J’écris cet article avec crainte et tremblement. L’Église est sainte, précieuse pour Dieu, et je prie de tout mon cœur que personne ne prenne des éléments de cette discussion pour partir précipitamment de son assemblée. Dans mon parcours de chrétien, j’ai vécu dans 7 Églises différentes. Toutes ont eu leurs points forts et leurs points faibles, avec des joies et des frustrations. La plupart de mes transitions ont suivi mon parcours géographique. Il n’y a qu’à deux reprises où j’ai changé d’Église par souci de conscience. Mais que ce soit dans des climats paisibles ou mitigés, je peux dire sans hésitation que les changements d’Églises ont été les plus grands défis de ma vie, et la cause des plus grandes douleurs. Lorsque nous vivons l’Église avec un plein engagement, partir fait mal. C’est quelque chose qu’il ne faut absolument pas minimiser. Je ne souhaite à personne de vivre une rupture d’Église qui n’est pas nécessaire.
Il arrive néanmoins dans le parcours d’un croyant qu’il soit temps de changer d’Église. Voici quelques éléments sur lesquels réfléchir.
Une question de sagesse
Partir d’une Église, en bons ou mauvais termes, est une question qui requiert une grande sagesse. Pour ce genre de décision, il est important d‘être bien entouré et de ne pas se précipiter.
S’isoler n’est jamais une bonne solution, et mène à des décisions déraisonnables (Proverbe 18.1). Au contraire, la Bible nous encourage à nous entourer de nombreux conseillers (Proverbe 11.4). Avant de prendre une décision aussi importante que celui d’un changement d’Église, il est indispensable de chercher conseil auprès de personnes sages, de mentors, de confidents, d’amis proches, de leaders spirituels.
Le regard des personnes de confiance peut aider à comprendre nos motivations. Par exemple, j’ai souvent vu des personnes quitter la ville pour des raisons financières, ce que je comprends, mais qui vont s’isoler dans des zones sans Église locale entraînant une grande souffrance spirituelle pour leur famille. De bons conseils mènent à de bonnes décisions.
Dans des situations de conflit ou tension avec l’Église locale, la sagesse de conseillers peut aider à déterminer ce qui est essentiel de ce qui est préférentiel. Aucune Église locale n’est parfaite, mais pour toutes les « bonnes » raisons de quitter une Église, il y a souvent une multitude de bonnes raisons d’y rester.
Le facteur temps est aussi un grand allié pour la prise de bonnes décisions. La Bible encourage les croyants à être intentionnels, mais non précipités : « Les projets de l’homme actif sont tout profit, mais celui qui agit avec précipitation n’arrive qu’à la misère. » (Proverbe 21.5).
De nombreuses tensions se résolvent avec le temps, d’autres non. Donner du temps permet de régler des situations et aussi d’observer si les gens impliqués sont capables de progresser ou non. Pendant mes études, j’ai vécu une grande crise dans une Église locale. J’ai vu une assemblée de 800 personnes être réduites à 200 personnes, 11 anciens sur 13 partir, 4 pasteurs sur 5 ont été licenciés. C’était laid. Mais alors que tout partait en vrille, je ne regrette pas de m’être donné un an de plus pour essayer de faire la différence. Quand le temps est venu de partir, j’étais convaincu que c’était à la fois la bonne décision et le bon moment.
Une question de conscience
Paul résume ainsi l’appel du chrétien dans le service :
Le but de ces instructions, c’est un amour qui provienne d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère. (1 Timothée 1.5)
Dieu nous appelle à le servir avec une bonne conscience. Il est important de pouvoir servir Dieu dans son Église locale avec une bonne conscience.
Le but du service dans l’Église locale est l’édification (1 Corinthiens 14.26). Nous servons pour construire ensemble un même corps, qui bouge dans une même direction, qui adore d’une même voix. Nous nous engageons pour être ces pierres vivantes qui forment un seul et même édifice à la gloire de Dieu (Éphésiens 2.21), pour être ensemble ce pilier qui soutient la vérité (1 Tim 3.15).
Vivre l’Église est vivre l’unité doctrinale, l’unité de service, l’unité de témoignage. Mais lorsque les positionnements de l’Église locale diffèrent beaucoup des nôtres, il peut être difficile de s’investir pleinement avec une bonne conscience.
Il est bien plus facile de servir « à fond » dans une assemblée dont la théologie et la philosophie de ministère nous ressemblent. Mais lorsqu’au contraire les enseignements et pratiques sont un sujet d’offense pour nos consciences, et mènent à un désengagement, il est peut-être préférable à ce moment de chercher une Église qui correspond davantage à nos convictions et valeurs.
Mais attention de ne pas utiliser la conscience comme une excuse trop rapide : celui qui part par motif de conscience devra s’efforcer de partir avec bonne conscience, en ayant fait le maximum possible de son côté. Ceci implique la prière pour les responsables, des efforts de communication ouverte, une attitude sans reproches vis-à-vis des conflits ou tensions. Même lors de désaccords, il est important de rester humbles, de parler avec grâce, et de tout faire pour être une bénédiction. Attention de ne pas partir par raison d’offense en offensant les autres !
Lorsque les choses tournent mal, et qu’une personne réfléchit à changer d’assemblée, la liste mentale des raisons pour partir s’allonge, et peut devenir un inventaire déséquilibré de munitions blessantes. Attention de ne pas tomber dans l’excès, de ne voir que les côtés négatifs, et blesser des personnes inutilement.
Une question de redevabilité
Un jour nous allons tous avoir des comptes à rendre devant Dieu. Un jour nous serons récompensés de la manière avec laquelle nous l’avons servi, de la façon dont nous avons fait profiter les dons qu’il nous a donnés (Matthieu 25.14-30).
Nous agissons beaucoup sur terre par crainte des hommes, par désir de plaire. Mais à la fin, ce qui compte devant Dieu n’est pas ce que nous avons fait pour plaire à des hommes, même ceux qui dirigent des Églises locales, mais ce que nous avons fait pour Dieu et pour faire avancer son Évangile.
Pour fonctionner, les Églises locales ont besoin de main-d’œuvre. Mais faire tourner une Église locale n’est pas toujours synonyme de service envers l’Évangile. Les lettres aux Églises de l’Apocalypse montrent clairement que certaines Églises locales sont égarées et ont besoin de repentance, au risque de perdre même leur lumière, le chandelier que Dieu leur a confié (Apocalypse 2.5).
Malheureusement, beaucoup de croyants passent leur vie à faire des choses « pour Dieu », mais pas « avec Dieu ». Il n’y aura pas de récompense au ciel pour l’énergie dépensée au fonctionnement d’institutions religieuses, si Dieu n’y est pas à l’œuvre. Ne restez pas dans une Église qui n’œuvre pas pour l’avancée de l’évangile ! Parfois notre soutien envers une Église locale peut encourager le péché de leaders, l’avancée de fausses doctrines ou de systèmes abusifs.
C’est à Dieu lui-même que nous aurons des comptes à rendre ; des comptes sur la manière dont nous avons dépensé notre temps, notre énergie, et les dons qu’il nous a donnés. Bien sûr, notre service dans l’Église ne doit pas être centré sur nous-mêmes, mais il important de se poser la question : « est-ce que je suis capable dans cette assemblée d’utiliser les dons que Dieu m’a donnés pour sa gloire ? ».
Je me souviens encore d’une discussion avec mon mentor, un des 4 pasteurs licenciés, qui malgré la crise avait choisi de continuer de servir l’Église même à titre gratuit. Il m’avait encouragé à partir pour mieux servir le Seigneur avec mes dons : « Il faut que tu partes et que tu ailles quelque part où tu peux faire « sauter » le plafond ! » m’avait-il dit. Je constate avec ironie qu’aujourd’hui nous finissons des travaux où nous avons fait «sauter » le plafond pour ajouter un étage à notre Église !
Les parents doivent aussi faire attention à leur attitude vis-à-vis de leurs enfants. Certains sacrifices faits par des familles sont louables (2 Timothée 1.16-18), d’autres doivent être mesurés avec sagesse.
Quand il est temps de partir
Si un jour vous êtes conduits à changer d’Église, ce que je ne vous souhaite pas, je vous encourage à le faire de manière réussie. Par la grâce de Dieu, j’ai pu garder de bonnes relations avec toutes les Églises d’où je suis parti, même lorsque les départs étaient mitigés. C’est possible, lorsque le dialogue est honnête, ouvert, et aimant. Si vous devez partir, faites-le bien. Réglez ce qui peut être réglé. Dites ce qui doit être dit, avec amour et humilité. Priez pour votre Église avant votre départ, priez pour elle après votre départ. Faites tous les efforts pour conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix (Éphésiens 4.3).