Le Psaume 23 est certainement le plus marquant du Psautier, probablement le chapitre le plus connu de la Bible, et peut-être bien le poème le plus célèbre de toute la littérature [1]. Et ça se comprend ! Sa poésie se ressent encore dans nos traductions françaises. Ses images figurées évoquent des scènes pastorales remarquables. Et, peut-être plus que tout, ses vers semblent directement applicables à nos vies. Quel chrétien n’a jamais trouvé de réconfort dans les paroles : “L’Eternel est mon berger: je ne manquerai de rien”?
Et pourtant, je vais suggérer que notre familiarité avec le Psaume 23 et notre habitude à appliquer ses paroles directement à nous, nous privent d’un bien plus grand réconfort. Mais afin d’en bénéficier, il nous faudra faire le travail difficile de relire le Psaume 23 comme si nous le faisions pour la toute première fois.
Le Berger-Brebis
Ce faisant, nous remarquons, tout d’abord, les trois premiers mots du Psaume 23 : « Psaume de David » (v. 1). L’auteur n’est autre que le roi choisi de Dieu (1 Samuel 16). Ce simple fait devrait déjà nous alerter contre notre tendance naturelle à commencer par lire ce qui suivra au travers des lunettes de nos expériences et ressentis personnels. Suis-je, moi, le roi choisi de Dieu ? Je ne pense pas.
Le reste du Psaume 23 décrit ce que le roi choisi de Dieu vit dans la présence de celui-ci. Ce qui est surprenant c’est que David, qui était berger auparavant et qui est actuellement berger (roi) d’Israël, se décrit ici comme une brebis. Le berger est lui aussi dépendant d’un Berger. « L’Éternel est mon Berger », nous dit-il. Et, puisque l’Eternel est son berger, le roi choisi de Dieu « ne manquer[a] de rien » (v. 1). On voit tout ce que cela implique dans les cinq prochains versets. Dans les versets 2 et 3 David nous explique comment il trouve le repos et le ressourcement dans la présence de l’Éternel. Il est alors équipé pour vivre une vie juste qui rendra gloire à Dieu. Dans le verset 4, le roi David explique comment la présence de l’Éternel chasse sa crainte face aux ténèbres de la mort. Dans le verset 5, la scène change et devient celle d’une célébration de victoire militaire. L’Éternel honore son roi en dressant une table pour lui devant ses ennemis vaincus. Ensuite, il honore ce roi victorieux en versant de l’huile sur sa tête et en remplissant son verre jusqu’à le faire déborder. Le Psaume se termine, au verset 6, avec l’annonce de la récompense de ce roi-brebis vainqueur : À lui le bonheur, la bonté (ou “la grâce”) et la présence de Dieu, pour toute sa vie !
Jésus la Meilleure Brebis
Maintenant, réfléchissons un instant. Trouve-t-on ici plus de liens avec nos vies… ou avec celle de Jésus ? Commençons par l’introduction du verset 1 : “Psaume de David.” Le lien entre le Roi David et Jésus-Christ est évident. Jésus-Christ est lui-même le descendant de David et l’héritier promis de son trône (Actes 13.23). Même le titre “Christ”, ou “Messie,” signifie “le roi choisi de Dieu.”
Mais, les parallèles ne s’arrêtent pas là. Jésus se décrit aussi comme un berger. “Je suis le bon berger” (Jean 10.14). Et pourtant, comme David dans le Psaume 23, il a vécu sa vie terrestre sous la conduite de “L’Eternel, [son] Berger,” dans Sa présence (v. 1-3).
On discerne encore des reflets de l’expérience de Jésus dans les versets 2 et 3. Pendant son ministère terrestre agité, Jésus prenait souvent des moments à l’écart des foules pour prier et se ressourcer dans la présence de Dieu (Marc 6.46, Luc 6.12, 9.18). Et comme David, Dieu lui “redonn[ait] des forces” pour le “condui[re] dans les sentiers de la justice à cause de son nom.” Jésus a vécu la vie juste que nous aurions tous dû vivre mais que nous ne parvenons pas à vivre (David inclus). Jésus est le seul humain à avoir pu déclarer avec confiance : “Qui de vous me convaincra de péché?” (Jean 8.46). Et contrairement à nous, et même à David, Jésus a toujours tout fait à la gloire de Dieu – “à cause de son nom” (Jean 8.48-50). Les paroles du roi David ont été parfaitement accomplies dans la vie parfaite du roi Jésus. Mais cela ne s’arrête pas au verset 3.
Les paroles du roi David ont été parfaitement accomplies dans la vie parfaite du roi Jésus.
Jésus, comme David au verset 4, a “march[é] dans la sombre vallée de la mort.” Sauf que dans le cas de Jésus, la mort elle-même n’a pas pu être évitée. Dans le Jardin de Gethsémané, Jésus a imploré son Père d’éloigner cette coupe de lui (Luc 22.42). Pourtant, il a vaincu ses craintes et est descendu dans la vallée de l’ombre de la croix*, certain de la présence de son Berger à ses côtés. “Celui qui m’a envoyé est avec moi, il ne m’a pas laissé seul” (Jean 8.29). Le bâton et la houlette de son Berger le rassuraient (v. 4*), même quand ce bâton a été tourné contre lui. “Semblable à un agneau qu’on mène à la boucherie, à une brebis muette devant ceux qui la tondent ; Il n’a point ouvert la bouche” (Esaïe 53.7).
Mais ce n’est toujours pas fini ! Nous avons remarqué qu’il y a un changement brusque de scène au verset 5. Si nous cherchons son accomplissement, nos yeux se fixent sur le tombeau vide de Jésus. Par sa vie juste vécue pour la gloire de Dieu et sa confiance en Lui face à la croix, Jésus a remporté la victoire définitive sur ses ennemis : le Diable, le péché et la mort. De plus, par sa résurrection et son ascension à la droite du Père, Dieu a manifesté que Jésus est bel et bien son roi choisi, à qui tout honneur est dû ! Aujourd’hui Jésus est à la droite de Dieu le Père (Actes 7.56) et un jour l’Agneau reviendra pour un festin qui célébrera le fruit de sa victoire (Apocalypse 19.6-7). Oui, le bonheur et la bonté l’accompagneront tous les jours de sa vie (éternelle) et il demeurera dans la présence de son Père à jamais (v. 6).
Le Représentant et Son troupeau rebelle
Dieu n’a pas inspiré le Psaume 23 pour faire écho à nos difficultés du lundi matin. Dieu a inspiré le Psaume 23 pour nous annoncer la vie, la mort, la résurrection, et l’exaltation de Jésus, le Roi choisi de Dieu. Peut-être que vous êtes déçus en lisant cela. N’avons-nous rien dans ce Psaume qui s’applique à nos vies ? Bien au contraire ! Il y a encore une dimension importante du Psaume 23 que nous n’avons pas explorée. Il s’agit de l’identification du roi avec le peuple de Dieu.
C’est intéressant de noter qu’il y a beaucoup de parallèles entre le Psaume 23 et l’histoire du peuple de Dieu autour de l’exode. D’abord, le nom “L’Eternel” est le nom YHWH révélé par Dieu au moment de l’exode (Exode 3.13-14). Ensuite, le titre “Berger d’Israël” est utilisé dans le Psaume 80.2 pour décrire le rôle de Dieu quand il a fait sortir Israël du pays d’Egypte. Dans Deutéronome 2.7, Moïse décrit la provision de Dieu pour Israël, après l’exode : “tu n’as manqué de rien,” ce qui fait écho à la fin du Psaume 23.1.
Dieu parle aussi de faire reposer Israël dans un “saint pâturage » (dans Exode 15.13, traduction alternative)[2], ce qui renvoie aux “pâturages bien verts”, du Psaume 23.2. Et, pour terminer, Dieu appelle le pays qu’il a promis à Israël après l’exode, son « repos » (dans le Psaume 95.11). Il s’agit du même mot que David utilise, dans le Psaume 23.2, pour parler “d’eau paisible”.
Dieu n’a pas inspiré le Psaume 23 pour faire écho à nos difficultés du lundi matin. Dieu a inspiré le Psaume 23 pour nous annoncer la vie, la mort, la résurrection, et l’exaltation de Jésus, le Roi choisi de Dieu.
Pourquoi tous ces parallèles avec la période de l’exode ? Pour montrer que le roi choisi de Dieu a réussi là où le peuple de Dieu a échoué. Malgré la présence, la provision, et les bénédictions de Dieu, le peuple n’a pas pu dire : “L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien.” L’Ancien Testament rend témoignage de leur indépendance et de leur esprit rebelle, et nous nous reconnaissons bien dans leur attitude. La bonne nouvelle du Psaume 23 est que le roi que Dieu a choisi a réussi là où son peuple a échoué, et il l’a fait à sa place !
Dans la conception biblique, ce que le représentant fait est appliqué à ceux qu’il représente. Si Charles de Gaulle fait une entrée triomphale à Paris, la nation est victorieuse. Ce qui est vrai pour le représentant l’est aussi pour les représentés. Si nous sommes en Jésus, nous pouvons donc prier les paroles du Psaume 23 pour nous, parce que Lui les a déjà priées parfaitement à notre place. Il est notre Berger et la brebis parfaite. Grâce à sa vie, à sa mort, à sa résurrection, et à son exaltation, nous ne manquerons de rien.