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Note de l'éditeur : 

Ichthus N° 38 de décembre 1973 – Pages 2 à 5

Les guerres sont si fréquentes dans l’Ancien Testament qu’on peut avoir l’impression qu’elles ont été la distraction favorite de l’Israélite et de son Dieu. Avant d’admettre ce point de vue, nous devons voir ce que la Bible dit de la question, en commençant par l’Ancien Testament lui-même.

Tout d’abord, nous découvrons que l’Ancien Testament condamne vigoureusement « les peuples qui aiment la guerre 1 » Ceux-ci doivent être dispersés et brisés. Dans une attaque mordante contre le grand agresseur de son temps, Esaïe dénonce la méchanceté et la puérilité de ceux qui vont à la guerre comme un petit garçon va dénicher les oiseaux, afin d’en rapporter des trophées et de trouver du plaisir à répandre la terreur 2. Amos, de son côté, prêche contre les petits guerroyeurs : les petites nations qui sont sans cœur, autant que les grandes, et ne s’arrêtent devant aucune cruauté pour maintenir les hostilités ou agrandir leur territoire3. Même David, dont la plupart des guerres ne furent point dépourvues de vrais motifs, et qui haïssait la vengeance, a été jugé indigne de construire le Temple, « car tu es un homme de guerre et tu as versé du sang 4 ». Dans l’Ancien Testament, l’objectif ultime reste un monde en paix, dont les armes seront détruites ou transformées pour servir un art plus noble et d’où les peurs auront disparu.

Cependant, aspect plus connu, dans l’Ancien Testament, les guerres paraissent, non seulement admises ou recommandées, mais encore certaines d’entre elles sont appelées « les guerres de l’Éternel 5 », tandis que le Seigneur Lui-même est comparé à un guerrier6. On fait la guerre avec ardeur : les hommes d’Israël se battent pour vaincre et célèbrent bruyamment la victoire. Ils évoquent dans leurs chants les cadavres dispersés et le sang léché par les chiens. Ils dépeignent Dieu « s’éveillant comme un héros qu’a subjugué le vin. Et il frappa ses adversaires en fuite… 7 » Sans doute est-ce là le langage exubérant de la poésie ; mais ne serait-ce pas aussi une manière de faire rejaillir sur Dieu la soif de sang des fanatiques ? Il nous faut de nouveau laisser l’Ancien Testament répondre lui-même.

Les problèmes les plus délicats ne concernent probablement pas les guerres de défense ou de libération, mais plutôt les exterminations en masse de l’ennemi. Voyons ce que la Bible dit à ce sujet.

1. L’Ancien Testament

1. Ces exterminations sont des sentences judiciaires de caractère punitif et purificateur.

La plupart de ces opérations ont été dirigées contre les nations de Canaan et leur justification ne réside pas simplement dans le fait que leur terre était réservée et donnée à Israël, mais bien plutôt dans celui que les habitants de ce pays étaient mûrs pour le jugement. Cela est dit dans le texte biblique de différentes manières. Deutéronome 9 : 5 l’exprime ainsi : « … ce n’est point à cause de ta justice et de la droiture de ton cœur…, mais c’est à cause de la méchanceté de ces nations… » Un peu plus loin, le verset 20 insiste sur la nécessité de mettre un terme à la perversion morale de ces peuples « … afin qu’ils ne vous (Israël) apprennent pas à imiter toutes les abominations… » Ces dernières avaient atteint, en effet, un point culminant. Les habitants du pays de Canaan servaient leurs dieux en se livrant à toutes les abominations qui sont odieuses à l’Eternel ; ils brûlaient même leurs fils et leurs filles en l’honneur de leurs dieux8. Cette soif de pureté morale ne serait-elle qu’un prétexte commode pour justifier l’agression ? Il existe deux indices significatifs du contraire :

-le premier est qu’Israël a dû attendre 400 ans avant d’avoir le droit d’envahir le pays, car l’iniquité des Amoréens n’était pas encore à son comble9. Ceci signifie, en d’autres termes, qu’Israël, en s’emparant de son héritage prématurément, aurait commis rien moins qu’un vol, malgré la promesse. Ainsi, au commencement de son histoire, le peuple de Dieu a appris que le patronage divin ne le faisait bénéficier d’aucune dispense dans l’ordre moral. Rares sont les nations modernes qui font preuve de tant de scrupules.

-le second réside dans le fait qu’Israël a été menacé, lui-même, du même sort s’il commettait les mêmes péchés. Et la menace a été dûment exécutée.

2. C’est Dieu, et non Israël, qui a commencé la série des exterminations.

Les deux premières exterminations qui nous sont rapportées, et qui constituent de loin les plus importantes, sont, d’une part, le déluge au temps de Noé et, d’autre part, la chute de Sodome. Elles sont, toutes les deux, présentées comme des jugements dus à la décadence morale, exactement comme ceux qui frappèrent les Cananéens. Ainsi se trouve détruite l’idée selon laquelle Israël, en faisant la guerre, a tout bonnement confondu son zèle avec celui de Dieu, dont la miséricorde n’aurait jamais permis de tels massacres. A ceux qui pourraient être tentés de soutenir que l’Écriture elle-même s’est trompée en considérant ces deux catastrophes comme des jugements divins, on doit objecter que cette explication est en contradiction tant avec le Nouveau Testament qu’avec l’Ancien (comme nous allons le voir) ; elle reviendrait à nier la réalité de la Providence. Se pourrait-il que Dieu en soit réduit à tirer le meilleur parti possible des aberrations désastreuses de la nature ? Loin de là, l’Ancien Testament s’accorde à présenter Dieu comme un Dieu dont les actes de salut et de jugement peuvent ôter la vie par le feu ou l’eau, la peste ou l’épée, la mer Rouge ou « une flèche au hasard », selon ses desseins.

3. A ceux qui demandaient grâce, grâce a été faite.

Il en a été ainsi pour Noé et sa famille, Lot et ses filles, Rahab et sa maisonnée et ceci malgré le décret d’extermination. Il est intéressant aussi de découvrir que les rois d’Israël, dans des guerres ne revêtant pas le même caractère extrême, s’acquirent parmi leurs ennemis la réputation d’être des rois miséricordieux10. Diverses règles explicites ou non se devaient, en effet, d’être appliquées. Contre des ennemis non destinés à la destruction totale, la pratique de la terre brûlée était interdite11 ; avant d’assiéger une ville, il fallait lui offrir des conditions de paix qui, en comparaison de celles fort brutales des Ammonites12, tranchent favorablement. Il ne faut certes pas exagérer cette modération ; si une ville optait pour le combat ou était prise d’assaut, tous les mâles, excepté les enfants, étaient « passés au fil de l’épée 13 ». Cette règle peut cependant laisser sous-entendre que ce traitement ne s’appliquait qu’à ceux qui ne voulaient pas se rendre ; d’habitude, en effet, les Israélites faisaient des prisonniers et n’admettaient pas qu’on les tue14.

2. Le Nouveau Testament

1. Le Nouveau Testament est en plein accord avec l’Ancien sur ces événements.

Le déluge, la chute de Sodome, les jugements dans le désert, la captivité sont tous considérés comme de justes jugements divins. La guerre elle-même ne fait pas exception. Loin d’attribuer la destruction des Cananéens à l’excès de zèle humain, Paul la considère comme l’œuvre de Dieu, sans même faire mention de la participation de l’homme : « … Il supporta leur conduite près de 40 ans dans le désert » dit l’apôtre « … puis, ayant détruit sept nations au pays de Canaan, Il leur en accorda le territoire comme propriété 15 ». Aucune trace d’embarras. Pas davantage d’hésitation au sujet de ce que nous appellerions les guerres politiques qu’Israël a menées, non pour punir, mais pour survivre et avoir la liberté. Aux patriarches et aux martyrs, Hébreux 11 joint une liste de guerriers, des hommes dont les exploits s’opérèrent sur les champs de bataille, des hommes « qui par la foi, vainquirent des royaumes … furent vaillants à la guerre, mirent en fuite des armées étrangères16 ».

2. Ces événements sont l’ombre des choses à venir.

C’est ainsi que notre Seigneur les considérait, et non pas comme des choses « anciennes, malheureuses, perdues dans un vague lointain », caractéristiques de l’Ancien Testament et d’un type de dieu tribal depuis longtemps périmé. Il y aura des guerres et des désastres jusqu’à la fin de l’histoire humaine. Ce qui est arrivé du temps de Noé arrivera de même à la fin des temps ; car l’Ancien Testament ne nous donne qu’un avant-goût, la pleine réalité est devant nous. Même quand on l’y poussait, Jésus s’est refusé à moraliser ou à philosopher sur la violence humaine ou sur les désastres naturels de son temps ; il ne les voyait pas comme des problèmes, mais bien plutôt comme des signes d’un monde prêt à périr et comme des appels à la repentance17.

Dans cette attitude, Il a rejoint les prophètes qui ont parlé du Jour de l’Eternel qu’ils discernaient par-delà les guerres, les invasions de sauterelles ou les tremblements de terre, qui se sont produits de leur temps.

3. Le jugement dernier redressera la justice imparfaite de l’histoire.

C’est un des points forts de l’enseignement du Seigneur. « Au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous. », « … le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que vous. », « Les hommes de Ninive se lèveront, au jour du jugement, avec cette génération et la condamneront » 18. II répond au souci de justice que l’on trouve déjà dans les prières des intercesseurs de l’Ancien Testament lors de jugements temporels qui frappaient sans distinction, ou dans leurs protestations contre des exécutants à « la main trop lourde » alors « qu’il n’était que peu irrité (Zach. 1 :15) ». « Le Juge de toute la terre » doit agir selon la justice (Gen. 18 :15). Au temps d’Abraham déjà, ce privilège s’imposait en toute clarté, même si l’on n’a compris que peu à peu la vie présente ne fait qu’ouvrir le compte de chacun (à la banque de Dieu) et que la date de sa mort ne compte guère pour le grand partage des destinées dernières : « la vie éternelle » ou « l’opprobre et la honte éternelles 19 ».

4. Les armes de l’Église sont spirituelles.

L’enseignement du Nouveau Testament à ce sujet est tellement net qu’on ne peut l’éluder. Mais Israël a été à la fois Église et État, et il est également clair que les armes de l’État sont matérielles. De façon plus précise, si l’essence de la puissance d’un État est d’ordre moral car   « la justice élève une nation » , l’État doit cependant avoir à sa disposition les moyens de se faire obéir. La tâche spécifique des magistrats est de promouvoir l’ordre et la justice, soit de façon positive « en approuvant les gens de bien », soit par des sanctions concrètes « en punissant les malfaiteurs 20 ». Ces sanctions supposent le recours à « l’épée 21 ». Or, il serait artificiel de croire que Dieu a destiné l’épée à être tirée uniquement contre les ennemis de l’intérieur et à être mise au fourreau contre les envahisseurs de l’extérieur. Une telle conception mettrait en opposition l’Ancien et le Nouveau Testament sur un point où, comme nous l’avons vu, le Nouveau Testament ne s’inscrit pas du tout en faux contre l’Ancien, puisqu’il approuve autant ses guerres et ses guerriers que sa vision d’un monde enfin en paix.

Naturellement, la distinction nouvelle entre Église et État, l’opposition totale entre la Croix et l’épée, leurs armes respectives, suscite des problèmes de conscience au chrétien : il a des obligations envers les deux et il ne peut résoudre ses problèmes en reniant l’une ou l’autre obligation. L’Écriture, dans les deux Testaments, nous exhorte, en effet, à ne pas rejeter cette dualité mais à la considérer comme incluse dans le dessein de Dieu. Il s’est servi, pour son œuvre la plus profonde, des martyrs, des prophètes et des apôtres prêts à mourir pour la vérité qu’ils annonçaient. Mais ces hommes ne dénigraient pas pour autant l’usage des armes, soit pour empêcher le hors la loi de nuire, soit pour résister à l’ennemi aux frontières. D’après l’épître aux Hébreux, les exploits guerriers accomplis « par la foi » aussi bien que les martyres supportés « par la foi » ont préparé les voies de l’Évangile22.

La vigne du Seigneur exigeait autant le rude travail du défrichage, de la pose de la clôture et de la garde vigilante, que l’art plus subtil du vigneron ; en fin de compte, il s’agit d’une seule et même opération effectuée sous la direction du seul et même propriétaire : l’Ancien Testament nous aide à le comprendre.


1 Ps. 68.31, trad. Bible de Jerusalem ; 2 Esaïe 10.13 ss ; 3 Amos 1.11-13 ; 4 1 Chr. 28.3 ; 5 Nomb. 21.14. ; 6 Ex. 15.3. ; 7 Ps. 78.65 ss ; 8 Deut. 12.31 ; 9 Gen. 15.16 ; 10 1 Rois 20.31 ; 11 Deut. 20.19 ; 12 1 Sam. 2  par exemple ; 13 Deut. 20.13 ; 14 2 Rois 6.22 ; 15 Actes 12.18-19 ; 16 Hébreux 11.32-34 ; 17 Luc 13.1-5 ; 18 Mat. 11.22, 24 ; Mat. 12.41 ; 19 Dan. 12.2 ; 20 1 Pierre 2.14 ; 21 Rom. 13. 4 ; 22 Hébreux 11.32-38.

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