Cet article est extrait du livre de Conrad Mbéwé « Le dessein de Dieu pour l’Église » publié aux éditions Impact
Bien que nous soyons nombreux à ne plus vivre dans des villages, l’idée qu’un dirigeant, même s’il s’agit d’un dirigeant d’Église, ressemble à un chef tribal persiste encore dans notre inconscient. Tout d’abord, un chef n’est pas réellement choisi par le peuple. C’est une question d’hérédité. La fonction lui revient, parce que « les dieux » l’ont placé dans le bon arbre généalogique, à la bonne position dans cette famille, et au bon moment. Une fois qu’il est établi chef, c’est comme si l’esprit des dieux venait habiter en lui. Être chef, en particulier souverain, est la position la plus élevée de la tribu. Il dispose peut-être de beaucoup d’anciens et conseillers pour l’aider, mais ses décisions sont définitives. Il est le gardien absolu de la vaste contrée qui appartient à toute la tribu. Son aura remplit de crainte les gens qui se retrouvent en sa présence. Il a un siège spécial, son trône, ainsi que de nombreux assistants à son service. À une époque révolue, même la vie des individus de sa tribu était à sa merci. S’il exigeait votre mort, vous mourriez sans pouvoir contester sa décision. C’était le genre de pouvoir absolu qu’exerçaient les chefs.
Lorsque vous comprenez cette image, vous commencez à voir pourquoi les pasteurs et autres dirigeants d’Églises en Afrique ont tendance à être traités avec une dignité à faire pâlir les dirigeants politiques occidentaux. Ils finissent par n’avoir de comptes à rendre à personne et abusent facilement de l’argent, des biens et des femmes de l’Église, et s’en tirent à bon compte. Il est impératif de revenir à la Bible pour examiner ce que Dieu dit quant aux qualifications des personnes responsables de l’Église et comment mener à bien cette tâche.
Les Églises doivent être dirigées par des anciens
À l’époque de la Bible, les Églises étaient dirigées par des anciens. Ce concept n’était pas nouveau, car tout au long de l’Ancien Testament, le peuple d’Israël était aussi dirigé par des anciens. Même le mot en dit long sur l’âge des individus. Les anciens étaient des chefs de familles, de clans et de tribus, qui se réunissaient pour donner une direction à toute la nation. Ainsi, lorsque Moïse et Aaron ont planifié le grand exode du peuple d’Israël hors d’Égypte, ils ont d’abord rencontré les anciens pour les convaincre de cette décision (Ex 4.29). Plus tard, soixante-dix anciens ont été choisis pour aider Moïse à traiter les affaires judiciaires de la nation (No 11.16,24). Ces anciens étaient assis à la porte de la ville pour gérer toutes sortes de différends entre les gens et rendre des jugements aboutissant à un châtiment ou à un acquittement (De 21.19 ; 22.15).
Cette tradition des anciens s’est poursuivie jusqu’à l’époque du Nouveau Testament, à Jérusalem, et partout où les Israélites se sont dispersés. Lors de la diaspora, les anciens dirigeaient dans les synagogues, où ils formaient des organes de direction. La vie religieuse des Juifs était bien supervisée, même lorsqu’ils se trouvaient loin du temple de Jérusalem. Les anciens ne s’occupaient pas seulement des affaires judiciaires, mais également des biens de la synagogue, des soins aux malades et de la collecte des contributions.
Ce concept a été transposé dans la vie de l’Église primitive (voir Ac 11.30 ; 20.17 ; 21.18 ; Ja 5.14). Même lorsque les apôtres vivaient encore et supervisaient l’Église de Jérusalem, ils travaillaient avec les anciens (Ac 15.6,22). Dans l’esprit des apôtres, les anciens des Églises étaient désignés par Dieu. Nous le voyons dans le discours d’adieu de Paul aux anciens d’Éphèse : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par son propre sang » (Ac 20.28). Paul ne faisait pas allusion à une déclaration prophétique surnaturelle. Il croyait plutôt que, lorsque le peuple de Dieu prie et que les événements providentiels sont accompagnés de qualifications bibliques chez un individu considéré pour la position d’ancien, on peut dire à juste titre que Dieu est à l’origine de la nomination de cette personne.
Les apôtres se considéraient comme des anciens de l’Église, et non comme un groupe d’hommes appartenant à une classe à part, supérieure aux anciens.
Les apôtres se considéraient comme des anciens de l’Église, et non comme un groupe d’hommes appartenant à une classe à part, supérieure aux anciens. L’apôtre Pierre a écrit : « Voici les exhortations que j’adresse aux anciens qui sont parmi vous, moi, ancien comme eux, témoin des souffrances de Christ, et participant de la gloire qui doit être manifestée : Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde, non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec dévouement » (1 Pi 5.1,2, italique pour souligner). Les anciens étaient les principaux dirigeants de l’Église. Lors de l’implantation des Églises, il était de la responsabilité des missionnaires pionniers de veiller à ce que les hommes de cette Église soient encadrés jusqu’à atteindre un niveau de maturité suffisant pour être nommés anciens. Le travail d’implantation d’Églises était achevé uniquement lorsque des anciens qualifiés étaient établis. Nous lisons que c’est ce que Paul et Barnabas ont fait parmi les Églises qu’ils implantaient en Galatie : « Ils désignèrent des anciens dans chaque Église, et, après avoir prié et jeûné, ils les recommandèrent au Seigneur, en qui ils avaient cru » (Ac 14.23). C’est à ce moment-là qu’ils considéraient leur mission accomplie.
Le travail des anciens consiste essentiellement à veiller sur le troupeau. Les instructions que Pierre a données (dont une partie est précitée) l’illustrent bien. Voici le reste de la citation : « Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde, non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec dévouement ; non comme dominant sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en étant les modèles du troupeau. Et lorsque le souverain berger paraîtra, vous obtiendrez la couronne incorruptible de la gloire » (1 Pi 5.2-4). En utilisant le mot « berger », Pierre compare le travail des anciens à celui de simples bergers qui prennent soin des brebis. C’était une métaphore courante. David l’a utilisée à propos de Dieu quand il a écrit : « Le Seigneur est mon berger » (Ps 23.1). Il arrivait souvent, dans l’Ancien Testament, que Dieu utilise cette métaphore pour désigner son peuple par le mot brebis, et les anciens d’Israël par le mot bergers (p. ex., Éz 34). Il est crucial que les personnes occupant la fonction d’anciens considèrent leur travail sous cet angle. Les meilleurs bergers faisaient paître leur brebis dans de bons pâturages ; ils les abreuvaient d’eau fraîche, les protégeaient des animaux sauvages, veillaient sur chacune individuellement, les nourrissaient quand elles étaient souffrantes et s’assuraient de leur sécurité en les plaçant dans leur enclos en fin de journée. Ils partaient à la recherche des brebis errantes, et faisaient tout leur possible pour les retrouver et les ramener en lieu sûr. Toutes ces responsabilités incombent aux anciens dans un sens spirituel. Les anciens sont les bergers assistants de Christ. Ils dirigent l’œuvre tout en gardant à l’esprit ce que Jésus-Christ, le chef de l’Église, souhaite les voir accomplir. Sa volonté est clairement exprimée dans la Bible. Dans la citation ci-dessus, Pierre souligne que les anciens doivent accomplir leur tâche avec bon cœur et non par attrait pour une rémunération terrestre. Jésus en personne, le chef du troupeau, les récompensera lors de son retour sur terre.
Ce travail doit être effectué par un leadership empreint d’un esprit de serviteur. Même dans l’Ancien Testament, les anciens devaient appliquer la pensée de Dieu parmi le peuple de Dieu pour leur bien spirituel dans un monde spirituellement hostile. Ils ne détenaient pas le pouvoir absolu d’agir à leur guise. S’ils agissaient de la sorte, Dieu exprimait son mécontentement concernant ce qu’il voyait. Par exemple, nous lisons dans Jérémie 23.1-4 :
Malheur aux bergers qui détruisent et dispersent le troupeau de mon pâturage ! dit l’Éternel. C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel, le Dieu d’Israël, sur les bergers qui paissent mon peuple : Vous avez dispersé mes brebis, vous les avez chassées, vous n’en avez pas pris soin ; voici, je vous châtierai à cause de la méchanceté de vos actions, dit l’Éternel. Et je rassemblerai le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées ; les ramènerai dans leur pâturage ; elles seront fécondes et multiplieront. J’établirai sur elles des bergers qui les paîtront ; elles n’auront plus de crainte, plus de terreur, et il n’en manquera aucune, dit l’Éternel.
Les anciens en Israël ne se souciaient pas du peuple de Dieu, et Dieu prévoyait de les remplacer par ceux qui prendraient soin de lui.
Les anciens sont des dirigeants dotés d’une autorité déléguée par Dieu, mais ils sont tenus d’user de cette autorité avec douceur, et dans un esprit de tendresse et d’amour à l’égard du troupeau
Il en va de même pour l’Église du Nouveau Testament. Les anciens sont des dirigeants dotés d’une autorité déléguée par Dieu, mais ils sont tenus d’user de cette autorité avec douceur, et dans un esprit de tendresse et d’amour à l’égard du troupeau, « non comme dominant sur ceux qui [leur] sont échus en partage, mais en étant les modèles du troupeau » (1 Pi 5.3). Leur persuasion en tant qu’anciens devrait découler en grande partie du magnétisme spirituel de leur caractère exemplaire, de la gestion de leur propre maison et de leurs compétences pédagogiques.
Parmi les anciens, certains se consacrent à la prédication et à l’enseignement. Paul y fait allusion lorsqu’il écrit à Timothée : « Que les anciens qui dirigent bien soient jugés dignes d’un double honneur, surtout ceux qui travaillent à la prédication et à l’enseignement » (1 Ti 5.17). Dans certaines Églises, ces derniers sont appelés « pasteurs » ; dans d’autres assemblées, ils portent des titres différents. Paul dit ici que ces personnes devraient être payées par l’Église et dûment rémunérées. Ce livre n’étant pas destiné à aborder ce sujet, nous nous contenterons de souligner deux choses. Tout d’abord, il est vital d’avoir un serviteur au sein de la direction de l’Église qui prêche régulièrement la Parole de Dieu. Cet individu devrait se sentir appelé à cette œuvre et manifester de toute évidence un don de prédicateur, car il remplira le même genre de rôle que Timothée et Tite dans le Nouveau Testament. Paul a écrit ceci à Timothée :
Toute Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre. Je t’en conjure devant Dieu et devant Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de son avènement et de son royaume, prêche la Parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant (2 Ti 3.16 – 4.2).
Il manque à l’Église un don essentiel de Dieu quand elle est dépourvue d’un tel serviteur. La santé et la croissance de cette Église seront inévitablement retardées.
Deuxièmement, il est tout aussi important qu’un tel serviteur travaille au sein de la direction de l’Église et non au-dessus d’elle. Pierre, un apôtre, se considérait tel un « ancien comme eux » (1 Pi 5.1). En outre, dans Actes 15, lorsque la question de la circoncision a été réglée par les dirigeants de l’Église à Jérusalem, apôtres et anciens l’ont fait conjointement (Ac 15.2,4,6,22). Les anciens ne relèvent pas d’un pasteur. Il est l’un d’eux. Ils travaillent ensemble en équipe. En raison de la centralité de la prédication de la Parole dans la vie de l’Église, la personne désignée pour être le « pasteur » assurera la direction du reste de l’équipe d’anciens de l’Église. Toutefois, ce statut n’implique pas que les autres doivent lui rendre des comptes. Il doit y avoir une responsabilité mutuelle entre le pasteur et le reste des anciens. Je le répète : le pasteur est l’un des anciens ; il n’est pas au-dessus d’eux.