1 – Le concept d’« animal politique »
On doit le concept de l’homme en tant qu’« animal politique » au philosophe grec Aristote (384-322 avant J.-C.). Il l’énonce dans son ouvrage Les Politiques : « L’homme est par nature un animal politique. » Que faut-il entendre par là ?
Aristote pose l’homme en tant qu’être social, destiné à vivre en société. C’est là qu’il peut tout à la fois démontrer de quoi il est capable et trouver le bonheur, avec les autres. « Là », c’est-à-dire dans la « cité », la « polis », en grec, donc dans l’espace commun des citoyens.
Aristote précise que : « Celui qui est hors cité, naturellement et non par le hasard est soit un être dégradé, soit un être surhumain ». Pour lui, un être sorti de l’espace commun sort, en même temps, des limites de l’humain. Il tend soit vers l’animalité, soit vers la surhumanité. Vivre pleinement en tant qu’homme c’est donc être intégré à la cité et y jouer son rôle actif de citoyen.
Pour Aristote, l’homme ne choisit pas la vie sociale par intérêt mais celle-ci répond, chez lui, à un réel besoin. Ainsi, ce qui distingue l’homme de la bête, c’est la nature de la communauté. La communauté animale ( pensez aux abeilles ou aux fourmis ) est de nature biologique et liée à la survie, tandis que la communauté humaine, elle, repose sur le libre choix des hommes. Aristote donne encore deux éléments de définition majeurs de l’homme : il est « un animal rationnel » et il est doté de parole. Par conséquent, vivre au sein de la communauté des autres hommes c’est, pour l’homme, être là où sa raison le conduit et où il peut parler avec ses semblables. Avec intelligence, l’homme établit, dans la cité, des lois, destinées à assurer le bien de tous. La cité est, de toute évidence, l’espace « naturel » de l’homme.
2 – Confrontation
Il m’a semblé intéressant de poursuivre en confrontant la pensée d’Aristote à celle de Thomas Hobbes (1588-1679). Pourquoi ? Parce qu’il s’oppose à Aristote. Hobbes pose un « état de nature » qui ne correspond pas à un stade réel, historique, de l’humanité, mais qui est de l’ordre de la fiction théorique.
Qu’est-ce que l’« état de nature », d’après lui ? Ce serait cet état dans lequel se trouveraient les hommes, avant toute organisation politique. Et comment Hobbes les imagine-t-il ? Comme étant égaux, mais rivaux : en effet, leur égalité naturelle se transforme en rivalité. D’où un état de guerre de tous contre tous. Et c’est alors que Hobbes amène cette formule si fameuse : « L’homme est un loup pour l’homme ». L’homme court sans cesse le risque d’être attaqué. Il doit donc prévoir, pour attaquer, avant d’être attaqué. Son intelligence est mise au service de la guerre. Il combat ainsi l’angoisse de la menace permanente de la mort.
Pour Hobbes, les mêmes raisons qui poussent l’homme à l’état de guerre vont le conduire à en sortir, c’est-à-dire à quitter l’état de nature. Comment ? Hobbes amène là la notion de pacte social, qui rejoint le « contrat social » de Rousseau.
Alors ? L’homme est-il, par nature, un « animal politique », ou bien « un loup pour l’homme » ?
3 – Perspective biblique
On pourrait dire que, pour Aristote, l’homme incline naturellement vers le bien , tandis que, pour Hobbes, il incline vers le mal. Sur cette question, la religion chrétienne a une position bien définie : par nature l’homme n’est pas bon. Il a désobéi, dès l’origine, au commandement divin, séduit par le serpent lui faisant miroiter un devenir comme des dieux. Il s’est ainsi séparé de Dieu.
Mais revenons sur la question centrale de cette réflexion, à savoir :
L’homme est-il un « animal politique » ?
Le considérer ainsi, c’est admettre que sa finalité se trouve parmi les hommes, dans la politique, soit : dans la vie de la cité. Est-ce exact ? La réponse dépend du point de vue que l’on adopte.
Dans une perspective biblique :
1 – Le terme d’« animal », appliqué à l’homme, entre en contradiction avec la révélation biblique, puisque l’être humain a été créé par Dieu comme étant supérieur à l’animal.
2 – Limiter la finalité de l’homme au temporel, à la vie sur terre, à la fonction remplie dans la communauté des autres hommes, ne correspond pas, non plus, au plan divin. Selon la Bible, l’homme a été créé pour retrouver, avec son Créateur, une relation d’amour. Ce que le Christ a rendu possible, en rétablissant, par sa mort sur la croix, la relation brisée de l’homme avec Dieu.
Donc, l’homme : un « animal politique » ? Non. La Bible en propose plutôt une autre définition : celle de l’homme en tant qu’être-pour-Dieu : créature déchue et réconciliée avec Lui, par sa grâce, s’il le choisit librement. Toutefois, le croyant a le devoir d’aimer et d’aider son prochain, ce qui implique aussi qu’il prenne sa part de responsabilité-pour-autrui au sein de la communauté des autres hommes.