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Quelles émotions suscitent en vous ces termes : « tradition » et « culture » ? Ce sont des mots puissants, au cœur de notre identité, et aussi de nombreuses difficultés dans les Églises locales. Tradition et culture sont comme des forteresses en mouvement. Elles avancent lentement et sûrement, changent difficilement de cap, semblent imprenables ; leur influence est d’une force monumentale. Quand elles avancent dans le bon sens, leur support est immesurable. Mais quand ce n’est pas le cas, ce sont des ennemies redoutables.

Tradition et culture donnent un cadre. Si je devais le résumer de manière simpliste, je dirais que la tradition se concentre surtout sur ce qu’on fait, et la culture sur comment on le fait. Le pourquoi on le fait réfère plutôt aux convictions, qui à un moment donné créent tradition et culture, mais dont le sens peut éventuellement se perdre s’il n’est pas entretenu.

Dans notre assemblée nous avons des traditions très marquées pendant les cultes, tels que la prédication textuelle de 30-40 minutes, ou un moment de louange en commun de 5-7 chants. C’est ce que nous faisons, que nous avons fait, et que nous continuerons probablement de faire pour les prochaines décennies.

Nous avons aussi une culture de la prédication et de la louange. La manière dont nous les pratiquons, avec nos attitudes, nos exigences de préparation, notre philosophie de ministère.

Tradition et culture sont des raccourcis incroyables. Elles communiquent de toutes sortes de manières des priorités, l’expression de convictions, l’application pratique de longues réflexions. Elles sont pour l’Église ce qu’est un réflexe pour le corps humain : une réaction mémorisée, d’anticipation ou défense, qui fait gagner du temps et permet de diriger un grand groupe dans une même direction.

Tradition et culture : puissantes alliées ou redoutables ennemies ?

La puissance de la tradition dans la louange

Il est intéressant de noter que « tradition » et « trahison » proviennent de la même racine latine, du verbe tradere qui signifie « donner ». La trahison est de « donner quelqu’un », alors que la tradition est le don de transmettre à une autre personne.

L’ironie de l’étymologie n’est pas des moindres. En effet, la transmission de bonnes traditions est un cadeau de grande valeur, mais la transmission de mauvaises traditions est un cadeau empoisonné.

Évaluer ses traditions de culte sous le prisme du cadeau est un excellent filtre. Nous devons avoir assez de recul pour nous poser deux questions :1) les traditions héritées sont-elles toutes des cadeaux ? 2) La manière dont je vis le culte est-elle un cadeau mûr à transmettre à la prochaine génération ?

Les évangéliques ont assez de mal avec le terme « tradition ». Après tout, l’héritage protestant est en grande partie une réaction contre certaines traditions religieuses du Catholicisme, complexes, pas toujours en accord avec la Parole, souvent en décalage avec la réalité de la vie quotidienne.

Cependant nous serions aveugles de penser que nous sommes sans tradition. N’avons-nous rien reçu des générations passées ? N’avons-nous rien à donner ? Tant que nous agissons, nous pratiquons et transmettons des traditions. Ce que nous faisons régulièrement est tradition. Le grand problème de l’attitude « anti-traditionnaliste » est de se retrouver avec des traditions mal réfléchies, mal construites, et confuses. Et malheureusement c’est souvent le cas dans nos Églises évangéliques. Par peur de tomber dans la rigueur de traditions complexes ou inutiles, nous finissons par transmettre des cultes appauvris en construction, en sens, et en réflexion.

Quand je vois mon Église qui se vide pour les fêtes chrétiennes, à Noël, à Pâques, à l’Ascension, je me pose souvent la question : quand construirons-nous  de nouvelles traditions qui auront autant de sens que pour nos prédécesseurs  ? Des traditions qui marqueront les calendriers, généreront de la vie et du mouvement, créeront des liens forts entre nous ? Je regarde aux fêtes juives de l’Ancien Testament et je me questionne sur la distance qui nous sépare de ce que certaines traditions ont pu apporter.

Les traditions doivent être testées et évaluées. Je trouve intéressant que dans notre assemblée, les cultes « traditionnels » sont souvent les cultes les plus anticipés de l’année : le culte de famille de Noël, le culte de reconnaissance de Thanksgiving suivi d’un grand repas, le culte de Pentecôte où l’on encourage chacun à prier courtement dans sa langue natale…de bonnes traditions qui lient des vérités bibliques à notre histoire, notre calendrier, et souvent nos estomacs, pour de grands moments festifs et mémorables.

La puissance de la culture dans la louange

À nouveau, l’étymologie nous fait réfléchir : en français, les mots « culte » et « culture » viennent de la même racine. Une culture en effet est construite autour des convictions d’une société, de ses priorités, de ses préférences, de la mise en pratique de ses croyances. La culture est le reflet des cultes et de l’adoration.

On ne peut minimiser l’impact de la culture. En tant que chrétiens, nous sommes constamment appelés à discerner les dangers de notre propre culture, auxquels nous sommes souvent aveugles. Lorsque nous baignons dedans, certaines attitudes ou manières d’agir sont adoptées comme par osmose.

Cette capacité de transmission informelle est d’une efficacité incroyable dans l’Église. Lorsque les gens visitent notre Église, ils reçoivent des centaines de messages culturels qui vont au-delà des mots. Les auditeurs oublieront rapidement tout le contenu de la prédication, mais se souviendront de la manière avec laquelle le texte a été traité, avec passion ou non, avec révérence ou non, avec préparation ou non. Ils ne seront peut-être pas capables de chanter tous les chants, mais ils se souviendront de la manière avec laquelle le temps de louange a été conduit, avec joie ou non, avec humilité ou non, avec authenticité ou non, en connectant l’auditoire et l’équipe de louange ou non. La culture est souvent le fond qui parle par la forme.

La culture est cette puissance de communication collective qui est capable de dire « ça, on ne le fait pas comme ça ». Récemment, une femme commençait à faire de la médisance dans l’assemblée. Une dame âgée l’a immédiatement reprise, en disant en toute simplicité et avec amour « ça, on ne le fait pas ici ». C’était réglé. La culture c’est tout le poids de l’Église qui ensemble s’exclame : « ça, on le fait comme cela ! ».

La beauté de la culture, c’est ce que ce ne sont pas seulement les leaders qui la créent. Ce sont les gens de l’Église qui en vivant leur foi construisent ensemble un édifice de valeurs qui prend ses propres couleurs, ses propres formes, son propre cadre.

Conclusion

Tradition et culture sont comme des lions domestiques. Elles sauront nous défendre et protéger nos intérêts, mais il faut les nourrir en leur donnant du sens, sinon elles finiront par se retourner contre nous pour nous dévorer.

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