Sylvain Romerowski, ancien professeur à l’Institut biblique de Nogent, où il enseigne encore après sa retraite, a également travaillé à la traduction de la Bible du Semeur et contribué au Grand Dictionnaire de la Bible. Spécialiste du livre de Daniel, il explore les débats sur sa date de rédaction (Ve ou IIe siècle avant J.-C.), la structure en chiasme, et ses thèmes centraux comme la souveraineté de Dieu, la résurrection finale, et la figure messianique du “Fils de l’homme”, identifiée à Jésus-Christ. Ses travaux visent à fortifier la foi face aux thèses critiques et à tirer des applications pratiques pour les croyants aujourd’hui. Actuellement, il prépare un second volume d’un manuel sur les prophètes consacré à Ésaïe.
Transcription
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Bonjour, pouvez-vous présenter ?
Sylvain Romerowski, après des études à l’Institut Biblique de Nogent et à la faculté de Westminster à Philadelphia aux Etats-Unis, j’ai été assistant dans une église baptiste à Mulhouse.
Après cela, j’ai travaillé pour les éditions Sator, essentiellement à la traduction de la Bible du Sommeur, et j’ai aussi rédigé un certain nombre d’articles qui ont par la suite paru dans le Grand Dictionnaire de la Bible.
En parallèle, j’ai donné des cours à l’Institut Biblique de Nogent et j’ai été finalement embauché comme professeur à l’Institut public de Nogent, et j’y ai exercé jusqu’à ma prise de retraite il y a un an et demi.
J’ai aussi été chargé de cours à la faculté de théologie de Vaux-sur-Seine.
Et alors maintenant que je suis à la retraite, je donne encore quelques cours à l’Institut Biblique de Nogent.
Le livre de Daniel a-t-il été écrit au Vème ou au IIème siècle avant notre ère ?
En quoi est-ce important ?
Alors, le livre de Daniel se présente comme ayant été rédigé par Daniel, qui a vécu dans l’Empire babylonien, après avoir été déporté, donc de 605 à 539, et même ensuite un peu au début de l’Empire perse, qui s’est érigé sur les ruines de l’Empire babylonien.
Et donc, si l’on retient la présentation que le livre donne de lui-même, le livre a été rédigé au Vème siècle.
Mais pour diverses raisons, les spécialistes qui adoptent une position critique par rapport à la Bible considèrent que ce livre aurait été écrit au IIème siècle, ou en tout cas qu’il aurait atteint sa forme finale au IIème siècle.
Certaines parties ont été rédigées un peu avant, au IIIème siècle par exemple.
Et donc, il aurait atteint sa forme finale en 165 ou 164 avant Jésus-Christ, à l’époque d’Antiochus Épiphanes, des persécutions contre les Juifs, et de la révolte des Macchabées contre le pouvoir d’Antiochus Épiphanes.
Si je le disais, si l’on suit la manière dont le livre se présente, il a été écrit au Vème siècle.
D’ailleurs, le livre se présente tout à fait comme un récit historiographique, en mentionnant des rois qui ont réellement existé et en donnant des dates.
Si les critiques placent le livre au IIème siècle avant notre ère, sa rédaction, c’est parce que d’une part on trouve le récit de plusieurs miracles dans le livre, et ces critiques pensent que ça n’est pas possible, que les miracles n’existent pas, et donc que ces récits sont légendaires.
Ils croient aussi déceler un certain nombre d’erreurs historiques dans le livre, et puis le livre contient ce qui se présente comme des prédictions d’événements qui ont eu lieu plus tard, notamment au chapitre 2, au chapitre 7, où on a la vision des quatre empires, et au chapitre 11, où là on a des prédictions plus ou moins détaillées sur l’histoire qui devait suivre la période de Daniel jusqu’au règne d’Antiochus Épiphanes.
Et pour eux, il n’est pas possible que Dieu ait prédit à l’avance les événements.
Alors évidemment, ça pose la question de la fiabilité historique du livre.
Alors pour ce qui est des erreurs historiques que les critiques mettent en avant, on peut trouver des solutions, et même les découvertes archéologiques ont permis de résoudre certains problèmes.
Par exemple, jusqu’au milieu du 19e siècle, on doutait de l’existence de Belshazzar, dont il est question au 5e siècle, et des inscriptions découvertes au milieu du 19e siècle ont attesté l’existence de ce Belshazzar.
Alors d’autres problèmes historiques soulevés par les critiques, en fait, trouvent des solutions, au moins des solutions plausibles.
Après, si on nie la réalité des miracles ou la possibilité des prédictions, eh bien ça veut dire qu’on a une conception de Dieu très différente de celle que livre la Bible et de celle que livre le livre de Daniel en particulier, puisque le livre de Daniel insiste sur le fait que Dieu est capable de prédire les événements à l’avance.
J’ajoute encore que certains qui se disent évangéliques ont adopté ces thèses critiques en considérant que le livre contient – c’est comme cela que Goldinger, dans son commentaire, a dit les choses – des quasi-prophéties.
Ce qu’il appelle des quasi-prophéties, ce sont en fait ce qui est présenté dans le livre comme des prédictions, mais qui a été écrit après les événements, donc ce ne sont pas réellement des prédictions.
Et alors Goldinger pense qu’il s’agit d’un genre littéraire qui avait pour but d’enseigner que Dieu est souverain sur les événements de ce monde.
Alors je ne sais pas qui serait assez naïf ou manquerait suffisamment de bon sens pour tirer du fait que on présente comme des prédictions le récit d’événements qui se sont déjà produits comme porteur de l’idée que Dieu est souverain sur les événements.
On ne voit pas en quoi ça enseigne que Dieu est souverain sur les événements si on n’a pas affaire à de véritables prédictions.
Mais voilà, certains essayent de s’en sortir comme ça et de trouver une justification théologique à ce qu’ils considèrent comme des prédictions, mais des prédictions qui ont été faites après les événements, et donc qui sont en fait des récits d’événements passés.
La structure de Dyer est-elle cyclique ?
En quoi cela doit-il orienter le lecteur ?
À l’intérieur du livre, on a une partie en Araméen, donc les chapitres 2 à 7, et ces chapitres 2 à 7 présentent une structure régulière en chiasme.
Et puis l’ensemble du livre est composé en deux parties, et chacune de ces deux parties contient cinq sous-parties.
Les sous-parties de ces deux parties sont en fait parallèles.
La première partie, ce sont les chapitres 1 à 5, la deuxième partie, les chapitres 6 à 12.
Le premier chapitre est parallèle au chapitre 6, le chapitre 2 est parallèle au chapitre 7, etc.
Et le chapitre 5 est parallèle au chapitre 10 à 12, qui forment une unité, qui sont en fait une seule vision.
Par contre, on a au chapitre 11 quatre cycles d’éléments qui sont parallèles, enfin oui, entre les quatre cycles, les éléments sont parallèles et plus ou moins dans le même ordre.
C’est pour ça qu’on peut parler de cycles d’événements qui se répètent.
Voilà pour la structure.
Alors, ce que l’on peut dire sur la raison du découpage du livre en deux parties parallèles, en fait la première partie est consacrée à la période babylonienne, et la deuxième partie est consacrée à la période qui démarre avec l’Empire perse et qui va jusqu’à la fin du monde.
Et il y a un parallèle entre les deux parties, à chaque fois il y a un début plus positif, et puis les choses vont en s’empirant.
Et alors, on remarque une intensification dans la deuxième partie, puisque là le peuple de Dieu est persécuté de manière plus rude, plus sévère que ce que l’on a dans la première partie.
Donc il y a une intensification du mal d’une partie sur l’autre.
Comment pouvons-nous comparer les expériences et les réactions de Nabuchodonosor et de Balthazar face à l’humiliation ?
En fait, la comparaison est présente dans le livre elle-même, puisqu’au chapitre 5, Daniel rappelle à Belchatsar l’attitude qu’a eue Nabuchodonosor dans des circonstances un peu semblables, et il met en contraste les dispositions de Nabuchodonosor et celles de Balthazar.
Alors en fait, on voit toute une évolution chez Nabuchodonosor.
Au chapitre 2, il se rend compte que Dieu est capable d’interpréter, alors de révéler déjà le rêve qu’il a eu, et de l’interpréter.
Donc Dieu est capable de révéler des choses.
Au chapitre 3, il est capable de faire échapper les trois compagnons de Daniel de la fournaise ardente, et il assiste là à un miracle spectaculaire, extraordinaire.
Et puis au chapitre 4, il est victime d’une maladie, probablement une maladie mentale, qui le fait se prendre pour un bœuf, et il est humilié parce qu’il a fait preuve d’un accès d’orgueil.
Donc il est humilié, et quand il est rétabli, il reconnaît la grandeur, la souveraineté de Dieu.
Il avait déjà reconnu quand il a vu les trois compagnons de Daniel être libérés, mais il y a une progression, il reconnaît la souveraineté de Dieu.
Alors ça ne veut pas dire qu’il se convertit.
Nabuchodonosor était un polythéiste très superstitieux, syncrétiste, et rajouter un dieu à son panthéon, il n’était pas à sa prêt.
Mais il reconnaît quand même que le dieu de Daniel et le dieu de Judas est un dieu extraordinaire.
Belshazzar, lui, reçoit une révélation de Dieu, donc il y a une main, un tronçon de main qui apparaît, qui écrit sur le mur, et seul Daniel est capable de révéler l’inscription, et Daniel lui révèle que l’Empire babylonien touche à sa fin, et que Belshazzar lui-même va périr.
Mais il n’y a aucun geste qui manifesterait un changement de la part de Belshazzar, ou une prise en compte du message qui vient de lui être adressé.
En fait, Belshazzar était en train de se livrer à une orgie en utilisant les substantiels du culte du Seigneur, en glorifiant ses idoles, et on n’aperçoit aucun changement chez lui.
Donc il y a un contraste qui est établi entre l’attitude de Nabuchodonosor, qui est beaucoup plus noble, et celle de Belshazzar, qui finalement est méprisable.
Comment interpréter la prophétie du fils de l’homme de Daniel 7 ?
C’est un sujet débattu, certains pensent que c’est un ange, d’autres pensent que c’est le peuple d’Israël, d’autres pensent que c’est un individu, et même le Messie.
Il y a de bonnes raisons de considérer qu’il s’agit d’un individu.
Cet individu vient avec les nuées, nous dit le texte.
Or, dans l’Ancien Testament, c’est toujours Yahvé qui vient sur ou avec les nuées.
D’autre part, le personnage ressemble à un homme, nous est-il dit, mais c’est là un trait commun avec la vision de la gloire du Seigneur qui est apparue à Ézéchiel au moment de sa vocation, donc on le voit au premier chapitre du livre d’Ézéchiel.
On peut ajouter à cela que dans l’Apocalypse, au chapitre 1, on a la vision de Christ ressuscité, et cette vision attribue à Christ autant des traits du vieillard très âgé qui apparaît avant le personnage semblable à un homme, et des traits du personnage semblable à un homme.
Et donc, il y a une certaine identification dans la vision d’Apocalypse 1 entre le vieillard très âgé et le personnage semblable à un homme.
Et en même temps, le personnage semblable à un homme dans Daniel 7 est distinct du vieillard très âgé, qui représente évidemment Yahvé, puisqu’on a deux personnages là, et la distinction est aussi marquée par le fait que le personnage semblable à un homme reçoit du vieillard très âgé la royauté.
Et donc, on a affaire à deux personnages divins.
Et il est intéressant de savoir que Daniel Boyarin, qui est un rabbin juif orthodoxe, qui a écrit un livre, un petit livre là-dessus, il affirme lui-même que dans Daniel 7, on a deux personnages divins.
Maintenant, on peut aller encore un petit peu plus loin.
C’est que la promesse d’une royauté universelle, d’un royaume qui ne sera jamais détruit, qui sera remis au personnage semblable à un homme, fait penser aux prophéties messianiques.
Par exemple, Ésaïe 9, Ésaïe 11, où là il est question d’un descendant de David.
Et donc, on a un personnage qui est à la fois divin et qui en même temps est présenté comme le Messie Davidique des prophéties qui ont été apportées antérieurement.
Et évidemment, dans le Nouveau Testament, on a, je dirais, la clé de l’énigme.
Jésus s’est présenté comme le fils de l’homme.
Alors, dans le livre de Daniel, il est question d’un personnage comme un fils d’homme.
Un fils d’homme, ça veut dire un être humain.
Donc, un personnage semblable à un homme.
Mais Jésus, quand il se présente comme le fils de l’homme, eh bien, en fait, il renvoie à ce personnage de Daniel.
C’est pour ça qu’il y a l’article en plus.
Jésus est en train de dire « je suis ce personnage, le fils de l’homme dont il était question » dans le livre de Daniel.
Jésus qui est à la fois homme et Dieu.
Quelle est l’espérance finale de Daniel selon le dernier chapitre ?
C’est la résurrection.
La résurrection de tous les humains, les uns pour la vie éternelle et les autres pour la honte, l’opprobre éternelle.
Esaïe annonce la résurrection quand même dans l’un ou l’autre passage qui sont assez clairs et annoncent la victoire sur la mort.
Mais c’est vrai que Daniel est très explicite et le texte de Daniel est repris par Jésus, oui, c’est Jésus, dans l’évangile de Jean au chapitre 5.
Alors, la dernière question, c’est comment pouvons-nous prier pour vous ?
Déjà, on peut prier pour que ce commentaire aide des gens dans nos églises qui pourraient être tentés par les thèses critiques, leur donne des éléments pour répondre aux thèses critiques, pour résister à la tentation d’adopter les thèses critiques et c’est important, c’est la nature de Dieu, comme je l’ai dit tout à l’heure, qui est en cause, c’est la fiabilité du texte biblique.
Donc ça, c’est un sujet de prière que cet ouvrage contribue à cela, puis édifie aussi parce que j’essaye de tirer des applications pratiques et des conséquences pratiques pour notre vie dans le monde d’aujourd’hui du livre de Daniel.
Et puis un autre sujet de prière, je suis en train de travailler sur le volume 2 d’un manuel sur les prophètes, donc il portera sur Esaïe, le volume 1 est sorti en novembre l’année dernière, et donc prier pour que le Seigneur me donne de mener à bien cette tâche.
Matt Moury est diplômé de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine. Il a oeuvré pour une organisation étudiante missionnaire, Friends International, en Angleterre. Missionnaire soutenu par une Église anglicane évangélique, Christ Church Cambridge, il est pasteur de l’Église protestante baptiste d’Argenteuil.