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Sous le titre « Prédication, acte politique », un théologien protestant français lançait une grenade de christianisme révolutionnaire. Le théologien réformé évangélique W. Stanford REID, de l’Université de Guelph (Ontario), peut user de la même formule choc, mais tout autrement…

« Prêcher, d’accord ; mais il faudrait faire de l’action sociale. » Voilà comment s’expriment couramment les activistes de notre temps. Dans les milieux ecclésiastiques, également, on insiste sur l’insuffisance de la prédication. Le pasteur et l’Église, en tant que telle, devraient s’engager dans une action politique. Certains iraient même jusqu’à considérer la prédication comme secondaire. Si l’Église veut avoir la moindre influence aujourd’hui, au XXe siècle, elle devrait se manifester par des actes : en prêchant, elle ne fait que répéter des paroles qui s’usent à la longue. Or, en fait, la prédication correctement fondée sur l’Évangile est en elle-même un acte politique.

L’action politique

L’expression « action politique » couvre, en général, de nos jours, toutes les entreprises à objectif social. Il peut aussi bien s’agir de prendre part à tel boycottage ou à telle manifestation de masse que de se préoccuper du problème du logement, de l’ouverture d’un « coffee-bar », d’une crèche, d’un foyer ou de participer matériellement à la réfection d’une maison destinée à des économiquement faibles, etc. On pourrait allonger indéfiniment cette énumération. Cependant, ces actions, aussi bonnes et utiles qu’elles soient, restent superficielles. Elles sont autant de pansements posés sur des plaies à vif, mais dépourvus d’efficacité pour soigner le mal profond qui ronge notre société. A l’heure actuelle, le monde a moins besoin de calmants pour oublier la douleur que d’une médication puissante qui atteigne le mal à la base, c’est-à-dire s’attaque à l’homme lui-même. C’est seulement lorsque les hommes auront individuellement fait l’expérience d’un changement total, d’une réorientation de leur vie, que la société se retrouvera sur la bonne voie. Toute contrainte par la loi ou par la violence est inopérante en ce domaine. Certes, l’une et l’autre de ces méthodes peuvent avoir provisoirement de bons résultats, mais tôt ou tard, les anciennes misères réapparaissent. Une tout autre démarche est nécessaire pour résoudre durablement le problème.

C’est d’ailleurs ce que Paul a écrit à l’Église de Corinthe. Les intellectuels, les Grecs prétendaient que la philosophie était la seule réponse aux problèmes humains. Les activistes, les Juifs affirmaient, pour leur part, que pour faire face aux difficultés tant matérielles que spirituelles, l’homme avait besoin de miracles puissants et spectaculaires. Aux uns comme aux autres, Paul reproche de ne pas rechercher la vraie sagesse et la vraie puissance. Celles dont l’homme a vraiment besoin doivent le conduire à s’attaquer au cœur des problèmes qui le concernent, c’est-à-dire à lui-même.

Ceci est naturellement encore vrai de nos jours. Les intellectuels et les activistes se rejoignent dans la conviction que la révolution peut donner naissance à un monde nouveau. Les universités, les principales artères des grandes villes ainsi que les églises et les temples deviennent le théâtre de toutes sortes d’actions destinées à promouvoir un ordre économique et social meilleur. Et pourtant, en dépit des résultats souvent heureux qui ont pu être obtenus, rien d’essentiel n’a changé. Il arrive même que les victimes d’hier deviennent, à leur tour, des profiteurs abusifs qui font eux-mêmes ce qu’ils condamnaient et dont ils ont souffert. En fait, ce qui doit être changé complètement, c’est la mentalité de l’homme ou, comme le dit la Bible, c’est son « cœur ».

L’effet bénéfique de la prédication de l’Évangile

Tel est l’objet de la prédication de l’Évangile. Comme le précise Paul (2 Cor. 5), l’œuvre missionnaire de l’Église consiste à rechercher la réconciliation de Dieu et de l’homme. Pour cela, l’homme qui est en opposition fondamentale avec Dieu, doit changer radicalement d’attitude. Il tient à affirmer son indépendance alors que Dieu lui demande de reconnaître qu’il est sa créature et qu’il est un pécheur. Comme créature, il doit tout attendre de Dieu, et, comme pécheur, il ne peut rien espérer que de la grâce de Dieu (Col. 1 :15 et ss.). Lorsque le Saint Esprit fait son œuvre, l’homme devient une nouvelle créature qui se soumet à l’Évangile qui lui a été prêché.

L’effet bénéfique de la prédication de l’Évangile ne se limite pas, comme d’aucuns le soutiennent, au seul domaine « religieux ». Il s’étend à tous les aspects de la vie. Le chrétien s’efforce d’obéir au Christ en toutes choses et de rendre manifeste cette soumission dans chacun de ses actes.

Première conséquence : les relations avec autrui sont transformées. La proclamation fidèle de l’Évangile doit insister sur la nécessité de subordonner à la volonté du Christ tous les rapports humains au sein de la famille, au travail, à l’église ou ailleurs. Cette exigence ressort avec évidence de toute prédication entièrement conforme à l’Évangile.

Mais il y a plus. Les chrétiens doivent individuellement entendre l’appel de Dieu à pratiquer la justice et aimer la miséricorde, mission qui n’est jamais achevée. Un des autres objectifs de la prédication fidèle est d’inviter le chrétien à discerner et à soutenir les mesures qui favorisent la justice et l’équité là où il vit ; il doit également aider à ce qu’il en soit de même dans les autres pays, quel que soit leur système politique. Cela risque de conduire à certaines actions directes mais, fait plus important, il peut arriver que l’Évangile, s’il est fidèlement prêché, ait un impact tel que, presque inconsciemment, la société en vienne à faire siens les idéaux chrétiens.

L’influence du Christianisme sur l’Histoire

Si l’on jette un coup d’œil sur l’histoire, on est obligé d’admettre que la prédication a été un mode très efficace d’action politique. L’Église primitive, les réformateurs du XVIe siècle, le mouvement de réveil évangélique du XIXe siècle l’ont bien démontré. Cependant, ni les uns, ni les autres n’ont cherché à promouvoir de nouveaux régimes sociaux, économiques ou politiques. Ils n’ont pas rassemblé de fonds pour soutenir des groupes de libération ou des mouvements recherchant l’égalité. Leur premier pour ne pas dire leur seul objectif était d’amener les hommes à reconnaître Jésus-Christ comme leur Sauveur et leur Seigneur : de là devait découler tout le reste.

Et ils ont eu raison. L’influence du christianisme au sein de l’empire romain fut déterminante pour l’amélioration du statut de la femme, les soins aux pauvres, l’abolition de l’esclavage. La Réforme a eu des répercussions sociales, économiques et politiques plus grandes encore. Nombre des idées dont on parle beaucoup aujourd’hui, comme l’égalité de tous les hommes, le droit des individus et des peuples à disposer d’eux-mêmes sont les expressions sécularisées de l’enseignement de Luther, de Calvin et de leurs disciples. Au XIXe siècle, beaucoup des réformes adoptées sont imputables directement au Réveil évangélique : la protection des travailleurs exploités, la libération des esclaves noirs, les secours aux pauvres et aux persécutés.

Toutefois, les réformes sociales n’ont pas été le fait direct des Églises mais celui des chrétiens individuellement, qui ont exercé leur action à l’intérieur des gouvernements. Il n’en demeure pas moins que des décisions comme celles qui ont été adoptées sur les conditions de travail dans les usines britanniques n’auraient jamais pu l’être si le Comte de Shaftesbury, qui les a proposées, n’avait été soutenu par l’opinion publique. Les chrétiens avaient créé un climat favorable. Des prédicateurs comme Simon, Chalmers et Beecher ont exhorté, avec insistance, les chrétiens à faire preuve de compassion envers leurs semblables en toutes occasions. Par leur moyen, la prédication de l’Évangile a eu une profonde résonance dans le domaine social.

L’annonce de l’Évangile tâche prioritaire

A toutes les époques, la mission de l’Église est d’annoncer l’Évangile de la grâce de Dieu en Jésus-Christ. Telle est sa tâche prioritaire car elle lui a été confiée par le Seigneur lui-même. Contrairement à ce que paraît avoir pensé l’Église au Moyen Age et à ce que pensent beaucoup de chrétiens aujourd’hui, l’Église n’a pas à gouverner le monde. Il ne lui appartient pas non plus de forger des plans pour que s’établisse un nouveau régime politique ou social. Sa tâche consiste à amener les hommes au royaume de Dieu par la foi et l’obéissance au Christ et à préciser, chemin faisant, que l’emprise de l’Évangile doit s’étendre à tous les domaines de la vie. Le chrétien doit donc rechercher, en toutes choses, l’honnêteté, la justice et l’équité.

Le prédicateur expose l’Évangile aux chrétiens qui, vivant dans le monde, se doivent d’inciter la société à obéir au Christ. Il est bien certain que tous ne seront pas convaincus et que, parmi ceux qui auront la foi, beaucoup n’en percevront pas toutes les implications sociales. Mais les personnes qui, après avoir entendu et compris, passeront aux actes, œuvreront pour le salut de la société tout entière. C’est leur action sociale qui transformera vraiment la société, car elles auront été elles-mêmes transformées par la prédication de l’Évangile de la grâce.

L’action politique qui découle d’une prédication fidèle de l’Évangile est fort différente de celle qui est prônée par les révolutionnaires d’aujourd’hui : elle ne s’en tient pas, en effet, aux institutions et aux méthodes. Elle va au fond des choses et se trouve aux prises avec le péché qui est à la racine des maux dont souffre la société. De plus, puisqu’elle est issue de la grâce de Dieu, elle s’exprime par l’amour et non par la haine. Brûler, piller, contraindre : elle renonce à ces méthodes de violence pour atteindre ses objectifs ; c’est par la persuasion qu’elle veut conduire tous les hommes à pratiquer la justice en aimant la miséricorde (Michée 6 :8).

Par la prédication de l’Évangile, nous sommes d’abord conduits au Christ et, ensuite, envoyés dans le monde afin que l’œuvre de la grâce de Dieu dans notre cœur devienne manifeste dans toutes nos activités. Ainsi, on le voit bien : la prédication est un véritable acte politique.

Note de l'éditeur : 

Ichtus N°33 – Mai 1973 -Page 24 à 25

LA PRÉDICATION ACTE POLITIQUE

Par W. Stanford REID

Christianity Today, 4.6.71

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