La question à laquelle j’essaie de répondre est la suivante : Si la foi est la condition sine qua non pour être sauvé (Éphésiens 2:8 ; Actes 16:31 ; Romains 5:1), alors est-il approprié de parler de la foi comme méritant le salut ? Peut-on gagner son salut en croyant en Jésus ?
Tout d’abord, notons que ce n’est pas une question pertinente pour la position universaliste. Cette position considère que l’appel à la foi est l’appel pour tous les Hommes à reconnaître qu’ils ont déjà été justifiés et qu’ils sont et seront sauvés. Dans ce cas, rien de déterminant n’est suspendu à l’acte de foi. Je ne travaillerai donc pas avec l’hypothèse universaliste, mais plutôt avec l’hypothèse que « nous sommes justifiés par la foi » (Romains 5:1) et que sans la foi, nous ne sommes ni sauvés et ni justifiés.
En d’autres termes, je pars du principe que l’attitude du cœur et de l’esprit que nous appelons foi est tout aussi nécessaire au salut de l’individu que la mort et la résurrection de Christ. En effet, sans cette foi, nous ne serons pas sauvés. L’insistance sur le fait que notre foi est aussi nécessaire que la mort de Christ pour notre salut signifie-t-elle que notre foi mérite le salut ?
La réponse à cette question dépend de l’usage que nous faisons des mots utilisés. Les mots clés sont « mérite » et « foi ». Tel qu’il est normalement utilisé, le terme « mériter » (ou « être digne de ») quelque chose de bon de la part de quelqu’un signifie accomplir un acte ou manifester une qualité qui a suffisamment de valeur pour qu’une autre personne soit moralement obligée de la récompenser.
Illustration 1 – Le condamné coupable
Deux illustrations peuvent montrer ce que la foi implique et si elle « mérite » le salut.
Premièrement, imaginez-vous comme un meurtrier condamné à mort qui attend son exécution. Vous êtes coupable et tout le monde le sait. Vous méritez de mourir. Puis, vous recevez une lettre du président qui dit qu’il a, par son pouvoir souverain, décidé de remettre votre peine et de vous libérer.
La raison qu’il donne pour cette décision n’est pas qu’il y ait eu de nouvelles preuves, mais il veut simplement démontrer à tous son pouvoir à travers cette déclaration de miséricorde et transformer votre mépris pour ses lois en une humble adoration de sa souveraineté miséricordieuse. Il attire votre attention sur le sceau qu’il a apposé sur la lettre et vous demande de le montrer simplement au gardien, qui vous laissera alors partir sans vous poser de questions.
Vous appelez donc le gardien, lui montrez la lettre et obtenez un rendez-vous avec le directeur. En entrant dans le bureau du directeur, vous sentez l’air frais de la vie et de la liberté qui souffle à sa fenêtre et vous voyez la cime des arbres et un cerf-volant voler au-delà du mur. Vous lui remettez la lettre et il la lit. Sans poser de questions, il ordonne au garde de ramener vos affaires. En quittant l’établissement, vous vous retournez pour regarder l’imposante prison et la rangée de fenêtres où vous vous trouviez une heure auparavant. Puis, vous vous mettez à courir, à sauter, à crier, à rire et à dire à tout le monde : « Le président m’a libéré ! Le président m’a laissé sortir ! ».
Illustration 2 – Le pauvre ouvrier
Dans la deuxième illustration, imaginez que vous êtes un pauvre ouvrier non qualifié qui arrive péniblement à nourrir sa femme et ses trois enfants. Un jour, vous recevez par la poste une lettre d’un riche et célèbre philanthrope. La lettre dit que si vous l’apportez à son avocat, celui-ci vous versera cent mille dollars sans aucune condition. La raison qu’il donne est simplement qu’il aime donner aux pauvres.
Il n’y a aucune indication sur la raison pour laquelle il a envoyé la lettre à vous et pas à un autre. Il vous suffit d’aller chercher l’argent avec la lettre. Vous suivez donc ses instructions et vous y allez. En entrant dans le bureau de l’avocat, vous lui remettez la lettre. Il dit qu’il vous attendait, fait le chèque et vous souhaite bon vent.
La question que soulèvent ces deux histoires est de savoir si, dans l’une ou l’autre situation, vous pouviez à juste titre parler de « mériter » la liberté ou la richesse ? Vous deviez en effet remplir une condition : La condition sine qua non de la liberté et de la richesse était de présenter les lettres du président et du philanthrope. Mais pour reprendre notre définition du mérite, la présentation des lettres était-elle un acte si estimable pour le président ou le philanthrope qu’ils étaient obligés de vous récompenser ?
En quoi la foi n’est pas un mérite
Je pense que la réponse est clairement non. Une seule chose obligeait le président et le philanthrope : leur propre honneur. Dans la mesure où ils étaient engagés à préserver leur propre honneur, il leur était moralement impossible de refuser la faveur qu’ils avaient promise. En d’autres termes, il y avait quelque chose de si précieux pour eux qu’ils étaient obligés de le « récompenser », ce quelque chose, c’est leur propre nom.
La foi est symbolisée par la réponse du prisonnier et du pauvre. Sur quelle base pouvaient-ils prétendre avec assurance à la promesse de liberté et de richesse ? Aucune utilisation des termes « mériter » ou « être digne » dans notre expérience ordinaire ne justifierait que le prisonnier dise au directeur : « Je mérite la liberté parce que je vous ai apporté cette lettre ». Il ne pourrait pas non plus dire: « L’acte qui consiste à apporter cette lettre est un acte si estimable pour le président qu’il est donc obligé de me libérer ». Cette déclaration contredit complètement la dynamique de cette situation.
Le prisonnier peut dire une chose : « Notre président miséricordieux m’a envoyé une lettre de remise de peine et je crois que sa fidélité à sa parole et son engagement envers son propre honneur sont si grands que, malgré ma culpabilité, il fera certainement ce qu’il a dit ».
La foi est cet acte humain qui oblige moralement une autre personne sans attirer l’attention sur l’honneur de cette dernière. La foi en la promesse de Dieu l’oblige à sauver le croyant, non pas parce que la qualité de la foi est méritoire, mais parce que la foi est le seul acte humain qui attire l’attention sur le mérite, l’honneur et la gloire de Dieu et sur son engagement indéfectible à maintenir cette gloire.
La foi est cet acte humain qui oblige moralement une autre personne sans attirer l’attention sur l’honneur de cette dernière
Le motif biblique de la foi
Le cri de la foi se trouve tout au long des Psaumes:
- « Secours-nous, Dieu de notre salut, pour la gloire de ton nom ! Délivre-nous, et pardonne nos péchés, à cause de ton nom ! » (Psaume 79:9).
- « À cause de ton nom, Éternel, rends-moi la vie ! » (Psaume 143:11).
- « C’est à cause de ton nom, ô Éternel ! Que tu pardonneras mon iniquité, car elle est grande. » (Psaume 25:11).
- « Et toi, Éternel, Seigneur ! Agis en ma faveur à cause de ton nom, Car ta bonté est grande ; délivre-moi ! » (Psaume 109:21).
Paul présente l’essence de la foi comme l’antithèse du mérite lorsqu’il dit dans Romains 4:4-5 : « Or, à celui qui fait une œuvre, le salaire est imputé, non comme une grâce, mais comme une chose due ; et à celui qui ne fait point d’œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice ».
De même, Paul donne l’expérience d’Abraham comme le grand exemple représentant la foi quand il dit : « Il ne douta point, par incrédulité, au sujet de la promesse de Dieu [les lettres du président et du philanthrope] ; mais il fut fortifié par la foi, donnant gloire à Dieu » (Romains 4:20).
Article original : PIPER, John. Is Faith Meritorious?. In: Desiring God [en ligne]. 1976-04-01 [consulté le 2022-09-09]. Disponible à l’adresse : https://www.desiringgod.org/articles/is-faith-meritorious