Introduction
Hier ma voisine m’a parlé du régime qu’elle venait de commencer : le régime « banane », qui consiste à consommer uniquement de la banane avant le repas de midi. Pour sa première journée, elle avait décidé de ne manger que des bananes toute la journée. On s’est croisé à 16h. Elle était déjà dégoûtée des bananes.
Le parent réfléchi (un rappel)
Voici le troisième et dernier article d’une petite série au sujet de la parentalité en mode « pilote automatique » : une manière de parler de notre fonctionnement « naturel », de nos actions et réactions « irréfléchies » dans le contexte familial. Comme on a vu dans le premier article, l’apôtre Paul appelle tous les membres des familles chrétiennes des églises de Crète (Tite 2) à être « réfléchis » (c’est-à-dire intentionnels, maîtres de soi) dans leurs rapports les uns avec les autres afin d’honorer pleinement (S21) ou de rendre attrayante (Semeur) la doctrine de Dieu notre Sauveur.
Le fardeau de Paul en Tite 2 est à la fois pastoral et missionnaire : pastoral dans le sens où il veut encourager la croissance et l’épanouissement des chrétiens crétois dans le contexte familial ; et missionnaire dans le sens où il veut que la beauté de ce que vivent les chrétiens en famille donne envie aux non-croyants (y compris certains habitants des maisons chrétiennes) de connaître Christ et son évangile.
Si le MESSAGE ou l’appel de Paul était sous les feux des projecteurs dans le premier article, c’était la MISE EN PRATIQUE de l’appel de Paul (en nous appuyant sur les conseils de Jacques en 1.19-20 de son épître) qui nous préoccupait dans le deuxième. Et dans ce troisième article, notre point focal sera la question de MOTIVATION : comment trouver la motivation pour la mise en pratique du message de Paul (et de Jacques, et de manière ultime de Jésus !) quand la flemme éteint notre flamme en tant que parent ?
En guise de rappel, voici le texte qui se situe au cœur de cette série, Tite 2.11-14 :
En effet, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été révélée. Elle nous enseigne à renoncer à un mode de vie impie et aux convoitises de ce monde et à vivre dans le temps présent conformément à la sagesse, la justice et la piété en attendant notre bienheureuse espérance, la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Il s’est donné lui-même pour nous afin de nous racheter de toute faute et de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié et zélé pour de belles œuvres.
Dans l’espace de quelques versets, Paul nous déroule comme sur un tapis rouge l’impact de la grâce de Dieu en rapport avec notre passé, notre présent, et notre avenir. C’est le verset 13 concernant notre « bienheureuse espérance » qui nous intéresse particulièrement face au problème de flemme parentale.
La flemme parentale
Comme ma voisine avec son régime « banane », nous nous fixons des objectifs avec les meilleures intentions du monde pour nos familles. Inspirés par un article (peut-être comme celui-ci), ou un livre, ou un webinaire, ou un podcast, ou une discussion avec un autre parent, nous décidons de changer, et puis nous nous renseignons sur les meilleurs moyens d’atteindre nos objectifs.
Mais comme c’était le cas pour ma voisine (alors que pour la plupart d’entre nous, ça prend un peu plus de temps), tôt ou tard on perd l’énergie, et la motivation nous manque pour persévérer dans le processus qui mène à un vrai changement durable. Après une suite d’échecs de ce genre, on arrête de se fixer des objectifs en famille et d’imaginer qu’un changement conséquent soit possible, et on acquiesce au statu quo caractérisé par un fonctionnement familial en mode « pilote automatique ».
Mais un des « bienfaits » qui descendent du Père des lumières (cf. l’article précédent), un composant clé de la « doctrine » de Dieu notre Sauveur, c’est ce que Paul appelle en Tite 2.13 « notre bienheureuse espérance » : l’attente active de « la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ ».
Ranimer la flamme
Comme c’est le cas pour n’importe quel feu, les flammes de nos aspirations parentales pour notre famille auront tendance à s’éteindre si elles ne sont pas bien alimentées. Si l’évangile était le bois de ce feu, l’espérance d’une résurrection glorieuse serait l’oxygène. Malheureusement, pour beaucoup de chrétiens, alors que le bois ne manque pas, les flammes s’éteignent faute d’oxygène. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
Les flammes de nos aspirations parentales pour notre famille auront tendance à s’éteindre si elles ne sont pas bien alimentées. Si l’évangile était le bois de ce feu, l’espérance d’une résurrection glorieuse serait l’oxygène.
Mise à part les débats eschatologiques concernant la fin des temps, qui sont trop souvent déconnectés de la vie quotidienne des croyants en Christ, des sujets comme la résurrection des morts, le jugement final, les salaires et les récompenses, la rédemption de la création, et les noces de l’Agneau sont peu enseignés, discutés, médités, exploités pour leurs ressources « combustibles » et donc énergétiques sur le plan spirituel. Mais la Bible ne se lasse pas de présenter ces vérités aux croyants comme une motivation puissante à l’obéissance, à la persévérance, à la progression dans la piété et la sainteté.
En voici un exemple tiré de la deuxième épître de Pierre (3.11-14) :
Puisque tout notre monde doit être dissous, combien votre conduite et votre piété doivent-elles être saintes ! Attendez et hâtez la venue du jour de Dieu, jour où le ciel enflammé se désagrégera et où les éléments embrasés fondront. Mais nous attendons, conformément à sa promesse, un nouveau ciel et une nouvelle terre où la justice habitera. C’est pourquoi, bien-aimés, dans cette attente, faites tous vos efforts pour qu’il vous trouve sans tache et irréprochables dans la paix.
Ce passage de 2 Pierre n’est pas unique. Il n’est pas rare non plus. Comme a fait Jésus lui-même pendant son ministère terrestre, les écrivains du Nouveau Testament encouragent les croyants à persévérer dans l’attente active du retour glorieux de notre Seigneur, le moment culminant de l’histoire humaine quand tout sera mis en lumière, quand les réalités cachées seront dévoilées, et quand tout être humain rendra des comptes à son Créateur pour la manière dont il a géré les ressources (et particulièrement les ressources humaines) qui lui ont été confiées pendant sa vie terrestre.
Paul a probablement en tête ce moment de révélation et de redevabilité quand il dit ceci au jeune pasteur, Timothée : Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme qui a fait ses preuves, un ouvrier qui n’a pas à rougir mais qui expose avec droiture la parole de la vérité (2 Timothée 2.15). Il a certainement ce moment en tête quand il dit ceci quelques chapitres plus tard : j’ai combattu le bon combat, j’ai terminé la course, j’ai gardé la foi. Désormais, la couronne de justice m’est réservée. Le Seigneur, le juste juge, me la remettra ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront attendu avec amour sa venue (2 Timothée 4.7-8). Dans les deux cas, le pasteur (ou apôtre) anticipe un jugement devant Dieu où la qualité de son accompagnement pastoral serait évaluée à la lumière de sa persévérance dans le ministère de la parole et dans la prédication de l’évangile.
L’épreuve du feu
Ce qui me motive particulièrement (et me fait trembler aussi !), c’est de reconnaître les parallèles que l’apôtre Paul rend explicites dans ses épîtres entre la charge pastorale et la charge parentale (cf 1 Thessaloniciens 2.7-12, par exemple). Tout comme un pasteur rendra des comptes devant Dieu un jour pour la manière dont il a dirigé et prit soin de l’assemblée que le Seigneur a placée sous sa charge pastorale, un parent rendra des comptes devant Dieu, un jour, pour la manière dont il ou elle a dirigé et prit soin de la famille que le Seigneur a placée sous sa charge parentale.
Tout comme un pasteur rendra des comptes devant Dieu un jour pour la manière dont il a dirigé et prit soin de l’assemblée que le Seigneur a placée sous sa charge pastorale, un parent rendra des comptes devant Dieu, un jour, pour la manière dont il ou elle a dirigé et prit soin de la famille que le Seigneur a placée sous sa charge parentale.
Paul décrit ce moment en 1 Corinthiens 3 comme une épreuve de feu qui indiquera ce que vaut l’œuvre de chacun. Si l’œuvre que quelqu’un a construite (et là il parle du ministère pastoral et de son investissement dans les vies des membres de l’assemblée) sur le fondement (de la prédication de l’évangile) subsiste (comme Shadrak, Méshak et Abed-Nego dans la fournaise ardente), il recevra une récompense. Si son œuvre brûle, il perdra sa récompense ; lui-même sera sauvé, mais comme au travers d’un feu (vv 13-15).
À la lumière de 1 Corinthiens 3, et prenant en compte les parallèles entre la charge pastorale et la charge parentale, je reconnais que l’œuvre dont il est question pour un papa comme moi concerne particulièrement mon investissement spirituel dans la vie de mon enfant. La qualité de mon travail en tant que parent sera « dévoilée » (1 Corinthiens 3.13) au jour du jugement quand le feu révélera la réalité de ce qui s’est passé dans le cœur de mon enfant. Est-ce que je serai uniquement et entièrement responsable de la situation spirituelle de mon enfant devant Dieu ce jour-là ? Bien sûr que non ! Mais est-ce que je rendrai des comptes devant Dieu pour ma contribution à ce qui s’est passé dans l’âme de mon enfant pendant sa vie terrestre, et particulièrement pendant les années où il ou elle était sous ma charge ? Je crois que la vision biblique de l’autorité spirituelle soutient une réponse affirmative à cette question.
Ma joie et ma couronne
Effectivement, l’anticipation d’une épreuve de feu qui dévoilera la qualité de notre œuvre (qu’il s’agisse d’une charge pastorale ou d’une charge parentale) nous sert de motivation puissante pour la persévérance dans un fonctionnement familial « réfléchi ». Mais les Écritures nous proposent une deuxième motivation puissante liée à la notion de « récompense ».
Paul nous en donne un aperçu en 2 Corinthiens 1.14 quand il dit que les frères et les sœurs de l’église de Corinthe seront son « sujet de fierté » au jour du Seigneur. Il évoque la même idée à la fin de Philippiens 3 quand il parle du retour du Seigneur qui transformera « notre corps de misère pour le rendre conforme à son corps glorieux » (3.20). Dans le verset suivant, il dit ceci : « C’est pourquoi, mes très chers frères et sœurs que je désire tant revoir, vous qui êtes ma joie et ma couronne, tenez ferme dans le Seigneur, mes bien-aimés » (4.1).
L’affection que Paul exprime pour ces chrétiens que le Seigneur a placés sous sa charge pastorale et apostolique ressemble à l’affection d’un père pour ses enfants bien-aimés. Et que dit ce papa spirituel à ces enfants dans le Seigneur ? Vous êtes ma joie et ma couronne.
La gloire du royaume de Dieu est une gloire qui se manifeste « par ricochet ». La gloire de Dieu le Père se révèle en Christ, son Fils bien-aimé. La gloire de Christ se révèle dans l’Église, son Épouse. La gloire d’un mari se révèle dans la beauté et l’épanouissement de sa femme (1 Corinthiens 11.7 ; Ephésiens 5.25-28). La gloire d’un parent (que ce soit un parent spirituel ou biologique) se révèle de cette même manière dans la vie de son enfant.
Dans un de ses chants de montée, le roi Salomon exprime cette idée ainsi : « l’héritage que l’Éternel donne, ce sont des fils ; les enfants sont une récompense » (Psaume 127.3). Et quand le prophète Ésaïe décrit la gloire future de Jérusalem, il est question d’une descendance pour la femme stérile : « Éclate de joie et pousse des cris de triomphe ! » (54.1) lui dit le Seigneur par la bouche du prophète. « Tous tes fils seront disciples de l’Éternel et leur prospérité sera grande (54.13 ; cf aussi Jn 6.45) . . . Tel est l’héritage des serviteurs de l’Éternel, telle est la justice qui leur viendra de moi, déclare l’Éternel » (54.17b).
Conclusion
Comme c’était le cas pour ma voisine avec les bananes, on se fatigue rapidement des disciplines que l’on s’impose dans la poursuite d’un objectif lointain. Mais voilà deux motivations puissantes à faire tous nos efforts pour ranimer la flamme et pour alimenter le feu d’une parentalité réfléchie qui rendra attrayant l’évangile de Christ aux yeux de nos enfants ainsi qu’aux yeux des autres membres de notre entourage qui seront spectateurs de l’œuvre de la grâce au sein de notre famille. Un tel feu familial, bien nourri et entretenu au cours des années ici-bas, nous équipera avec nos enfants pour traverser l’épreuve de feu comme des Shadraks, des Méshaks et des Abed-Negos (Ils virent que le feu n’avait eu aucun pouvoir sur le corps de ces hommes, que les cheveux de leur tête n’avaient pas brûlé, que leurs habits n’étaient pas abimés et qu’ils ne sentaient même pas le feu ; Daniel 3.27).
Et quelle joie sera la nôtre quand nos « couronnes », notre héritage, sortiront du feu purificateur sans tâche, ni ride, ni rien de semblable, mais saintes et irréprochables. Avec les êtres vivants et les anciens d’Apocalypse 4, nous donnerons gloire, honneur et reconnaissance à celui qui est assis sur le trône, en déposant nos couronnes à ses pieds et en déclarant avec joie : Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance, car tu as créé toutes choses (toute créature et toute nouvelle créature) et c’est par ta volonté qu’elles ont été créées et qu’elles existent.
Dans l’anticipation de la joie et de la gloire de ce grand jour, persévérons, chers amis, dans une parentalité réfléchie. Refusons tout fonctionnement familial en mode « pilote automatique ». Et gardons en tête cette exhortation de Paul en 1 Corinthiens 15, la conclusion de sa méditation sur la résurrection finale : Ainsi mes frères et sœurs bien-aimés, soyez fermes, inébranlables. Travaillez de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail n’est pas sans résultat (ou « inutile », Bible Semeur) dans le Seigneur.