Cette année le concert de l’Avent, TGC 2021 prend pour thème ce même chant.
Noyé au milieu des « Petit papa Noël » et des « All I want for Christmas », le célèbre cantique « Minuit, chrétiens » berce le mois de décembre. Chanté de par le monde, adapté en d’autres langues, il a résonné dans la bouche de Maria Carey, Pavarotti, Céline Dion ou du groupe Pentatonix, alimentant les playlists de Noël depuis des décennies. Les auteurs de ce célèbre cantique composé au 19è siècle n’auraient certainement pas pu prévoir que l’œuvre, créée à la base pour être chantée à la messe d’une église du Sud de la France, ferait le tour du monde et remplirait de sa poignante mélodie les marchés de Noël et couloirs des magasins du 21è siècle.
Ce cantique va au-delà de l’évocation d’un nourrisson posé délicatement dans la paille fraîche. Il dépasse les lumières de l’étoile qui brille dans le ciel et omet de nous pousser à écouter le chant des anges. Ce cantique est toutefois inspirant en ce qu’il nous transporte plus loin que le soir de Noël. Ce cantique est édifiant en ce qu’il nous amène à la fois au pied de la croix et aux portes du ciel.
Peuple, à genoux !
C’était pourtant mal parti : « Minuit », le premier mot, et déjà une liberté par rapport à l’histoire originelle, nulle trace de cette heure-là dans les Ecritures ! Mais c’est la suite qui doit attirer notre attention et toucher notre cœur : oui, c’est l’heure solennelle, le temps choisi par Dieu pour accomplir la promesse faite depuis des milliers d’années, à savoir : la venue du Sauveur. C’est l’heure solennelle, oui, un timing parfait : une jeune vierge prête, un fiancé dévoué, un recensement à-propos, des auberges inaccessibles pile cette nuit-là, une mangeoire disponible à ce moment-même dans ce petit village de Bethléhem. Cette heure est solennelle aussi parce qu’elle a été prédite. Attendue. Espérée. Comme l’excitation qu’on a devant la mairie en attendant les futurs mariés, ou celle à la porte du notaire au moment de l’achat d’un nouveau bien immobilier. Cette heure est venue. C’était la bonne. Dieu a tenu parole. Dans le bon timing d’une oppression romaine déjà en place, d’un audacieux Jean-Baptiste en préparation, de religieux pervertis par leur auto-suffisance, d’un futur gouverneur lâche et de l’existence du supplice de la crucifixion…
C’est l’heure solennelle où l’Homme Dieu descendit jusqu’à nous. Dieu qui descend. Dieu qui se fait homme.
Cette notion de colère de Dieu nous dérange. Et tant mieux. Sans colère, pas de repentance. Et sans repentance, pas d’espérance.
Quel contraste avec ces religions qui contraignent l’humain à se saisir d’habits divins en accumulant bonnes actions, prières pieuses et dons généreux, pour espérer s’octroyer une petite place auprès de la divinité. Dieu s’abaisse, Dieu se donne. Dieu prend la forme d’un petit enfant, dépendant et faible, fragile et délicat. Quelle humilité de la part de Celui qui est à l’origine de tout, qui mérite tous les honneurs et détient tous les pouvoirs ! Cet abaissement ne se fait pas pour venir chercher et accumuler toutes les bonnes œuvres que moi, faible humain, je pourrais offrir à un dieu qui, dans sa grande bonté m’ouvrirait alors le ciel. Non. Il s’inscrit dans une dynamique de réparation : Il efface. Il élimine, il retire, il anéantit, il couvre, pour reprendre la symbolique de l’expiation. Il nous débarrasse de cette « tache originelle » qui a alimenté le courroux de Dieu lui-même. « Courroux » ! Vision effrayante d’un vieil homme barbu saisissant les éclairs de sa main et son harpon vengeur de l’autre, qui pousse certains chanteurs à ôter ce mot du texte ? Cette notion de colère de Dieu nous dérange. Et tant mieux. Sans colère, pas de repentance. Et sans repentance, pas d’espérance. Mais la colère de Dieu est sainte. Certes, elle est vive. Mais son étendue est à la hauteur de la sainteté de Dieu, son intensité est proportionnelle à sa haine du mal, à son dégoût de l’injustice. Son intensité est aussi proportionnelle à la profondeur de mon péché. De ma haine. De mes manquements. De mon refus de capituler et laisser Dieu régner. De mon incapacité à croire que Dieu veut mon bien, même quand il laisse un arbre intouchable dans le jardin. Dieu est en colère, oui, mais sa colère est justifiée. Sainte. Contrôlée. Légitime. Inévitable.
La relation souhaitée en Eden a été brisée, cassée, anéantie… alors oui, peuple, mets-toi à genoux ! Fléchis tes jambes, baisse la tête et fais profil bas : Dieu est en colère contre toi, tu ne mérites pas le ciel. Attends donc ta délivrance, tu ne peux faire que cela, parce que ta délivrance ne peut pas venir de toi ! A genoux, parce que ce n’est que dans cet état-là que tu peux accueillir le Roi. Te saisir de cette espérance : cette nuit te donne un sauveur. Tressaille d’espérance ! Noël est là ! La délivrance approche, voici le Rédempteur !
Peuple, debout !
La délivrance ne s’achève pas au « Gloria » des anges perçant de leur chant la nuit tranquille. Elle ne s’arrête pas à l’adoration des bergers qui se sont hâté de partager autour d’eux les paroles entendues. La délivrance doit passer par la souffrance et la mort : « c’est pour nous tous qu’il nait, qu’il souffre et meurt ». Il fallait passer par là. Pas de délivrance sans brisure, pas de victoire sans souffrance, pas de pardon sans sang versé. Et c’est ce bébé couché dans la paille ce soir de Noël qui vivra quelques temps plus tard une Pâque dont il sera lui-même l’agneau.
C’est cet enfant emmailloté de langes qui portera le manteau de l’humiliation, la souffrance du fouet et l’horreur des coups de marteau. C’était nous, les esclaves, enchaînés dans les fers qui aurions dû vivre ce calvaire, mais Dieu, dans son infinie bonté, a changé notre statut : d’esclaves, nous voici devenus membres de la famille. D’enchainés, nous voici libres. La terre est libre et le ciel est ouvert ! Mais peuple, toi qui t’es mis à genoux, lève-toi donc ! Debout ! Exprime ta reconnaissance, c’est cela le cadeau que tu peux maintenant offrir à Dieu ! Chante ta délivrance, tu n’aurais jamais pu l’acquérir seul et tu ne le pourras jamais. Sois plein de reconnaissance et chante !
On raconte qu’Adolphe Adam, compositeur de la musique de ce cantique ne le portait pas en haute estime. Il a appelé cette œuvre : « la marseillaise religieuse ». Ceux qui ont déjà chanté la Marseillaise française dans les stades de foot, devant les monuments aux morts ou au 14 juillet comprendront l’effet entraînant et fédérateur de ce type de chant. Ce « debout » chanté haut et fort n’est pas une marque de fierté, mais une démonstration de victoire. Sans en imiter les propos sanglants, « Minuit chrétiens » produit un effet semblable.
En chantant « Peuple debout », n’a-t-on pas envie de saisir les épaules de ceux qui partagent cette espérance et de nous réjouir ensemble de cette délivrance ? Ne voudrions-nous pas associer le maximum de personnes à ce cri de victoire qui chante notre liberté et notre accès au ciel ? Levons-nous, saisissons cette espérance en ce n-ième Noël et chantons le Rédempteur ! Oui, amis Chrétiens, en ce soir de Noël, chantons le Rédempteur !
MINUIT, CHRETIENS !
Minuit, Chrétiens ! C’est l’heure solennelle
Où l’homme Dieu descendit jusqu’à nous
Pour effacer la tache originelle
Et de son père arrêter le courroux
Le monde entier tressaille d’espérance
A cette nuit qui lui donne un sauveur
Peuple, à genoux attends ta délivrance
Noël ! Noël ! Voici le Rédempteur !
Noël ! Noël ! Voici le Rédempteur !
Le Rédempteur a brisé toute entrave
La terre est libre et le ciel est ouvert
Il voit un frère ou n’était qu’un esclave
L’amour unit ceux qu’enchaînait le fer
Qui lui dira notre reconnaissance ?
C’est pour nous tous qu’il naît, qu’il souffre et meurt
Peuple, debout ! chante ta délivrance
Noël ! Noël ! Chantons le Rédempteur !
Noël ! Noël ! Chantons le Rédempteur !
(Paroles : P. Cappeau, Musique : A.Adam)