En février dernier, conscient du fait qu’il allait sous peu succomber à sa maladie, George Verwer a prononcé ces paroles : « J’ai vraiment hâte d’arriver au ciel ». Le 14 avril, à l’âge de 84 ans, il y est arrivé, laissant derrière lui sa femme, Drena, leurs trois enfants et leurs familles.
Sans écarter l’initiative souveraine de Dieu dans sa propre conversion, George relate cet événement en faisant référence à deux personnes. La première s’appelait Dorothea Clapp, elle était infirme et vivait en face du lycée qu’il fréquentait. Pendant dix-sept ans, Mme Clapp a prié fidèlement pour que les élèves de ce lycée connaissent le Seigneur. Lorsqu’elle a entendu parler de George Verwer, alors élève de deuxième année, elle l’a inscrit sur sa liste de prières et a prié pour qu’il se confie au Christ et devienne un jour missionnaire. Elle s’est procuré un évangile de Jean et le lui a envoyé par courrier postal en guise de cadeau. La seconde personne était Billy Graham, au cours d’un rassemblement unique organisé à Madison Square Garden au printemps 1955. Suite à la prédication, George a commencé à être convaincu de son péché en se rendant compte qu’il était perdu. Il a répondu à l’appel, car une pensée s’est imposée à son esprit : « C’est la vérité ; ma recherche est terminée ; c’est la chose la plus importante dans la vie ».
Presque aussitôt, la prière de Mme Clapp a été exaucée, car George est devenu un évangéliste convaincu et passionné. Chose invraisemblable aujourd’hui, suite à sa dernière année de lycée, il a demandé au proviseur de son lycée l’autorisation d’y annoncer l’Évangile. Un auditoire de 600 élèves l’a écouté et 125 d’entre eux ont indiqué leur désir de suivre le Christ.
En 1957, George priait pour le Mexique avec deux de ses camarades de classe, Dale Rhoton et Walter Borchard, et les a encouragés à se joindre à lui pour s’y rendre pendant leurs vacances. Ils avaient à peine 18 ans, mais cela ne les a pas empêchés de « rêver grand » ; ils ont emprunté un vieux camion Dodge rempli d’évangiles et de tracts et sont partis pour le Mexique.
Malgré ces débuts modestes, l’œuvre s’est développée rapidement, a pris le nom d’ « Opération Mobilisation », et compte aujourd’hui quelque 5 500 personnes provenant de tous les continents, qui travaillent en partenariat avec l’église locale dans 120 pays à travers le monde.
Place à quelques souvenirs personnels…
J’ai rencontré George il y a plus de 60 ans alors qu’il était l’orateur d’un congrès de jeunes en Angleterre. Bien que converti depuis 5 ans, je suis sorti de cette rencontre en me demandant si j’étais vraiment chrétien, car la vie chrétienne dont il parlait ne ressemblait en rien à celle que je vivais. Il y avait une authenticité, voire une radicalité, qui correspondait à ce que je voyais dans les Évangiles et dans les Actes… l’obéissance à la Parole, l’accent sur la prière, aucun compromis avec le péché, un style de vie simple, l’urgence d’annoncer l’Évangile à un monde perdu… j’étais bouleversé. À la fin de la rencontre, il a encouragé ces jeunes à consacrer un mois de leurs vacances d’été à distribuer la littérature en Europe. Je suis venu en France pour un mois en 1963 et j’y suis encore !
« Il fallait prier 7 ans pour que Dieu nous donne les hommes et 7 semaines pour l’argent ».
George était un innovateur, un créatif, un homme pressé, parfois impatient tant il était animé par le fardeau d’atteindre le monde avec l’Évangile. Lorsqu’il a, de façon inattendue et exubérante interrompu une nuit de prière pour annoncer qu’il fallait absolument un bateau pour accélérer la tâche d’évangélisation du monde, tous l’ont regardé avec un brin de cynisme, pour ne pas dire d’incrédulité. Informé qu’il fallait, avant de penser à un bateau, un équipage, de surcroît chrétien, il n’a pas bronché, mais a encouragé à prier pour les personnes qualifiées. En 1970, tout le complément, au total 135 personnes, était réuni, mais sans bateau. Le plus extraordinaire, c’est que presque toutes ces personnes se sont converties depuis cette fameuse rencontre de prière ! À ce moment-là, j’ai pu expérimenter le côté directif de George, car il m’a appelé en me disant qu’il voulait (du moins, qu’il avait décidé !) que je fasse partie de la compagnie de sept personnes chargées de l’achat du bateau et que je devais le rejoindre à Copenhague pour voir le bateau qu’il avait vu et rencontrer les propriétaires. Le contrat fut signé et il ne restait plus qu’à payer la somme requise dans les deux mois de délai imparti. À ce moment-là, OM ne faisait aucun appel aux dons, mais faisait connaître ses besoins à Dieu. Miraculeusement, l’argent est arrivé et la conclusion de George reste gravée dans ma mémoire avec de l’encre indélébile : « Il a fallu prier 7 ans pour que Dieu nous donne les hommes et 7 semaines pour l’argent ».
George n’était pas un prédicateur textuel, il n’aurait probablement pas réussi un examen d’homilétique, mais je ne connais personne d’autre qui avait cette même capacité à motiver les personnes à vivre une vie chrétienne authentique et à donner leurs compétences et leur vie pour la seule cause qui compte: l’évangélisation du monde.
Les souvenirs s’entrechoquent dans ma tête, mais, pour conclure, George était un homme de contrastes, directif, mais respectueux, peu enclin à la conversation sociale, mais fidèle dans sa correspondance., Passionné par l’œuvre de Dieu et par l’Église, mais conscient de ses failles et de ses échecs, cru parfois dans ses propos, mais jamais vulgaire. Impatient, mais débordant de compassion pour ceux qui souffrent. C’était un visionnaire, mais une personne humble et, pour moi, preuve en est la salutation qu’il m’a adressée dans l’un de ses derniers e-mails, reçu alors que la fin s’approchait :
This unworthy servant is honoured to have worked with you. His, George
[Ce serviteur indigne est honoré d’avoir œuvré avec toi ; en Lui, George]
Que ce soit durant mes 20 premières années de service du Seigneur au sein d’OM ou lors des 35 années suivantes en dehors d’OM, George s’est montré fidèle en amitié jusqu’au bout. Voici ce qu’il a exprimé dans son dernier blog :
« Priez aussi pour que, lorsque les gens penseront à moi, ils se souviennent de ma passion pour que chaque personne dans le monde ait la possibilité d’entendre ou de lire l’Évangile. »