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Parmi les chrétiens réformés et évangéliques attachés à la Parole de Dieu, la plupart baptisent les adultes (baptistes), mais plusieurs baptisent les enfants (pédobaptistes) : comment une lecture sérieuse de la même Bible et une volonté sincère d’obéir à la volonté de Dieu peuvent-elles conduire à une telle différence ? C’est à cette question que Pascal Denault, cherche à répondre dans ce livre certes un peu ardu, mais vraiment éclairant. Même s’il défend la perspective baptiste, son ouvrage permet aussi de comprendre les fondements du pédobaptisme réformé classique (on rappellera par exemple, que Calvin était pédobaptiste).

Une conception différente de la théologie des alliances

La thèse de Pascal Denault : ces deux conceptions différentes du baptême ne proviennent pas seulement d’une lecture différente de certains textes, mais d’une vision plus profondément différente de la théologie des alliances. Baptistes et pédobaptistes sont en effet d’accord sur une chose essentielle : Dieu est un Dieu d’alliance, qui entre en relation avec les hommes par des alliances. La théologie des alliances permet de comprendre la structure globale du plan de rédemption. Mais baptistes et pédobaptistes ne s’entendent pas sur la nature et l’articulation des différentes alliances présentées dans la Bible. C’est pourquoi, au 17e siècle déjà, les baptistes ont remis en question la position réformée traditionnelle, pour aboutir à la Confession de foi réformée baptiste de 1689, qui se distingue justement de la Confession de Westminster sur la question du baptême.

Un seul peuple racheté

Après avoir défini ce qu’est l’alliance dite des œuvres (celle conclue entre Dieu et Adam), Pascal Denault en vient au cœur du débat : l’alliance de grâce. Sur ce point, pédobaptistes et réformés baptistes s’accordent à dire que l’Évangile a commencé d’être révélé en Genèse 3,15, directement après la Chute. Ils s’accordent aussi pour affirmer qu’il n’existe qu’un peuple racheté tout au long de l’histoire de l’alliance : l’Église, qui existe dès Genèse 3,15 et qui, après n’avoir été ouverte qu’aux Juifs dans l’Ancien Testament, est ouverte aux païens avec la venue de Jésus-Christ.

Une alliance plus excellente

Une alliance plus excellente

Impact Académia. 189.

Si vous êtes intéressés par la théologie des alliances et si vous désirez saisir la distinction entre la théologie réformée pédobaptiste et la théologie réformée baptiste, ce livre est pour vous. Il compare ces deux points de vue à partir de leur contexte originel du XVIIe siècle en examinant l’alliance des oeuvres, l’alliance de grâce, l’ancienne alliance (incluant une section spécifique sur les alliances abrahamique et mosaïque) et la nouvelle alliance.

Impact Académia. 189.

Pédobaptisme : une seule alliance de grâce

Mais baptistes et pédobaptistes se distinguent en revanche sur la question de l’unité de l’alliance de grâce. Les pédobaptistes mettent en effet un accent beaucoup plus important sur cette unité. Pascal Denault relève un trait caractéristique et capital de cette théologie : la distinction que font les pédobaptistes entre la substance de l’alliance et l’administration de l’alliance. Il n’y aurait, en substance, qu’une seule alliance de grâce. Dans ce schéma, l’ancienne et la nouvelle alliance ne diffèrent donc pas quant à leur substance (il s’agit d’une seule et même alliance) : il s’agit simplement de deux administrations différentes, de deux manifestations d’une même alliance.

Baptisme : deux alliances distinctes

Pour les baptistes, en revanche, l’ancienne et la nouvelle alliance sont deux alliances différentes. Certes, c’est toujours la grâce de Dieu qui se trouve derrière ces deux alliances, mais il s’agit bel et bien de deux alliances distinctes. Pascal Denault, qui soutient cette position, estime que l’alliance de grâce était seulement annoncée et promise dans l’Ancien Testament ; elle n’était pas encore réalisée, mais confinée au stade de promesse. Il a fallu attendre la venue de Jésus-Christ pour que cette alliance de grâce soit formellement conclue, établie. Selon la Confession de foi de 1689, Jésus-Christ est ainsi « devenu le médiateur de la nouvelle alliance de grâce éternelle ». Cette nouvelle alliance, plus excellente, vient ainsi remplacer l’ancienne, avec ses rites et ses cérémonies. Il y a donc continuité entre les deux alliances (parce que l’alliance de grâce a été révélée dès Genèse 3,15), mais aussi discontinuité, parce que cette alliance de grâce n’était pas conclue avant la mort et la résurrection de Jésus.

Des croyants et des incroyants dans l’Église ?

Quel rapport avec la question du baptême ? La vision pédobaptiste a une conséquence évidente : s’il n’existe qu’une seule alliance, cela signifie que l’Église (tout comme Israël dans l’Ancien Testament) est composée elle aussi de vrais et de faux croyants, lesquels n’ont que l’apparence de la foi. L’Église visible serait donc un peuple mixte, composé de vrais croyants régénérés et de faux croyants. Les vrais croyants sont ceux qui sont entrés dans l’Église par la conversion ; les faux croyants sont ceux qui professent la foi sans la vivre réellement, mais aussi les descendants des croyants qui entrent dans l’Église lorsqu’ils viennent au monde. Selon la logique pédobaptiste, sous l’ancienne alliance, les descendants naturels étaient en effet compris dans l’alliance ; il doit donc en aller de même pour les descendants naturels des chrétiens de la nouvelle alliance. Or les Hébreux selon la chair recevaient, au huitième jour de leur vie, le signe de l’alliance : la circoncision. De même, les enfants des chrétiens doivent donc recevoir le baptême étant enfants. CQFD ! Bref, ces enfants font alors partie de l’alliance, ils profitent des aspects visibles de l’alliance (église visible, sacrements…), mais sans pour l’instant être bénéficiaires de la substance de cette alliance (la grâce qui sauve).

L’Église, composée seulement de vrais croyants

Pascal Denault s’oppose à cette vision théologique pédobaptiste, en se basant justement sur les différences capitales qui existent, selon lui, entre l’ancienne et la nouvelle alliance. La mixité du peuple de l’alliance (Israël était composé de vrais et de faux croyants) n’était que l’ombre des choses à venir. Le propre de la nouvelle alliance, ainsi qu’annoncé notamment en Jérémie 31 et Ézéchiel 36, c’est justement de ne contenir en son sein que d’authentiques croyants. Et ce qui les caractérise, c’est leur capacité à obéir aux commandements de Dieu, alors que, dans l’ancienne alliance, les croyants n’avaient pas la force d’obéir à une loi qui les condamnait.

L’Église de la nouvelle alliance est composée de gens qui y sont entrés par la repentance et la foi. Dans la position baptiste, être dans l’alliance signifie jouir de tous les bienfaits et privilèges qui s’y rattachent, y compris la vie éternelle. Jésus-Christ est mort efficacement pour tous ses élus, Il est le nouvel Adam qui a accompli parfaitement l’alliance des œuvres là où Adam avait échoué. Dire que le peuple de l’alliance serait aussi composé d’incroyants revient à restreindre l’efficacité de la grâce à l’intérieur de l’alliance. Cela contredit la rédemption personnelle et efficace de Jésus-Christ.

Conséquence logique : il ne faut donner le baptême qu’à des gens qui ont fait profession de foi, dont la vie semble confirmer qu’ils font réellement partie de l’alliance de grâce, qu’ils font réellement partie de l’Église invisible composée de tous ceux qui ont été rachetés efficacement par le sang de Christ. Bien sûr, il peut arriver que l’Église visible baptise des incroyants par mégarde : ce n’est cependant pas souhaitable. Il ne faut pas y voir une preuve de la mixité de la nouvelle alliance, mais le fait que même les églises locales les plus pures sont sujettes au mélange et à l’erreur et peuvent considérer à tort comme croyants des gens qui en réalité « n’étaient pas des nôtres » (1 Jean 2,19).

La circoncision du cœur comme accomplissement de la circoncision physique

Dans un dernier chapitre, Pascal Denault médite encore sur l’alliance avec Moïse et sur celle avec Abraham. Cela vaut la peine de s’arrêter courtement sur cette « alliance abrahamique » puisque, sur ce point encore, pédobaptistes et baptistes ont des opinions divergentes, avec des implications sur la question du baptême. On en revient à la question de la mixité. En effet, du côté des pédobaptistes, l’alliance avec Abraham était une alliance mixte, incluant à la fois des croyants et des non-croyants, c’est-à-dire à la fois une postérité spirituelle et une postérité physique. Les baptistes, eux, estiment que la postérité physique et la postérité spirituelle d’Abraham sont deux catégories à part : il y a deux héritages, et par conséquent deux alliances. Selon Galates 4,22-31, Abraham est à la fois le père de tous les vrais croyants (ceux qui ont la foi) et le père à l’origine de la nation israélite selon la chair. Et Dieu a toujours fait une distinction entre ces deux postérités d’Abraham, entre sa descendance naturelle et sa descendance spirituelle. L’alliance physique (qui contient la promesse d’une terre et le commandement de la circoncision) n’est donc pas la plus importante ; ce qui prime, c’est l’alliance spirituelle, l’alliance de grâce que Dieu promet à Abraham, dans laquelle on entre par la foi et qui sera accomplie lorsque viendra le Messie, celui qui circoncira les cœurs.

Un ouvrage technique, mais clair et complet

Vous avez certainement perçu que le propos de ce livre de Pascal Denault est assez technique (que le lecteur m’excuse donc si certaines subtilités m’ont échappé). De plus, la structure de l’ouvrage et certaines formulations auraient pu être certainement simplifiées. Mais la lecture complète du livre permet finalement d’arriver à une compréhension assez claire des enjeux. L’auteur parvient très bien à montrer les distinctions théologiques fondamentales entre les théologies baptiste et pédobaptiste. Son travail est bien documenté et la bibliographie est abondante. On ne peut aussi que s’enthousiasmer de l’œuvre excellente et parfaite de Jésus-Christ, manifestation suprême de la grâce de Dieu et médiateur de cette nouvelle alliance.

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