Cet article est la suite d’un premier article sur Calvin.
Calvin, un incompris
1. D’abord, il y a la perception de son rôle dans l’affaire Servet.
En 1553, Michel Servet avait été condamné pour hérésie en France suite à la publication de son livre niant l’existence de la Trinité. Mais avant sa condamnation, il s’est échappé de prison et a cherché refuge à Genève. Vraisemblablement, devant l’hostilité de cette ville à l’encontre de Calvin, Servet pensait qu’il y trouverait un accueil favorable. Espoir mal fondé puisqu’il a été arrêté. Les autorités de Genève lui ont proposé, soit d’être extradé en France soit de comparaître devant un tribunal genevois. Servet a choisi de rester à Genève. Lors du procès, les autorités genevoises ont consulté celles de Berne, Zurich et de Schaffhouse qui à l’unanimité ont demandé à ce que l’hérétique soit exécuté. La méthode choisie était le bûcher ! Calvin est intervenu en demandant une exécution plus humaine, plus rapide par guillotine mais le conseil genevois a refusé et le 26 octobre Servet a été exécuté. Il faut souligner que Calvin n’était même pas citoyen de Genève et, à l’encontre d’une perception erronée qui persiste, il ne dirigeait pas les autorités civiles de cette ville.
D’ailleurs, quelques années auparavant, en septembre 1548 le conseil avait décrété que les pasteurs pouvaient exhorter le peuple mais n’avaient pas le droit d’excommunier.
Il faut dire qu’à l’époque l’exécution des hérétiques se faisait partout en Europe parfois en masse ! Cependant, pendant la vie de Calvin, Servet est le seul hérétique condamné à mort à Genève ! Certes, il est possible de contester la position de Calvin mais il faut tout de même relever que des reproches similaires pourraient être adressés à Thomas d’Aquin et à bien d’autres. Ne peut-on pas conclure que l’enseignement de Calvin sur l’œuvre souveraine de Dieu dans la conversion et la justification par la foi seule a suscité une telle hostilité que tous les prétextes pour l’accabler et le discréditer étaient bons ? Ne se trouve-t-il pas dans la même situation que l’apôtre Paul des siècles avant ?
2. Ensuite, il était accusé de n’avoir aucune vision pour l’évangélisation
Du fait de son enseignement sur l’élection, Calvin est taxé de ne pas se soucier de l’évangélisation et de la mission. D’ailleurs, l’un des grands missiologues des temps modernes, Ralph Winter, estime que dans l’ensemble les Réformateurs ne se souciaient guerre de la mission. Il écrit : « …ils n’ont même pas parlé de la mission ». Rien n’est plus éloigné de la vérité. Calvin était lui-même un missionnaire à Genève et, dès 1550, cette ville est devenue une plaque tournante pour l’œuvre missionnaire grâce aux efforts de Calvin et de son ami Pierre Viret. Il vaut la peine de méditer le commentaire de Calvin sur 1 Timothée 2.4 : Finalement, il démontre que Dieu demande le salut de tous, qu’il appelle chacun à la connaissance de sa vérité… Car l’Apôtre entend simplement qu’il n’y a ni peuple, ni État au monde, quel qu’il soit, qui soit exclu du salut, d’autant que Dieu veut que l’Évangile soit proposé à tous indifféremment, et sans exception.
Pour Calvin, seules les personnes convaincues de la souveraineté de Dieu peuvent évangéliser avec hardiesse parce que, si la décision finale dépend de la volonté de l’homme qui est mort dans ses fautes et incapable de répondre à Dieu, l’évangélisation est une perte de temps !
Dès 1555, les noms de tous ceux qui avaient été envoyés de Genève pour évangéliser étaient consignés dans le Registre de la compagnie des Pasteurs. Cependant, vu la persécution rencontrée en France tous les détails ne sont pas écrits. Entre 1555 et 1562, 88 hommes sont envoyés à Poitiers, Paris, Lyon, Bergerac, Dieppe etc.
La croissance est phénoménale. Il existait environ 12 Églises Réformées en France en 1555. Quatre ans plus tard il y en avait 100 et trois ans plus tard encore on en dénombrait 2150 avec plus de 3 millions de membres sur une population totale de 20 millions ! C’est Calvin qui a formé ces hommes et qui leur a donné l’exemple à partir de son travail à Genève !
Comme nous l’avons déjà signalé, Genève est devenue une ville de refuge et des centaines de réfugiés ont entendu l’Evangile pendant leur séjour dans cette ville. Ils sont ensuite repartis chez eux pour évangéliser et implanter des Églises… aux Pays Bas, en Angleterre, en Écosse, en Pologne, en Hongrie et jusqu’au Brésil ! Rien qu’en 1561 au moins 142 missionnaires sont envoyés par l’Église de Genève.
Tragiquement, dès la mort de Calvin en 1564 le zèle missionnaire a diminué : entre 1564 et 1572 (les massacres de Saint Barthélémy) 28 missionnaires seulement sont envoyés en France.
3. Enfin, il est perçu comme un homme distant et froid
Si Calvin n’avait pas été interpellé par Farel à Genève, il est certain qu’il se serait consacré à une vie d’étude et de rédaction de livres car incontestablement il était un érudit. Mais le théologien par excellence est devenu le pasteur par excellence.
Á côté de son étude et de sa piété personnelle, il passait chaque jour des heures avec les étudiants pour les enseigner et leur apprendre à prêcher. A coté de cela il écrivait des lettres pastorales aux responsables de la Réforme en Europe mais aussi à d’innombrables personnes insignifiantes aux yeux du monde mais qui étaient dans le besoin spirituel.
En particulier il écrivait des centaines de lettres à des prisonniers qui attendaient une mort certaine à cause de l’Évangile. La persécution a atteint des proportions dramatiques autour de 1550. Calvin écrit à cinq jeunes hommes qui allaient être exécutés à Lyon. Ils avaient étudié avec lui à Genève, mais une fois de retour à Lyon en tant que « porteurs de l’Évangile » ils sont tombés, victimes d’un complot et se sont trouvés en prison pendant 14 mois. Calvin écrit au roi de France en lui demandant d’être tolérant, mais en vain ! Par conséquent il écrit à ces cinq jeunes afin de les aider à se préparer à la mort. Il leur dit qu’ils vont mourir pour une cause juste et pour l’avenir de l’Église en France. D’après les sources historiques, ces cinq jeunes s’encourageaient mutuellement au milieu des flammes.
Conclusion
Nul homme n’est infaillible et Calvin a commis des erreurs. Mais ignorer Calvin ou, pire, se contenter de caricatures mal informées est répréhensible. Dans sa version finale, son Institution de La Religion Chrétienne est sans conteste le socle théologique de la Réformation. Plus de 450 ans après leur rédaction, ses commentaires sont réédités régulièrement et font partie du cursus de tout institut biblique ou faculté de théologie. Toute la théologie formulée depuis le XVIe siècle doit tenir compte de l’érudition de Calvin, soit pour soit contre ! Mais qui peut contester son concept de la vie chrétienne tel qu’il est transmis dans son commentaire sur les épîtres de Pierre :
Dieu a ordonné l’Église depuis ses débuts, de telle sorte que la mort est la voie vers la vie et la croix soit la passerelle vers la victoire.