Cet automne, un homme du nom de Jason Thomas a posté sur Facebook une lettre, vieille d’un an, de mise sous discipline venant de son Église, celle de Watermark à Dallas au Texas.
« Nous n’avons pas d’autre choix que de vous radier de notre liste de membres et de vous traiter comme quiconque vit sans communion avec Dieu, » dit la lettre adressée à Thomas, lequel est dans une relation homosexuelle. « Cela signifie que vous n’êtes plus désormais membre du corps local à Watermark. »
Thomas a pris à partie l’Église dans son message sur Facebook : « J’ai passé des années dans votre Église à batailler contre mon homosexualité. Je croyais de tout mon cœur que Dieu me changerait ; je priais pour ce changement presque chaque jour. Mais comme je n’étais pas capable de changer, vous m’avez tourné le dos … Merci de vous ôter vous-mêmes de ma vie ! Je suis ce que Dieu m’a fait. Je ne peux changer mon orientation sexuelle et je ne le voudrais pas. »
Cette histoire a déclenché une avalanche de lettres, articles et nouvelles. Mais aucun d’eux n’a raconté l’histoire complète, dit Todd Wagner, pasteur de cette église, qui a trois sites, et qui voit se rassembler plus de 14000 personnes un week-end ordinaire.
Soin et correction au cœur de la discipline d’Église
« Nous sommes un royaume de prêtres [Ex. 19:6], » dit Wagner, qui a commencé cette œuvre de Watermark il y a 16 ans. « Nous prenons au sérieux l’appel de Dieu à nous soucier les uns des autres, tout comme devrait le faire toute église sérieuse. »
Selon son livret d’instruction pour devenir membre, Watermark : « peut déchoir un membre du troupeau de la position de membre » pour les raisons suivantes :
- Le reniement de son accord, exprimé précédemment, avec le texte intitulé « Ce que nous croyons » (exposé en 12 sections parmi lesquelles la Bible, les anges, le mariage et les temps de la fin)
- Une conduite qui ruine le témoignage de l’église ou des manifestations évidentes d’un éloignement continu et sans repentance de la moralité biblique
- Le fait de manifester un manque d’intérêt et/ou une inactivité dans la vie de l’Église
- D’autres raisons telles qu’on les trouve dans les Écritures
Le processus de séparation « devra suivre ce qui est exposé dans l’Écriture, » ce qui veut dire Matthieu 18:15–17:
Si ton frère pêche, va et montre lui sa faute entre toi et lui seul. S’il t’écoute tu as gagné ton frère. Mais s’il ne veut pas t’écouter, prends avec toi une ou deux personnes, de sorte que « toute question sera établie par le témoignage de deux ou trois témoins. » S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église ; et s’il refuse même d’écouter l’Église, traite-le comme un païen ou un collecteur d’impôts.


En suivant donc ce modèle, la discipline de l’église — ou, comme Watermark l’appelle, soin et correction — n’est pas mise en route par les dirigeants de l’Église, mais au travers des petits groupes communautaires dont chaque membre fait partie. Wagner encourage les membres de l’église à corriger ceux dont ils sont proches avec gentillesse et humilité. « Je reçois la ‘discipline de l’église’ neuf fois par jour de la part de ma femme, » dit-il. « Quatre-vingt-dix-neuf pour cent du temps notre soin et notre correction sont privés, personnels et informels. »
Les signatures qui figurent sur la lettre reçue par Thomas de la part de l’église ne sont pas seulement celles des anciens, mais aussi celles de chaque membre de son groupe de quartier qui initièrent le processus et marchèrent avec lui tout au long de celui-ci – ceux qui l’aimaient et l’encourageaient dans sa marche avec Christ, nous dit Wagner.
Ses amis et la communauté de l’église lui offrirent même un endroit pour vivre quand il avait besoin de rendre davantage des comptes quant à son problème et de recevoir de l’aide tandis qu’il partageait ses combats contre l’homosexualité avec eux, nous dit Wagner. Il y a quatre ans, Thomas partagea son témoignage quant à son séjour à Watermark, et déclara que les membres lui avaient montré pour la première fois qu’il pouvait être réconcilié avec Christ ; qu’ils l’aimaient, disait-il et qu’ils étaient des « rochers » dans sa vie.
Mais après les premiers mariages de ses amis Thomas dut affronter la perspective de se retrouver seul pour le reste de sa vie et il commença à écrire pour The Dallas Morning News. Il se joignit à une équipe gay de volley-ball et se mit à faire des rencontres avec d’autres hommes. Son petit groupe de quartier l’encourageait à s’éloigner des lieux où il se savait tenté et à profiter des occasions de formation de disciples offertes par l’église, ce qu’il fit durant des mois.
Watermark ne souscrit pas à la thérapie réparatrice, mais elle a un ministère pour aider quiconque se débat avec n’importe quel péché, depuis l’attraction homosexuelle jusqu’à la colère ou aux désordres alimentaires.
« Nous ne déclarons pas quelqu’un guérit quand il dit : ‘Je ne désire plus désormais de relations homosexuelles,’ dit Wagner. « Nous les déclarons saints quand ils se mettent à se battre contre le péché et la mort, contre la tentation, qui fait la guerre à nos âmes. »
À mi-chemin de ce processus, qui prend des années, se sentant « seul, malheureux et en colère contre Dieu, » Thomas décrocha et commença à sortir avec un autre homme. Durant six mois, son petit groupe l’encouragea à rompre, ce qu’il fit. Mais, une semaine plus tard, il reprenait cette relation et son petit groupe élargit alors le cercle de ceux qui étaient impliqués dans l’église au sujet de ce problème jusqu’à ce que soient inclus les conducteurs et les anciens.
Au total, les dirigeants de l’église et le petit groupe dont Thomas faisait partie le rencontrèrent durant plus d’une année.
« Nous n’aurions jamais envoyé cette lettre à quelqu’un qui nous dirait : ‘Ami, aide-moi ! Je suis bloqué dans mon péché,’ » dit Wagner. « Dans le cas dont nous parlons ce furent des heures de rencontres et bien des larmes. C’est dans un cercle composé de ses amis et des responsables du ministère qu’il déclara finalement : ‘Les gars, je ne considère plus ce que je fais comme mauvais.’ »
La lettre rappelait des heures de discussions antérieures, d’encouragements, d’exhortations et de prières, comme cela se pratiquait, selon Wagner, comme « une période à la fin de nombreuses conversations .” Ce type de lettres ne vient jamais comme une surprise, dit-il.
Après la réception de la lettre, Thomas et quelques-uns de ses amis qui avaient la même pensée, quittèrent Watermark.
Les poursuites judiciaires
Watermark est très claire quant à sa démarche de correction, et c’est exactement ce que recommande Christiana Holcomb, une avocate de Alliance Defending Freedom (L’Alliance pour la Défense de la Liberté).
« Les églises ont encore une grande liberté, sous le régime du Premier Amendement, pour se gouverner elles-mêmes comme elles le jugent approprié, et cela inclut l’établissement de critères pour devenir membre et pour pratiquer la discipline d’église, » dit-elle. Les problèmes que des églises ont rencontrés et qui les ont amenées en justice se sont produits quand un individu n’a jamais voulu se plier à l’autorité de l’église ou quand les conducteurs ont annoncé les raisons pour lesquelles ils pratiquaient la discipline à leur congrégation durant le culte d’adoration où tout le monde est là.
Holcomb recommande une charte formelle de la position de membre, comme en a une Watermark, incluant l’assentiment aux articles de foi de l’église – il est même encore mieux d’y inclure une claire définition de la sexualité et du mariage. Les membres devraient aussi savoir comment l’église conduit sa discipline.
« Les membres ont besoin de savoir ce pourquoi ils signent, » dit-elle. L’engagement des membres de Watermark déclare que « en signant cet engagement et en acceptant d’être membres dans cette église, tous les membres se soumettent au soin et à la correction du conseil des anciens et ne peuvent quitter leur position de membres pour tenter d’éviter ces soins et cette correction. »
Les tribunaux aussi considèrent avec suspicion les incohérences, aussi le fait d’envoyer des lettres pour d’autres péchés en plus d’un comportement homosexuel sans repentance est tout à fait sage, dit-elle. Watermark a fait cela dans un cas, demandant à un membre de la quitter à cause de son apathie spirituelle après que les membres de son groupe de quartier aient parlé longuement avec lui au sujet de son absence de volonté de s’engager par rapport à la Bible ou l’église et alors qu’il devenait de plus en plus apathique en ce qui concernait les soucis de sa femme, dit Wagner.
Même si quelqu’un qui a été radié de la position de membre est toujours accueilli dans les cultes de l’église, les individus qui ne se repentent pas reçoivent une communication claire du fait qu’ils seront traités par l’église comme des incroyants, a-t-il déclaré.
« Comment traitons-nous les non-croyants ? » nous dit Wagner. « Nous les aimons en partageant l’évangile avec eux et en plaidant avec eux pour qu’ils se repentent – mais nous ne les invitons pas dans une communion fraternelle en bonne et due forme avec nous. En dernier ressort Jésus est responsable de savoir si un individu est membre de son troupeau, mais nous sommes responsables de rendre clair à leurs yeux le fait qu’ils ne persévèrent plus dans la fidélité à Jésus et, de ce fait, qu’ils ne peuvent rester plus longtemps dans la participation à cette communion. »
La discipline d’Église : Un travail difficile
La correction de l’église, particulièrement quand elle est administrée par ceux qui sont les plus proches d’une personne sur celle-ci, est dure, nous dit Wagner. « De nombreuses personnes préféreraient traiter le péché dans leur propre vie que de traiter celui-ci dans la vie d’un frère ou d’une sœur, et nous devons constamment rappeler au corps de Christ parmi nous que dire la vérité dans l’amour fait partie de ce que cela signifie aimer Christ lui-même (Gal. 6:1–2, Prov. 27:5–6, 1 Thess. 5:14). »
Le corps de Christ, comme l’union conjugale, demande « une ferme attention, » dit-il. « Le conflit [dans le but de corriger] est une occasion de glorifier Dieu, de servir les autres et de grandir nous-mêmes. C’est une opération gagnant-gagnant-gagnant. »
Il encourage les pasteurs à enseigner à leurs membres comment bien s’engager dans le conflit : « C’est une gloire pour l’homme d’oublier une offense [Prov. 19:11] . . . mais quelque chose qui déshonore Dieu, endommage les relations, blesse d’autres personnes ou compromet le ministère est une offense trop grave pour être oubliée. »
La correction par l’église est faite au mieux « non pas isolément, impulsivement ou avec un sentiment de supériorité, » déclare Wagner. Les conducteurs de l’église ne devraient pas exercer la correction seulement avec les « moins respectables, » les péchés évidents, dit-il encore.
Mais quand la correction est pratiquée bien et justement, les pasteurs ne devraient pas se tracasser au sujet de la façon dont leurs paroles peuvent être présentées dans les médias. « Mon travail est de pratiquer la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec le Seigneur, et non d’éviter d’être critiqué, » dit-il.
La meilleure réponse à la critique publique est de garder profil bas, dit-il encore. « Je ne m’attends pas à ce que le monde, qui ne partage pas ma vision du monde, m’écoute et dise que tout est bien. »
Néanmoins il y a encore de la place pour une explication ou une réponse réfléchies. Quand un éditeur du The Dallas Morning Newslui a demandé d’écrire une lettre ouverte pour partager la perspective de l’église, il en a écrit une, veillant à la faire lire aux autres frères avant de l’envoyer. Et il a profité de l’occasion pour prêcher un message sur le sujet : « un amour coupé de la vérité de Dieu … n’est pas du tout un amour, mais tout simplement des baisers séducteurs. »
Alors que l’église Watermark est attristée de la perte de Thomas, et prie pour son retour, la publicité qui a entouré son départ a, en fait, fortifié la conviction de la congrégation, nous dit Wagner.
« Le sérieux que nous mettons à prendre soin les uns des autres et à protéger la cause de Christ les a encouragés, » dit-il. Wagner a entendu « pas moins de 50 à 80 » personnes dans la congrégation et ailleurs dans le pays, remercier l’église pour ses actions. Peu après que Thomas ait été rejeté de l’église, un autre membre qui avait reçu une telle lettre est revenu à Watermark, repentant et reconnaissant l’amour que l’église avait pour lui.
« Nous avons eu un grand moment de célébration de la réconciliation de cet homme avec le corps de Christ et de sa restauration comme membre à part entière. »
Il dit que Watermark soupire après la même réconciliation avec Thomas un jour.
Pour aller plus loin : Confidentialité et discipline d’Église