célibataire ou marié, nous avons sous les yeux une description magnifique des caractéristiques de la sagesse. Une sagesse unique, merveilleuse, admirable, qui « vaut bien plus que des perles. » (31.10)
Si nous sommes convaincus que ce texte s’adresse d’abord aux jeunes hommes, ne tombons pas non plus dans le piège de penser qu’il ne nous concerne pas tous, ou qu’il ne concerne que des fiancés.
Nous pouvons être surpris de réaliser que ce passage est un enseignement adressé d’abord à de jeunes hommes. Est-ce parce qu’il est parfois réservé aux prédications du jour de la fête des Mères ? Il est vrai que nous avons tendance à nous identifier facilement aux figures masculines de la Bible, que l’on soit un homme ou une femme. Mais il faut se poser la question de ce que les figures féminines dans la Parole nous montrent aussi. À tous. Elles ont le même rôle que les autres personnes que Dieu a placées dans sa révélation, et ne sont pas là uniquement pour pointer vers la féminité selon la Bible. Que ce soient des personnes historiques telles que Josué ou Paul, ou des personnes fictives servant à illustrer des vérités bibliques ici, toutes ont un rôle dans la pédagogie de Dieu pour son peuple.
La force de la sagesse
La poésie est un moyen magnifique de faire comprendre la beauté, la nécessité de la sagesse. Mais comment savoir ce que l’on doit appliquer ou non ?
Nous pouvons être tentés de ne rien vouloir imiter, en expliquant qu’il ne s’agit pas d’un manuel de vie. Nous pouvons aussi être tentés d’y trouver la validation de nos choix de vie qui nous confortent d’être dans la volonté de Dieu. Que ce soit la jeune femme qui culpabilise de ne pas savoir coudre, celle qui s’enorgueillit de nourrir sa famille uniquement de produits faits maison, ou le jeune homme qui dresse une liste de critères pour sa future épouse sans examiner son rôle de futur époux, tous ont un problème d’identification. Il n’y a rien de mauvais à vouloir faire soi-même tous les repas pour notre famille. C’est une belle manière de servir nos proches. Il y a de la sagesse à réfléchir au caractère de notre futur(e) époux (-se). Mais dans les deux cas, veillons à ne pas y trouver un sujet d’orgueil, une identification à un modèle qui nous fait l’économie de veiller en premier à notre cœur. Si nous nous appuyons sur ce texte pour glorifier la femme accomplie en tout point, nous sommes à côté du message des Proverbes. Si nous citons ces versets pour taquiner les jeunes femmes de notre entourage, nous nous servons mal des Écritures. Si nous utilisons ces versets pour accuser Dieu de patriarcat, ou les hommes de paresse ou d’incompétence, nous sommes gravement dans l’erreur.
Cherchons avec joie à vivre ainsi. Non en nous réconfortant dans des vertus ou un style de vie qui au final nous rendent gloire à nous-mêmes, mais en cherchant à vivre cette sagesse qui reflète le caractère de Dieu.
Ce passage nous décrit la sagesse comme étant travailleuse (le travail et ses récompenses sont un thème phare des Proverbes). L’œuvre des mains d’une personne sage prendra toutes sortes de formes, mais sera pour le bien des autres, et la gloire de Dieu. La sagesse est aussi décrite comme étant tournée vers les autres (31.20, en écho aux versets 8 et 9), et non vers soi-même (v.30 montre que grâce et beauté sont illusoires). Et enfin, la sagesse craint l’Éternel (v.30). Ce portrait nous libère des standards que nous sommes tentés d’imposer, et nous pousse à vivre une vie activement consacrée à Dieu !
Cherchons avec joie à vivre ainsi. Non en nous réconfortant dans des vertus ou un style de vie qui au final nous rendent gloire à nous-mêmes, mais en cherchant à vivre cette sagesse qui reflète le caractère de Dieu. Cherchons aussi avec joie à vivre ainsi sans rejeter ce portrait en y voyant une liste désuète et culpabilisante. Nous sommes là aussi en danger de nous glorifier de ne pas être comme cette femme. Réjouissons-nous plutôt de participer aux actions les plus ordinaires, accomplies pour le bien des autres et la gloire de Dieu.
Notre standard n’est ni dans une telle liste ni dans un rejet d’une telle liste. Notre standard est en Christ, « lui qui est devenu, par la volonté de Dieu, notre sagesse, notre justice, la source de notre sainteté et notre libérateur » (1 Cor. 1.30) Il est le parfait serviteur, notre modèle, celui qui nous a réconciliés avec Dieu que nous pouvons servir avec joie.
Dans le contexte de l’ensemble du livre des Proverbes, et en reconnaissant que Dieu nous a rachetés pour lui, attachons-nous au message de Proverbes 31. Appliquons-le non pour être loués aux portes de la ville grâce à nos compétences, mais pour que, par la sagesse que Dieu nous fait vivre, louange et honneur lui soient rendus !