Il y a donc différentes sortes de craintes : certaines sont bonnes
et appréciables, d’autres sont mauvaises et terrifiantes. Il y a
une juste crainte de Dieu et une crainte pécheresse de Dieu. Mais
si l’on cherche à approfondir, il devient évident qu’il y a encore
plus de sortes de craintes: différentes sortes de crainte de Dieu qui
sont justes. Pardonnez-moi si je vous laisse penser que nous
sommes sur le point de sortir du chemin battu pour nous diriger
vers les herbes hautes et nous empêtrer dans de petites distinctions.
Loin de là ! Nous sommes sur le point de prendre un peu plus de
hauteur et de creuser encore plus profondément.
Jean Calvin peut ici nous aider à préparer le terrain. En 1559,
Calvin a achevé la dernière édition de son chef-d’œuvre intitulé
Institution de la religion chrétienne. Les gens considèrent parfois
qu’il s’agit d’une encyclopédie de la foi, et vous pouvez l’utiliser de
cette manière, c’est-à-dire comme ouvrage de référence. Cependant,
Calvin l’a écrit comme une argumentation fluide, afin d’illustrer
le développement adéquat d’une véritable connaissance de Dieu.
Il découpe son argumentation en quatre étapes :
Réjouissez-vous et tremblez
Michael REEVES
La crainte est l’une des émotions humaines les plus fortes, et souvent l’une des plus mal comprises par les chrétiens. Dans la Bible, cette émotion peut sembler tout aussi déconcertante : la crainte est-elle une bonne ou une mauvaise chose ? Et que signifie « craindre l’Éternel » ?
Dans Réjouissez-vous et tremblez, Michael Reeves lève le voile sur ce sujet en montrant que la crainte de l’Éternel n’est pas du tout une chose négative, mais plutôt un sentiment d’émerveillement intense devant Dieu, notre Créateur et Rédempteur.
Livre 1: La connaissance de Dieu le Créateur.
Livre 2: La connaissance de Dieu le Rédempteur en Christ.
Livre 3: La manière dont nous recevons la grâce de Christ.
Livre 4: Les moyens externes ou les aides grâce auxquels Dieu nous invite à faire partie de la compagnie de Christ
et nous y retient.
Seules les deux premières étapes de son argumentation sont
réellement pertinentes pour nous aujourd’hui, mais elles sont
merveilleusement éclairantes. Calvin dit qu’il y a deux étapes,
ou deux niveaux de connaissance de Dieu: la connaissance de
Dieu le Créateur et la connaissance de Dieu le Rédempteur en
Christ. En plus de cela, Calvin nous a donné un modèle utile.
Tout comme il y a deux niveaux de connaissance de Dieu, il y
a deux bonnes manières qui leur correspondent de craindre
Dieu : craindre Dieu le Créateur et craindre Dieu le Rédempteur
en Christ.
«Éternel, notre Seigneur! Que ton nom est magnifique sur toute la terre!»
La première sorte de crainte juste est celle qui nous fait trembler et qui rend nos jambes flageolantes devant le fait que Dieu est le Créateur. Elle permet d’apprécier et de se réjouir du fait que Dieu est splendide dans sa transcendance au-dessus et au-delà de la création. Dieu est saint, majestueux, parfait, tout-puissant et éblouissant dans toutes ses perfections. Cette crainte considère le Créateur et en est stupéfaite, comme David qui demandait : «Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui?» (Ps 8.5.) À la lumière de la magnificence éternelle de Dieu, de son existence immanente, de sa constance indéfectible, cette crainte ressent à quel point nous sommes, en tant qu’humains, de petites choses éphémères et inconstantes. Calvin a écrit:
Telle est, selon l’Écriture, la cause de la crainte et du tremblement qui ont accablé les saints toutes les fois qu’ils ont senti la présence de Dieu. Lorsque nous voyons ceux qui, loin de Dieu, étaient pleins d’assurance et allaient la tête haute, faire preuve, dès que Dieu leur manifeste sa gloire, de crainte et de peur au point d’être angoissés, voire paralysés, par l’horreur de la mort, et être quasi anéantis, nous pouvons bien conclure que les hommes n’éprouvent jamais autant le sentiment de leur pauvreté que lorsqu’ils l’ont comparée à la majesté de Dieu. De nombreux exemples d’une telle angoisse se trouvent aussi bien chez les juges auxquels Dieu a confié la charge de gouverner la Judée que chez les prophètes, d’où la phrase coutumière au sein du peuple ancien : « Nous allons certainement mourir, car nous avons vu Dieu ! » (Jg 13.22 ; És 6.5 ; Éz 1.28 ; etc.)[1]
Cela est bien entendu tiré du Livre 1 de l’Institution de la religion chrétienne, dans lequel Calvin réfléchit sur la connaissance de Dieu
le Créateur. Cet émerveillement envahissant et abasourdissant est ce qui se produit quand on considère la majesté du Créateur.
Et il est juste que la peur tremblante soit la réaction appropriée devant le Créateur. Cela montre que la sainteté du Créateur n’est pas une chose calme et anémique qu’il faut recevoir avec une voix de cathédrale ou des minauderies. La sainteté du Seigneur souverain est phénoménale, débordante et éblouissante. Ne pas le craindre serait une folie aveugle. Selon John Bunyan, ceux qui n’éprouvent aucune crainte devant Dieu sont plus stupides que des animaux idiots qui eux, craignent les humains (Ge 9.2). Il a écrit:
Mais quelle honte est-ce pour l’homme que Dieu choisisse de lui assujettir toutes ses créatures et qu’il refuse d’incliner son cœur devant Dieu ! Les animaux, les oiseaux, les poissons, et tous les autres craignent et redoutent l’homme, oui, Dieu a mis dans leurs cœurs la crainte de l’homme, et pourtant, l’homme ne craint ni ne redoute, n’a selon moi aucune crainte pieuse de Celui qui a dans son amour mis toutes les choses en dessous de lui. Pécheur, n’as-tu pas honte qu’une stupide vache, qu’un mouton, oui, qu’un porc, observe mieux les lois de sa création que tu ne le fais de la loi de ton Dieu?[2]
Dans la splendeur de la majesté du Créateur, nous devrions nous sentir humiliés. Dans l’éclat de sa pureté, nous devrions avoir honte. Quand nous entrevoyons sa sainteté divine, nous devrions prier en pleurant comme Job : Mon oreille avait entendu parler de toi ; mais maintenant mon œil t’a vu. C’est pourquoi je me condamne et je me repens sur la poussière et sur la cendre (Job 42.5,6). Une telle connaissance du Créateur produit une crainte qui conduit à l’humilité, à la repentance et au mépris de toute autosatisfaction et toute vanité.
1. Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, Aix-en-Provence/Charols,
France, Kerygma/Excelsis, 2015, p. 5.
2. John Bunyan, « A Treatise on the Fear of God », dans The Works of John Bunyan,
George Offer, éd., 3 vol., Glasgow, W. G. Blackie & Son, 1854, réimpr., Édimbourg,
Banner of Truth, 1991, vol. 1, p. 478.