Prêcher une histoire
J’aime les histoires. Vous aimez les histoires. Votre congrégation aime les histoires. Le monde incroyant aime les histoires. De telles histoires, Dieu les a données, à travers ses scribes inspirés, pour nous façonner! Elles nous inspirent à agir, à évangéliser les perdus à travers le Seul qui est venu chercher et sauver les perdus. Voici sept suggestions pour prêcher un sermon à partir d’un récit biblique.
1. Choisissez la péricope appropriée
Choisissez la péricope appropriée.[1] Cette suggestion est évidente et généralement facile à faire, car la plupart des traductions de la Bible divisent correctement les différents récits pour vous. Par exemple, dans la S21, l’histoire de Samson est divisée comme suit:
Juges 13: Naissance de Samson
Juges 14: Mariage de Samson
Juges 15: Exploits de Samson contre les Philistins
Juges 16.1-22: Samson prisonnier des Philistins
Juges 16.23-31: Mort de Samson
Bien sûr, avec n’importe quel long récit des Écritures, il est possible de faire un sermon et de couvrir l’intrigue. Cependant, il est impossible de rendre justice à tous les détails importants. Ainsi, je suggère, pour l’histoire de Samson, que l’exposant ne rend justice à l’histoire que si la série comporte cinq sermons. Par ailleurs, si l’on dépasse ce nombre, les sermons ne correspondraient plus aux cinq intrigues distinctes.
Cela dit, il y a des moments, surtout dans les Évangiles, où deux ou trois histoires doivent être racontées ensemble dans un sermon, car cela suit le mieux l’intention de l’auteur. Par exemple, les trois courtes histoires de miracles — la purification d’un lépreux, la guérison du serviteur du centurion et la disparition de la fièvre de la belle-mère de Pierre, ainsi que son ministère le soir où Jésus «chasse les esprits [mauvais] […] et guérit tous ceux qui étaient malades» (Mt 8.16) — sont tous destinés à illustrer le même point : «Ainsi s’accomplit ce que le prophète Esaïe avait annoncé: Il a pris nos faiblesses et il s’est chargé de nos maladies.» (8.17, citant Es 53.4). Jésus est le serviteur prophétisé dont les souffrances vainquent la maladie, la mort et le diable. Matthieu 8.1-17 devrait être prêché en un seul sermon.
2. Revivez l’histoire
Après avoir choisi la péricope appropriée, notre prochaine tâche est de revivre l’histoire. «Les histoires de la Bible,» écrit Leland Ryken, «ne parviendront à nous toucher que dans la mesure où nous exerçons notre imagination et nous nous évadons de notre propre temps et lieu dans un autre temps et un autre lieu.»[2] L’un des grands atouts du récit est son pouvoir de nous transporter, de nous faire quitter notre temps et notre lieu pour nous immerger dans une autre époque et un autre endroit. Nous y sommes transportés en comprenant le cadre, les personnages et l’intrigue. Nous y reviendrons plus bas. Pour l’instant, nous nous immergeons dans l’histoire aussi pleinement que possible avec un objectif central à l’esprit: comprendre, puis expliquer, illustrer et appliquer l’expérience humaine exprimée dans le récit biblique.
3. Ne négligez pas le contexte
Pour illustrer l’importance du contexte, passons en revue l’histoire de la conversion de Zachée. Où se déroule l’histoire? La première ligne présente le héros (Jésus), sa première action («il est entré»), la ville où il est entré («Jéricho») et sa raison d’entrer dans Jéricho, («Jésus… traversait la ville» Luc 19.1). L’expression «traversait» rappelle au lecteur la mission ultime de Jésus à Jérusalem (il la traverse parce que le Calvaire est sa mission) et ajoute une touche d’ironie. La mission de Jésus, telle qu’elle est clairement énoncée dans la dernière phrase de ce récit, est qu’il «est venu chercher et sauver ce qui était perdu» (v. 10). Le salut de Zachée par Jésus s’accorde parfaitement avec le métarécit de la croix. Il n’était pas simplement de passage par hasard à Jéricho. Il y est venu pour sa mission divine pré-ordonnée de sauver un certain collecteur d’impôts. Il est venu pour abattre les murs du cœur endurci de Zachée.[3]
En parlant de cet homme, remarquez comment Luc, dans le cadre de l’histoire, passe rapidement du héros, Jésus, au personnage principal, Zachée. Il le fait d’une manière souvent utilisée dans les Évangiles pour présenter quelque chose ou quelqu’un d’important: «Et voici.» Les traductions qui ne traduisent pas καὶ ἰδοὺ ne parviennent pas à comprendre l’intention. Le personnage que nous devons «voir» (s’arrêter et bien observer) est nommé (quelque chose d’inhabituel dans les Synoptiques), sa profession est indiquée («un chef des collecteurs d’impôts»), et sa position financière dans la société est notée («il était riche», v. 2). Au verset 3, sa taille (une description de caractère rare dans la Bible) est également mentionnée («il était de petite taille»).
Chaque détail nous prépare aux actions qui suivent. Parce qu’il était petit, Zachée devait grimper à un arbre pour voir Jésus. Parce qu’il était chef des collecteurs d’impôts, il était méprisé par ses compatriotes juifs comme un traître cupide qui aurait escroqué beaucoup de gens («Tous murmuraient: ‘Il [Jésus] est allé loger chez un homme qui est un pécheur’», v.7). Parce qu’il était riche, sa déclaration de repentance est remarquable («Voici, Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres. Et si j’ai fraudé quelqu’un, je lui rends quatre fois plus», v.8). Le détail concernant la richesse de Zachée sert également de contraste avec le jeune homme riche, qui a refusé d’obéir au commandement de Jésus. Jésus avait ordonné à cet homme de vendre tout ce qu’il possédait (18.22); Zachée, sans le savoir, obéit. Peut-être n’a-t-il pas tout donné, mais il a dû s’en approcher: la moitié aux pauvres; l’autre moitié à ceux qu’il avait appauvris.
Ainsi, avec cet exemple, voyez-vous à quel point le contexte est important, ou peut souvent l’être? Ne le négligez pas. Imprégnez-vous-en. Mettez-le en avant.
4. Identifiez les personnages; Identifiez-vous avec les personnages
Notre prochaine tâche consiste à nous concentrer sur les personnages du récit, à la fois pour les identifier et ensuite pour nous identifier à eux. Je propose ces quatre étapes.
Tout d’abord, dressez la liste de tous les personnages de l’histoire.
Deuxièmement, une fois les personnages réunis, classez-les en personnages principaux et secondaires, en déterminant le rôle de chacun dans l’intrigue. Identifiez le/les personnages centraux et ceux qui s’opposent à lui/eux ; c’est-à-dire, étiquetez les protagonistes et les antagonistes. Une autre classification plus avancée consisterait à distinguer ce que les critiques littéraires appellent un personnage «type» (qui ne présente qu’un seul trait), et un personnage «complexe» (quelqu’un dont les attitudes, actions et dialogues donnent l’impression d’une personne réelle et pleinement développée).[4]
Troisièmement, observer et analyser chaque personnage clé. «Le point de départ d’une bonne analyse de caractère est un œil attentif à l’évidence.»[5] Les deux premières étapes ne devraient prendre que quelques minutes. Vous pouvez le faire. Vous devriez le faire! Cette troisième étape prend environ une demi-heure.
Quatrièmement, après avoir identifié les personnages et leurs traits, cherchez à vous identifier avec eux. Voici une liste de contrôle que Ryken propose pour analyser les personnages:
– Agence: Qui ou quoi caractérise-t-on dans un cas donné?
– Mode: Une information donnée constitue-t-elle une caractérisation directe ou indirecte ? Dans le premier cas, le commentaire est-il une description objective ou une évaluation d’un personnage?
– Dans une information donnée, approuvez-vous ou désapprouvez-vous ce que fait un personnage ? Dans l’ensemble, un personnage donné est-il présenté positivement ou négativement dans cette histoire?[6]
Nous nous immergeons dans l’histoire aussi pleinement que possible avec un objectif central en tête : comprendre, puis expliquer, illustrer et appliquer l’expérience humaine exprimée dans le récit biblique.
5. Divisez la séquence de l’intrigue
Diviser l’intrigue en ses parties constituantes n’est pas comme rédiger un rapport pour un séminaire postdoctoral sur l’astrophysique. «N’importe qui peut diviser une histoire en ses unités successives et identifier les conflits de l’intrigue et formuler une déclaration précise de l’action unificatrice d’une histoire. Il suffit d’être convaincu que ce sont les bonnes choses à faire avec une histoire.»[7] L’objectif d’une telle division est de produire un aperçu simple et compréhensible de l’histoire,8 un aperçu exégétique qui servira de base pour un plan homilétique clair et fidèle. Ne précipitez pas le processus nécessaire :
Nous ne devrions pas nous précipiter d’aborder les idées religieuses ou morales dans une histoire biblique […] Dans de nombreux travaux bibliques, sermons et études, on consacre trop de temps ou d’espace aux idées des récits et pas assez de temps ou d’espace à revivre l’histoire et à absorber les expériences humaines qui y sont dépeintes avec une clarté accrue.[9]
Laissez la structure et le mouvement du texte guider l’organisation et le développement du sermon. En racontant l’histoire assurez-vous de préserver son intégrité et son dynamisme. Maintenez l’intrigue fluide et évitez de perturber le récit avec des exemples distrayants, des applications superflues ou des digressions sans importance.
6. Passer de l’Histoire au Thème
Pour tout texte biblique, l’une des principales tâches du prédicateur est de saisir et de communiquer clairement la vérité conceptuelle. Cette tâche est simple lorsqu’il s’agit de prêcher une épître. La proposition de Paul est votre point. S’il écrit: «Ne vous conformez pas à ce monde, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence», vos deux points d’exégèse et d’application sont évidents. Mais qu’en est-il d’une histoire? Les récits bibliques offrent une vérité représentative, où un thème se dévoile à travers une histoire où les personnages incarnent des réalités et l’intrigue illustre la vérité. Par exemple, l’histoire de David et Goliath (1 Samuel 17) communique que «Dieu est plus puissant que le champion le plus intimidant que ses ennemis aient pu mettre de l’avant et qu’il bénit ceux qui agissent avec une foi intrépide.» [10] Ou, dans l’amnistie de Barabbas et la condamnation de Jésus («Pilate relâcha pour eux Barabbas… et livra Jésus pour être crucifié», Marc 15.15), nous trouvons la grande doctrine du suprême échange sous forme de récit.
Ainsi, chaque récit biblique, comme toute bonne histoire, incarne l’expérience humaine de manière à nous amener à la revivre avec les personnages, mais chaque histoire transmet également un message ou un thème. «Quelle est la grande idée ? » est une question que les prédicateurs formés sous Haddon Robinson ont appris à poser et à répondre. Ce n’est pas la seule question à poser, mais elle est importante, surtout en ce qui concerne les récits. Parfois, la grande idée n’est pas énoncée dans le texte et donc difficile à déduire, comme dans l’histoire de David et Goliath. (La clé, alors, n’est pas d’allégoriser ou de moraliser, mais d’étudier, de demander à des amis érudits et de prier.) D’autres fois, le narrateur lui-même ou un personnage de son histoire partage la grande idée. C’est d’une aide considérable ! Voici quatre exemples où Jésus partage la vérité centrale du texte:
« Sachez que le Fils de l’Homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés » (Marc 2.10)
« Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie » (Marc 6.4)
« Va, et fais de même » (Luc 10.37)
« Le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19.10)
Ainsi, si vous prêchez la parabole du bon Samaritain (Luc 10) comme une allégorie sur la manière dont Jésus, en tant que bon Samaritain ultime, a payé pour tous nos péchés, vous avez manqué le point; ou si, en racontant l’histoire de la conversion de Zachée (Luc 19), vous pensez que sa quête de Jésus prime sur celle de Jésus cherchant le collecteur d’impôts perdu, vous avez les deux thèmes à l’envers. C’est cette grande idée clairement énoncée, ou soigneusement déduite, qui devient alors l’accent principal du sermon.
7. Situer dans le Contexte
Pour prêcher efficacement les récits bibliques, il est fondamental de situer l’histoire dans son contexte historique, théologique et littéraire. L’histoire de Ruth ne peut être pleinement comprise et appliquée que si l’on connaît le lien entre le contexte historique («À l’époque des juges», Ruth 1.1), la tragédie personnelle de Ruth (la mort de son mari, 1.5), son mariage heureux avec son rédempteur Boaz (4.13), et la promesse de l’alliance davidique («elle a donné naissance à un fils. Ils l’ont nommé Obed… Obed eut pour fils Isaï et Isaï eut David», 4.13, 17, 22; cf. 2 Samuel 7).
En outre, suivant le modèle de la prédication apostolique, nous devrions prêcher chaque récit particulier en relation avec le métarécit de la Bible, l’histoire de Dieu et du salut de son peuple qui s’étend de la création à la nouvelle création. Cette grande histoire inclut «les alliances avec Israël et les nations qui ont été données à Abraham, Moïse et David […] l’envoi de Jésus le Messie et sa vie, sa mort et sa résurrection […] un jugement à venir auquel tous les hommes doivent faire face» et la «bonne réponse», à savoir «croire en Jésus, ce qui signifie croire en tout ce qui a été dit à propos de Jésus». Lorsque nous «prêchons à travers n’importe quel segment narratif de la Bible», conseille Paul House, «les prédicateurs devraient garder à l’esprit ce récit grandiose».[11]
Cet article a été initialement publié sur Crossway. La traduction est publiée ici avec permission.
Cet article est adapté de The Beauty and Power of Biblical Exposition: Preaching the Literary Artistry and Genres of the Bible par Douglas Sean O’Donnell et Leland Ryken.