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« Toute la discipline d’une église devrait être motivée par l’amour. Vous aimez ? Alors disciplinez ». Jonathan Leeman, dans son livre « La discipline d’Église », prend le contre-pied par rapport à la manière dont les églises du 21esiècle envisagent souvent la discipline et l’excommunication (un mot qui fait frémir beaucoup de chrétiens). Pour lui, discipliner démontre : qu’on aime l’individu et qu’on cherche à l’avertir pour l’amener à la repentance ; qu’on aime l’Église et qu’on veut protéger sa réputation ; qu’on aime le monde, qui, en observant les églises, doit y voir la puissance transformatrice de Christ ; qu’on aime Christ.

Des principes généraux… des cas particuliers

Dans son ouvrage, Jonathan Leeman commence par poser un cadre et des principes, qu’il s’agira ensuite d’appliquer avec sagesse dans les cas particuliers qui se présentent aux églises. Il reconnaît, en effet, que « les pécheurs sont extrêmement créatifs. Les gens ne suivent pas toujours une recette quand ils concoctent un péché ; chacun est fait maison et a un goût légèrement différent ». Il n’y a donc pas de règles précises disant « face à ceci, faites cela ». Dieu appelle les responsables d’église à la sagesse dans leur manière d’appliquer la discipline à partir des principes clairs de l’Écriture.

Une responsabilité de juger le péché

Selon Jonathan Leeman, les autorités de l’église locale ont reçu, de la part de Dieu, une responsabilité de juger le péché. Cela apparaît par exemple en Matthieu 18,15-17, où Jésus décrit plusieurs étapes à suivre face à une personne qui se dit chrétienne, mais qui pèche. « Devant des personnes qui prétendent représenter Jésus, mais dont la vie démontre le contraire, les églises doivent examiner les preuves avec soin et rendre un jugement : s’agit-il d’une profession de foi valide ? Cette personne pratique-t-elle véritablement l’Évangile ? Que suggèrent les faits ? ».

On trouve la même démarche en 1 Corinthiens 5, où Paul encourage l’église à exercer une fonction judiciaire, à « juger ». Paul, dans ce contexte, demande que l’homme pécheur soit « livré à Satan », ce qui signifie qu’il doit être « traité comme un païen et un publicain, comme quelqu’un qui ne fait plus partie de la communauté de l’alliance », comme quelqu’un qui n’appartient plus au royaume de Dieu.

La discipline veut… faire des disciples

Mais pourquoi ne pas simplement pardonner le péché ? Est-ce vraiment nécessaire de discipliner ? Un des buts essentiels de la discipline, c’est d’amener le pécheur à la repentance. On le voit en Matthieu 18 : l’objectif des différentes étapes, c’est la repentance de celui qui s’égare. « La discipline d’église fait partie du processus de formation du disciple. Elle sert à corriger un péché et à orienter un disciple vers une meilleure voie », écrit Jonathan Leeman. Parfois, la discipline va donc au-delà de la simple formation : elle devient corrective. Elle reprend, elle exhorte, elle sévit.

La raison est simple : un chrétien est censé représenter Christ. Nous avons été sauvés non seulement pour obtenir un nouveau statut et entrer dans une nouvelle famille, mais aussi pour nous engager dans une nouvelle mission. « Dieu veut que son peuple soit connu et distinct, qu’il y ait une démarcation entre son peuple et le monde. Il veut que nous soyons saints, parce que lui-même est saint ». Nous sommes des ambassadeurs. Il est donc légitime d’attendre d’un chrétien qu’il cherche à représenter Christ et qu’il porte des fruits. Si tel n’est pas le cas, la discipline devient nécessaire.

A partir de quelle « gravité de péché » la discipline est-elle nécessaire ?

La discipline est censée se vivre constamment, en privé : redresser avec douceur, s’exhorter mutuellement à ressembler davantage à Jésus-Christ, etc. Mais à partir de quand faut-il passer de cette discipline privée (l’exhortation) à la discipline publique ? Faut-il envisager une discipline publique à chaque égarement ?

Si l’on synthétise le propos de Jonathan Leeman, on constate qu’il soulève deux critères importants. Le premier, c’est la gravité du péché et sa persistance. S’agit-il d’une erreur unique ou d’un comportement opposé à l’essence de l’Évangile ? Lorsque le péché devient un trait de caractère, l’église doit discipliner, encourage Jonathan Leeman. « L’Église ne s’inspire pas de listes de péchés qui justifient qu’on applique la discipline, mais d’une seule question : peut-elle continuer d’affirmer que la profession de foi d’une personne est crédible ? ». Il existe par exemple une différence entre un mensonge sporadique dont la personne se repent, et un mensonge sur lequel un individu bâtit sa vie et qu’il refuse d’abandonner.

Le deuxième critère (lié au premier), c’est le manque de repentance. En Matthieu 18, ce qui conduit les dirigeants de l’église à passer d’une étape à l’autre, c’est le manque de repentance. Le pécheur, mis en face de ses péchés, s’endurcit. Or, le signe qu’un chrétien est habité par l’Esprit de Dieu, c’est qu’il se sentira tôt ou tard tellement mal qu’il reviendra sur le droit chemin. En résumé, le péché est-il apparent, grave et sans repentance ? Dans ce cas, la discipline publique s’impose.

Le sens de l’excommunication

Si donc, malgré tous les avertissements, le pécheur persiste dans son péché et ne se repent pas sincèrement (en paroles, mais aussi en actes), la discipline débouche, à sa dernière étape, sur l’excommunication, qui consiste « à retirer à un individu son statut de membre et son privilège de participer à la Sainte Cène ». Mais il ne s’agit pas d’interdire à quelqu’un d’assister aux rencontres publiques de l’église.

L’excommunication consiste à enlever le statut de membre à quelqu’un. Pour Jonathan Leeman, le statut de membre est la déclaration de citoyenneté, la reconnaissance, par l’église, que telle personne est bel est bien citoyen du royaume de Dieu (voir https://evangile21.thegospelcoalition.org/article/statut-de-membre-nos-eglises/)

Par l’excommunication, l’église déclare publiquement « qu’elle n’est plus en mesure d’appuyer la profession de foi d’une personne en lui conférant le titre de chrétien ». L’individu est placé en dehors de la communion. « L’Église ne peut plus attester de la citoyenneté des cieux d’un individu ».

Les notions des « clés » et de « lier et délier », en Matthieu 16 et Matthieu 18, impliquent que « l’Église locale a l’autorité de Dieu pour affirmer qui est citoyen de son royaume ». Attention, les anciens ne lisent pas dans les cœurs, mais ils ont l’autorité de prononcer des déclarations publiques fondées sur le fruit public. « L’Église ne fait pas d’une personne un citoyen du royaume de Dieu, mais elle assume la responsabilité de déclarer qui appartient ou n’appartient pas au royaume de Dieu », affirme Jonathan Leeman. « Protéger le nom de Jésus est l’une des principales tâches de l’Église ». Et il ajoute : « Dieu confie une tâche à nos églises : prendre soin de son nom et de son honneur devant les nations. Que cela nous plaise ou non, le monde tirera des conclusions sur Dieu en se basant sur nous ».

Beaucoup de sagesse et de sensibilité

Ayant posé tous ces principes, Jonathan Leeman précise qu’il faut une grande sensibilité pastorale : sagesse, patience et prière sont capitales pour avoir une compréhension biblique équilibrée de chaque situation. « Les chrétiens devraient avancer lentement, de façon réfléchie et avec grâce ». Dans la dernière partie de son livre, il expose plusieurs situations concrètes auxquelles des pasteurs ont été confrontés, et montre comment la discipline a été appliquée. Par exemple : que faire avec quelqu’un en proie à une addiction ? Avec  celui qui provoque des divisions ? Avec la personne qui commet un adultère ? Avec le membre absent ?

L’auteur donne aussi de nombreux garde-fous pour éviter que la pratique de la discipline fasse exploser une église : il faut préparer l’église de manière pédagogique, communiquer les choses aux membres avec sagesse, trouver le bon équilibre entre une discipline précipitée et une discipline qui tire en longueur.

On peut terminer avec cette citation de Jonathan Leeman : « Dieu veut que sa Parole ait comme toile de fond des vies transformées. Ces vies changées font que le témoignage d’une église est saisissant. Le monde n’a aucunement besoin d’une pâle version christianisée de lui-même ».

Pour aller plus loin : Confidentialité et discipline d’Église

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