Jésus et les abus
Quel rapport tout cela a-t-il à voir avec la foi chrétienne ? Lorsqu’il s’agit d’abus sexuels, le christianisme semble être une source de problèmes autant que n’importe quelle autre institution, si ce n’est plus. De plus en plus d’accusations portées contre l’Église – récentes ou non – sont prouvées, et il est aujourd’hui tout à fait certain que de nombreuses œuvres chrétiennes ont été le théâtre de terribles maltraitances. Les faits en eux-mêmes sont monstrueux. Qu’ils aient été perpétrés dans un cadre chrétien les rend encore plus condamnables. Nous savons tous qu’une agression sexuelle est un crime. Cette conviction, aucun groupe social, aucune religion n’en détient le monopole. Mais les chrétiens ont sûrement plus de raisons d’en être conscients que les autres.
Jésus de Nazareth, le fondateur du christianisme, était connu pour prendre soin des personnes vulnérables, des marginaux et de ceux que l’on négligeait. Les gens disaient de lui :
« Il ne cassera pas le roseau abîmé » (Matthieu 12 : 20). Il était naturellement plein de douceur envers ceux qui souffraient et ceux qui étaient blessés. Voilà pourquoi nous sommes particulièrement révoltés lorsqu’une personne qui prétend suivre Jésus agit à l’encontre de son enseignement et de son exemple dans ce domaine.

Pourquoi Dieu se mêlerait-il de ma vie sexuelle?
Sam Allberry
Chaque jour qui passe, le monde doit faire face à suffisamment de choses horribles : pauvreté, souffrance ou encore catastrophes environnementales. Par conséquent, pourquoi Dieu se mêlerait-il de notre vie sexuelle ? Le créateur de l’univers n’a-t-il pas d’autres préoccupations plus importantes que de règlementer ce qui se passe dans notre chambre à coucher ?
S’il y a un aspect du discours de l’Église qui choque aujourd’hui, c’est bien son enseignement sur la sexualité. Peu de sujets attirent autant d’incompréhension, voire de critiques Dans ce livre réfléchi et accessible, Sam Allberry répond aux idées reçues sur ce sujet et présente avec fraîcheur et clarté la perspective biblique sur la sexualité.
Jésus lui-même a été victime de violences inimaginables. Nul besoin d’être chrétien et de croire en la Bible pour savoir comment s’est terminée la vie de cet homme. Des documents historiques rapportent que Jésus a été exécuté publiquement par les autorités romaines sur ordre de Ponce Pilate. Il est mort crucifié, après avoir été longuement humilié et torturé. Les récits du Nouveau Testament ne fournissent que peu de détails sanglants, ce qui est plutôt étonnant. Par contre, ils indiquent que Jésus a été privé de ses vêtements, fouetté, battu et tourné en ridicule. On a exposé sa nudité, on l’a battu et on s’est moqué de lui à plusieurs reprises. L’un de ses plus proches compagnons l’a trahi et les autres l’ont renié ou abandonné. Il nous serait bien difficile d’imaginer les souffrances émotionnelles, psychologiques et physiques que Jésus a subies, sans parler de la crucifixion qu’il a endurée ensuite.
Voilà l’homme que les chrétiens adorent et suivent. Par conséquent, ils devraient avoir une compassion spontanée pour les victimes. Jésus a expérimenté l’une des formes les plus violentes d’exclusion et de persécution, c’est pourquoi la foi chrétienne se caractérise par une profonde sensibilité à la maltraitance et à la souffrance d’autrui. Il est donc impensable que les chrétiens restent indifférents face aux abus et encore moins qu’ils les couvrent ou les perpétuent eux-mêmes. Ce que Jésus enseigne à propos de la sexualité devrait aussi les encourager à se mobiliser.
Jésus et le sexe
Le Sermon sur la montagne est l’un des discours de Jésus les plus réputés. De nombreux passages sont profondément ancrés dans notre culture occidentale. Vous connaissez sûrement ce discours mieux que vous ne le croyez. Au début, Jésus aborde la question de l’éthique sexuelle :
Vous avez appris qu’il a été dit: Tu ne commettras pas d’adultère. Mais moi je vous dis: Tout homme qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur.
Matthieu 5:27-28
Jésus sait que son auditoire connaît les Dix commandements de l’Ancien Testament, y compris celui qu’il cite – le septième – qui condamne l’adultère. Le mot « adultère » désigne une relation sexuelle entre une personne mariée et quelqu’un qui n’est pas son conjoint. Jésus reprend ce commandement en le complétant avec sa propre interprétation. Sans le contredire, il jette un nouvel éclairage sur la façon de le mettre en pratique.
Ne vous y trompez pas ! Les propos de Jésus sont tout aussi révolutionnaires pour ses contemporains que pour nous aujourd’hui.
Comment son auditoire de l’époque a-t-il compris ces paroles ? Jésus était un Juif du premier siècle et il s’adressait à ses compatriotes. Les Dix commandements constituaient le fondement de leur pensée éthique. Ils résumaient la totalité de la loi divine contenue dans l’Ancien Testament. Encore aujourd’hui, ils exercent une influence considérable sur notre culture puisqu’ils sont à l’origine de notre système moral.
Jésus cite le septième commandement qui condamne l’adultère. Il s’agissait de la base de l’éthique sexuelle collective de l’époque. Que penserait un Juif en l’écoutant? Peut-être a-t-il toujours été fidèle à sa femme et est-il plutôt fier de sa conduite. Peut-être est-il le premier à désapprouver le comportement adultère de certains membres de sa communauté. Il ne prendrait sans doute jamais le risque de se retrouver dans une situation qui favoriserait l’intimité physique avec une autre femme que la sienne. Il n’a d’ailleurs jamais touché une autre femme. C’était sûrement le cas de la plupart des Juifs à qui Jésus s’adressait. Ils se soumettaient à ce commandement et étaient sincèrement persuadés d’y obéir.
Alors, quand Jésus a déclaré : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère », j’imagine qu’un murmure d’approbation est monté du milieu de la foule. Oui, c’est ce que nous avons toujours entendu. C’est ce que nous avons toujours suivi. Ces hommes ont pu trouver d’autres exhortations de Jésus très exigeantes ou un peu trop indiscrètes. Il est difficile de lire le Sermon sur la montagne sans ressentir cela. Mais sur ce point-là, au moins, ils pouvaient se rassurer en pensant qu’ils étaient en règle.
Cependant, Jésus ne s’arrête pas là :
Mais moi je vous dis: Tout homme qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur.
Matthieu 5:28
Réfléchissez bien. Jésus ne remet pas en question leur interprétation du septième commandement. Il en élargit le sens et le champ d’application. Jusque-là, les Juifs croyaient que ce commandement ne concernait que l’adultère en actes. Or,
les relations physiques ne sont pas l’unique forme d’adultère. D’après Jésus, l’homme peut commettre un adultère dans son cœur sans l’avoir commis dans son corps. Un simple regard le rend coupable tout autant que ses actes. « Tout homme qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. » Il ne s’agit pas seulement de ce que nous faisons avec nos parties intimes, mais aussi de ce que nous faisons avec nos yeux et nos pensées. Cela concerne la manière dont je regarde l’autre et dont je pense à lui.
Pour Jésus, l’intention compte. Il n’est pas question ici du fait de remarquer une autre personne, mais de la regarder « pour la convoiter ». Il y a une différence entre trouver une personne séduisante et désirer la posséder. C’est cela, nous dit Jésus, que le septième commandement interdit. Nous y reviendrons plus loin.
La victime
Bien que Jésus s’intéresse en premier lieu à l’auteur du regard, il vaut la peine de s’interroger sur ce que cela implique pour celui ou celle qui fait l’objet de sa convoitise.
Jésus donne l’exemple d’un homme qui porte sur une femme un regard de désir. Bien sûr, cet enseignement s’adresse à nous tous, mais peut-être que la gent masculine a particulièrement besoin de l’entendre. En effet, la grande majorité des violences sexuelles est commise par des hommes sur des femmes et non l’inverse.
Jésus nous dit donc que l’homme qui regarde une femme avec désir a enfreint le septième commandement, exactement comme s’il avait couché avec elle.
Interrogeons-nous un instant sur ce que ces paroles impliquent pour la femme en question. Personne n’a le droit de la regarder pour la convoiter. Ce que Jésus veut dire par-là, c’est que la sexualité de cette femme a de la valeur : son intégrité sexuelle est importante et doit être respectée de tous. En fait, celle-ci est si précieuse que personne n’a le droit de lui porter atteinte, y compris dans l’intimité de ses propres pensées. Même si cette femme ne venait jamais à le découvrir, ce serait l’offenser gravement que de la convoiter.
Nous avons tendance à nous dire que les pensées des autres ne regardent qu’eux et que ce qui se passe dans leur tête ne nous concerne pas. Nous serions donc tentés de désavouer Jésus pour avoir osé se mêler de ce qui se passe dans notre tête. Avant de faire cela, cherchons à comprendre pourquoi Jésus ordonne une telle chose. Comme quelqu’un l’a dit un jour, on ne démolit pas un barrage sans savoir pourquoi il a été construit4. Ce que Jésus veut nous montrer, c’est que notre sexualité a bien plus de valeur que nous ne l’imaginons et que ses commandements visent, pour ainsi dire, à la protéger.