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Quatre heures du matin. Les signes ne trompent pas : sueur, frissons, fièvre et courbatures. La maladie vient de s’installer officiellement dans mon corps. Elle n’a pas demandé l’autorisation. Elle n’a pas prévenu de sa venue. Elle s’est subrepticement emparée de ma plus jeune fille qu’elle a utilisée pour s’approcher de moi. Et là, elle a pris toute la place. Occupé ma tête, envahi mon corps, épuisé mes forces, anéanti mon énergie. Elle ne m’a pas laissé le choix. Gestes barrières et protections n’ont pas suffi. Elle est là. Dans toute sa virulence. Dans toute son agressivité.

Je peux contrôler ma façon de réagir à celui qui me fait une queue de poisson sur la route. Je peux contrôler les montants que j’écris sur ma déclaration d’impôts ou ceux que je choisis de laisser à l’achat de tel ou tel objet. Je peux décider d’aller à Rennes, Paris ou Strasbourg, manger du riz ou des haricots, porter du bleu ou du gris, écouter Brel ou Freddie Mercury. Je peux diriger et décider de tant de choses dans ma vie. Mais contrôler ce nouvel occupant, je ne puis. Il est là. Me voici aux portes de l’inconnu : comment mon corps va-t-il réagir ? Vais-je faire une forme grave ? Aurai-je des séquelles ? A qui l’ai-je passé ? A qui pourrais-je le passer ? Il est là ce puissant inconnu qui a, dans sa folie, embarqué sur les chemins de la souffrance tant d’humains qui n’avaient demandé que le droit de vivre. Il est là cet ennemi qui épuise les soignants, enferme les enfants derrière des masques, cet effronté qui a volé des parents à leurs enfants, des époux à leur conjoint, des fils à leur mère. Il est là ce danger qui occupe les unes des journaux, le devant de la scène politique, les budgets des labos et les discussions de comptoir. Puissant. Universel. Supérieur.

Il me fait souffrir. Vraiment. Il me fait peur. Oui. Cet inconnu, cette incertitude, cette tempête à l’intérieur de moi, j’ai peur.

Devant ces flots violents, dans cette tempête menaçante, me voici à crier vers Celui qui semble dormir au bord du bateau, du moins, c’est ce que la solitude du malade me fait penser : « Maître, ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ? » (Marc 4.38) Je n’avais jamais remarqué la formulation de ce verset avant ce mois de janvier 2022, mon mois du COVID-19. Dans cette question, toute l’incohérence de la race humaine, toute sa contradiction… Les disciples s’adressent au maître, au Roi, au Souverain, à Celui qu’ils ont déjà vu dans la force de Ses miracles, dans la toute-Puissance de Ses guérisons…Il est là, il dort. Au fort de la tempête. Celui qu’ils appellent « Maître » et qui peut tout reçoit leurs reproches lapidaires : « On est sur le point de mourir, Jésus, l’eau remplit la barque, les flots sont violents, le bois du bateau menace de céder, nous sommes trempés et transis de froid, tous ces éléments qu’on n’a PAS choisis qui sont là, menaçants au point de peut-être nous ôter le souffle qui remplit nos poumons, et toi, CA NE TE FAIT RIEN ? » Pardon ? Est-ce bien la voix d’humains s’adressant au Roi des rois ? Mais, petit d’homme, produit de la poussière, vapeur qui paraît pour un temps et puis disparait, fétu de paille et éphémère amas de chair, ça ne te dérange pas de lever la voix ainsi sur Celui à qui nous devons la vie, le mouvement et l’être ? Tu n’as pas honte de poser ce genre de question ? « Maître, ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ? » N’est-ce pas Lui qui a comblé de farine la veuve affamée de Sarepta ? N’est-ce pas Lui qui a nourri de cailles et de manne des milliers de personnes pendant des dizaines d’années au désert ? N’est-ce pas Lui qui connaît le nombre de nos cheveux, la chute de l’oisillon et le nombre de jours inscrits sur le livre de vie ? N’est-ce pas Lui qui a accompagné Schadrac, Méchac et Abed-Négo au sein de la fournaise ? N’est-ce pas lui qui a établi un timing parfait entre la visite d’Esther et la potence d’Haman, permis à Anne et Sara d’enfanter, délivré les faiseurs de briques de l’emprise des créateurs de pyramides, envoyé les corbeaux auprès d’Elie et encouragé Néhémie à motiver le peuple de reconstructeurs de murailles ?

« Ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ? »  Mais quelle question insultante ! Bien sûr qu’il s’en inquiète ! Parce que le plus grand péril qui nous menace, ce n’est pas ce virus contagieux, cette invasion de notre corps par la maladie, ni même la dépose de notre dépouille dans une boîte de bois, ni la perte de nos organes au fond des océans ou la disparition de notre être sous les tonnes de neige de l’avalanche ! C’est ainsi depuis Genèse 3 et ça attend chacun de nous, la mort me guette à tout moment. Elle peut prévenir comme elle peut me surprendre. Le plus grand des périls, c’est la séparation éternelle d’avec Dieu. Celle qui nous priverait à jamais de la chaleur, de l’amour, de la beauté, de la justice, de la miséricorde, de la sainteté du Dieu créateur. Oui, les flots qui mugissent effraient, oui, le virus qui m’habite m’angoisse et me fait souffrir mais il n’est rien à côté de ce que pourrait vivre mon âme si elle ne se laissait pas dompter par le puissant Rédempteur ! Alors oui, Jésus s’inquiète de mon péril. Oui, Jésus se soucie de ce que je vis ici et maintenant. Il a pris en charge le plus menaçant, le plus violent, le plus universel des périls : celui causé par le péché, à savoir la séparation éternelle d’avec Dieu. Il a géré cette menace en y laissant sa vie, il s’en est inquiété au point de franchir la porte de la souffrance, au point d’entrer dans l’antre des douleurs et subir les coups de l’infâmie.

« Ne t’inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ? » […] Quelle ingratitude dans cette question, quelle ignorance dans ce reproche… Et pourtant, Jésus ne se formalise pas : Il se réveille, agit de suite. La mer se tait. Deux mots suffisent pour ramener le calme et rappeler aux disciples atterrés qu’Il est et reste le maître de toutes choses.

Quelle ingratitude dans cette question, quelle ignorance dans ce reproche… Et pourtant, Jésus ne se formalise pas : Il se réveille, agit de suite. La mer se tait. Deux mots suffisent pour ramener le calme et rappeler aux disciples atterrés qu’Il est et reste le maître de toutes choses.

Et si le vent n’avait pas cessé ? Si Jésus s’était tu et avait laissé les flots mugir, le ciel gronder ? Si la barque s’était écrasée contre les rochers ? ça aurait pu. Une tempête, c’est horrible, mais c’est un phénomène normal. Un virus mortel, c’est horrible, mais ça circule. Un cancer, c’est odieux mais ça tue encore. Un chauffard, une mauvaise chute, un caillot qui bouche des artères, une mauvaise intoxication…on peut ne pas y survivre, mais est-ce là le pire des périls ?

J’ai survécu au COVID-19. A ce jour. Ce n’était pas mon heure. Dieu me laisse la vie, un jour, un mois, un an, 10 ans…je ne sais. Mais ce non-invité imposant dans mon corps m’a permis de réfléchir à mon sort. A ma réaction-toute humaine, toute fragile- dans la tempête. Je l’entends d’ici, Jésus, Dieu fait homme, dire aux disciples : « Pourquoi avez-vous ainsi peur ? Comment n’avez-vous point de foi ? » Oh, Seigneur, je crois. Merci de te soucier de moi. Dans la souffrance, comme dans la guérison, viens au secours de mon incrédulité !

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